AMÉNAGEMENT COMESTIBLE

Une cour à croquer

La plupart des gens aiment profiter de l’été pour manger dans leur jardin. Josianne Quessy, elle, c’est son jardin qu’elle mangera. Littéralement. Tout ce qui y pousse est comestible, à l’exception d’un arbre. N’y cherchez même pas un brin d’herbe !

UN DOSSIER DE VIOLAINE BALLIVY

Les quatre saisons d’une cour comestible

Depuis un an, Josianne Quessy a poussé à l’extrême limite la culture potagère à l’arrière du duplex de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie qu’elle partage avec son conjoint, Jean-Charles Bouchard. « Nous n’avons rien planté qui n’est pas comestible. Tout, tout se mange », affirme-t-elle, un large sourire aux lèvres. La jeune femme est visiblement comblée. Ses efforts ont porté des fruits. Elle a, enfin, la cour de ses rêves.

Devant elle, il y a de grands bacs de bois remplis de légumes variés : des tomates, bien sûr, des pommes de terre, des laitues, des haricots, des brocolis et des tas de fines herbes. Elle a même eu des asperges au printemps.

Mais du gazon ? Il n’y en a point. « Ça ne se mange pas », justifie-t-elle. Entre les bacs débordants, elle fait pousser du thym, couvre-sol qui résiste bien à la chaleur et empêche les mauvaises herbes de venir jouer les trouble-fêtes. Elle n’a gardé qu’un érable à sucre, tout au fond, « parce qu’il est si beau à l’automne », dit-elle. Et encore, ça se défend, puisqu’elle pourrait en tirer du sirop d’érable. Même les fleurs ont été choisies en fonction du fait qu’elles peuvent – en partie du moins – se retrouver dans l’assiette, du pétale au rhizome, au gré des variétés.

Excessif ? « Peut-être un peu, dit-elle en riant. Mais quitte à le faire, autant le faire pour vrai, non ? »

Sans entretien

Il y a à peine plus d’un an, le visiteur aurait pourtant contemplé une scène tout autre : une cour accaparée par un ample stationnement en asphalte et encerclée par une clôture Frost blanche « bien laide », dixit la propriétaire. Il y avait beaucoup de gris, pas assez de vert, un rien de plantations et trop peu d’intimité.

« On ne profitait vraiment pas beaucoup de la cour. »

— Josianne Quessy

Un trésor négligé.

Les travaux d’aménagement ont commencé par le gros œuvre. On a détruit l’asphalte du stationnement puis érigé une clôture de cèdre offrant un peu plus d’intimité que l’ancienne, camouflant au surplus la voiture, dorénavant garée sur des dalles alvéolées partiellement gazonnées. Au lieu du traditionnel cabanon indépendant, Josianne Quessy a imaginé un module de rangement intégré dans la clôture, très peu profond et tout en longueur (14 pi sur 4 pi de profondeur), qui se fond dans le décor.

Le plus intéressant, toutefois, reste probablement ce qui est invisible à l’œil nu. C’est l’entretien, ou plutôt l’absence (relative) d’entretien que requiert ce potager. C’était une condition sine qua non pour Josianne Quessy. « Je n’ai ni l’envie ni le temps de passer des heures à jardiner », lance l’ostéopathe. « C’est compréhensible. Moi aussi, ma passion, c’est de récolter, pas de désherber », dit Claudine Gascon, propriétaire de Croque paysage, entreprise de Val-David spécialisée dans les aménagements paysagers comestibles qui a conçu et réalisé ce projet.

Pour ce faire, il faut prévoir une préparation du sol impeccable, explique Claudine Gascon. Ce qui implique d’éradiquer auparavant la moindre trace de mauvaise herbe, à la main. Puis de faire évaluer le sol de sa cour pour en corriger les défauts avant même de semer la première graine.

Quand le sol a enfin été prêt à recevoir ses premiers plants, le mois d’août était déjà bien entamé. Josianne Quessy pensait ne rien récolter cet été-là. Mais à l’automne, elle confiait déjà avoir du mal à écouler toute sa moisson : « Il va falloir que je commence sérieusement à faire des conserves et que songe à me doter d’un petit congélateur pour l’an prochain si je ne veux pas perdre ma production. »

« Je suis toujours surprise de voir la productivité des jardins de Montréal, remarque Claudine Gascon. Même quand le terrain est un peu à l’ombre, à cause de la chaleur, les rendements sont bons. Et puis, la période de croissance dure un mois de plus qu’à Val-David : ce n’est pas rien ! »

L’automne a nécessité, comme promis, un entretien minimum, puisque Claudine Gascon suggère de laisser les déchets végétaux sur le sol, détaillés en morceaux, pour l’enrichir naturellement. Au printemps, il n’y a plus qu’à creuser un sillon dans ce paillis naturel avant de semer ou planter.

Au printemps, Josianne et son conjoint ont refait quelques travaux pour se doter d’un système d’irrigation qui a fait disparaître l’arrosage de la liste des corvées. « Ce n’est pas donné, mais un luxe qui, pour nous, valait vraiment la peine. Je n’ai pas toujours le temps ou l’envie de passer une heure à arroser le jardin après une journée de travail. Là, ça se fait tout seul et ça se fait bien. » Et le mois de juillet particulièrement chaud et sec ne lui fait nullement regretter son achat. Partir en vacances, ne serait-ce qu’un long week-end, n’est plus un casse-tête pour trouver un volontaire pour l’arrosage.

« Je ne dirais pas que le jardin n’a pas besoin d’entretien », observe Josianne Quessy. Mais les tâches qui restent sont les plus agréables : planter, cueillir, cuisiner. Et profiter du joli tableau.

Conseils d’entretien

Cinq conseils de Claudine Gascon, propriétaire de Croque paysage, pour un potager comestible à entretien réduit.

Toujours faire analyser le sol

Il est moins frustrant de rectifier son pH avant d’y semer les premières graines qu’après une première récolte ratée. « Les sols sont souvent trop alcalins à Montréal », prévient Claudine Gascon.

Lire avant de planter

« On fait trop souvent des essais et erreurs qui nous font perdre beaucoup de temps parce que l’on connaît mal les plantes », dit Claudine Gascon. Par exemple, en plantant des framboisiers dans un secteur où ils ne sont pas contenus et auront tout le loisir de s’étendre. Bannir le rotoculteur

« C’est vraiment à proscrire !, affirme Claudine Gascon. Dans les pelouses plantées depuis plusieurs années, on retrouve du chiendent, de la prêle, dont les racines sont très rigoureuses. Si on coupe la racine en deux, on aura deux plantes. Si on la coupe en 100, avec le rotoculteur, on se crée beaucoup, beaucoup de job. »

Bouder le travail

Une fois que le sol a été bien préparé, enrichi, on évite de le travailler. « Chaque fois qu’on retourne la terre, on perturbe la vie qui travaille à dégrader la matière pour la rendre assimilable dans le sol. » On peut ajouter des fertilisants naturels, mais en surface seulement.

Aimer la rotation

On peut planter des tomates chaque année, mais jamais au même endroit. La rotation des plantes permet de limiter l’épuisement des sols et la propagation de maladies.

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