Science

Un chasseur de planètes part pour l’espace

Il promet de faire bondir le nombre d’exoplanètes connues. Et cette fois, il partira à la recherche de celles qui sont assez près de la Terre pour qu’on puisse les caractériser et, on l’espère, y détecter des signes de vie extraterrestre. C’est aujourd’hui qu’on lancera dans l’espace le chasseur d’exoplanètes TESS. Dire qu’il suscite des attentes est un euphémisme, notamment chez les chercheurs montréalais.

Une excitation palpable

Jeudi dernier, une quarantaine de chasseurs de planètes étaient réunis dans un auditorium de l’Université de Montréal. Chercheurs, étudiants et autres mordus de nouveaux mondes célestes étaient là pour dresser le bilan du tableau de chasse actuel et discuter des meilleures façons de repérer de nouvelles cibles. Un mot était sur toutes les lèvres : TESS, acronyme qui signifie Transiting Exoplanet Survey Satellite. Embarqué dans une fusée Falcon 9 de l’entreprise SpaceX, ce petit télescope sera lancé dans l’espace ce soir à 18 h 32 dans un nuage de fumée. « Il y a matière à s’exciter », a lancé René Doyon, directeur de ce groupe de passionnés appelé IREx, pour Institut de recherche sur les exoplanètes. Derrière lui, les mots « lancement lundi prochain ! » clignotaient en grosses lettres rouges sur un écran.

Tout le ciel

Si TESS suscite autant de fébrilité, c’est qu’il ratissera pour la première fois l’ensemble du ciel pour y repérer des exoplanètes (soit des planètes qui tournent autour d’une autre étoile que le Soleil). Son prédécesseur, Kepler, a scruté pendant quatre ans une région du ciel équivalente à celle que cache une main tendue vers le ciel. La chasse de Kepler a certes été un succès retentissant. Le télescope spatial a repéré pas moins de 4587 exoplanètes potentielles, dont plus de la moitié ont été confirmées, et les chiffres augmentent sans cesse. Grâce à lui, on sait maintenant que les exoplanètes foisonnent dans l’Univers. Le hic, c’est que plusieurs de ces mondes sont si lointains qu’il est à peu près impossible de savoir de quoi ils sont faits. « Quand Kepler trouvait une planète habitable à 400 années-lumière de la Terre, ça faisait tout un buzz et c’est bien, mais on ne pouvait pas l’étudier, explique le professeur Doyon. Tandis que TESS va trouver des planètes proches de nous. Ces planètes sont des perles parce qu’on peut ensuite les caractériser. Ce sera une manne absolument incroyable. »

Un clin d’œil et une danse

Contrairement aux étoiles, les planètes sont très peu brillantes et les détecter n’est donc pas simple. Comme Kepler, TESS y parviendra grâce à une astuce. En passant devant son étoile, une planète bloque une petite partie de la lumière de cette étoile. C’est cette infime baisse de luminosité qui trahit sa présence. « L’étoile nous fait un clin d’œil », dit René Doyon.

La quantité de lumière bloquée révèle la taille de la planète, et le temps entre les clins d’œil donne la période avec laquelle elle tourne autour de l’étoile. Mais pour les chercheurs, ce n’est que le début de l’histoire. Une fois une exoplanète repérée dans le ciel, les scientifiques braquent vers son étoile des instruments installés sur Terre. Ceux-ci mesurent les petits mouvements que produit la planète sur son étoile à cause de son effet gravitationnel. « On regarde les étoiles danser », illustre René Doyon. Ces mesures permettent de déduire la masse de la planète. En connaissant la taille et la masse d’une planète, on peut calculer sa densité et ainsi deviner s’il s’agit d’une boule de roche comme la Terre ou d’une boule de gaz comme Jupiter.

À la recherche de la vie

Découvrir une nouvelle planète est excitant. Mais tout le monde convient que la révélation ultime serait de détecter des signes de vie. Oubliez tout de suite les petits bonshommes verts observés au télescope. À supposer que ceux-ci existent, les planètes sont trop éloignées pour que nos instruments les voient. C’est dans l’atmosphère des exoplanètes qu’on espère trouver une « biosignature » – oxygène, dioxyde de carbone, vapeur d’eau, méthane. Pour annoncer la grande découverte, il faudra bien connaître la planète afin de stipuler que, dans ce cas précis, la présence de telles molécules s’explique par la vie et non par des phénomènes chimiques ou géologiques.

Détecter la mince atmosphère d’une planète située à des dizaines d’années-lumière de la Terre est une véritable prouesse technique. On y parvient parce qu’une partie de la lumière qui traverse l’atmosphère est absorbée. En observant de la Terre, il manque ainsi de la lumière, ce qui révèle la présence de l’atmosphère. En analysant minutieusement les longueurs d’onde manquantes, on peut déduire quelles molécules les ont absorbées et deviner sa composition.

Un autre télescope lancé en 2020

L’Université de Montréal a codirigé la fabrication d’un instrument appelé NIRISS qui fait justement ça et qui sera embarqué sur le futur télescope spatial James-Webb. Le lancement de ce dernier est sans cesse retardé et est maintenant prévu pour mai 2020. René Doyon reste toutefois « zen » devant ces délais et croit que le moment où on apprendra que l’être humain n’est pas seul dans l’Univers est pour bientôt.

« Je suis profondément convaincu qu’il y a de la vie ailleurs, dit le spécialiste. Bien sûr, je n’ai aucune preuve de ça. C’est une découverte qui va probablement arriver dans quelques décennies. Je serai sans doute à mon chalet, sur le bord d’un lac… Mais j’espère vivre ce moment-là de mon vivant. »

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