Analyse

Un atterrissage en douceur

En matinée, il disait « détester l’improvisation et la précipitation ». Quelques heures plus tard, pour sa première intervention comme chef de parti à l’Assemblée nationale, Pierre Karl Péladeau soutenait pourtant que « le Québec est un pays riche, il se classe 17e parmi les plus riches du monde. Il devance même la Suède et l’Allemagne ! »

Il s’appuyait sur une étude de l’économiste Pierre Fortin, un document que lui avait refilé l’ancien ministre Pierre Duchesne. « Mon étude n’était pas complétée, il y a des chiffres que j’aurais dû ajuster, disons que le Québec est entre le 17e… et le 28e pays », a expliqué l’économiste Fortin, joint par La Presse.

En soirée, Fortin a fourni des chiffres révisés. Les Québécois arrivent 22es au palmarès, moins riches que les Allemands et les Suédois. Les bas prix au Québec pour l’énergie et les services sociaux procurent un avantage de 8 à 9 % pour le Québec. Néanmoins, l’avance de l’Allemagne sur le Québec est de 4 % et celle de la Suède, de 5 %.

En fait, l’étude constitue une adaptation d’une étude du Fonds monétaire international qui compare davantage les pouvoirs d’achat des citoyens des différents pays en 2013. Même en 28e place, le Québec n’aurait pas à rougir : il serait voisin du Japon et du Royaume-Uni. Le « Canada sans le Québec » est loin devant, en 11e place, essentiellement grâce à l’Alberta qui, il y a deux ans, n’avait pas encore encaissé la baisse des prix du pétrole.

Ainsi, pour sa première question comme chef, M. Péladeau a choisi comme prévu l’économie. Mais on était loin des imprécations dogmatiques, du ton cassant et grandiloquent. Le nouveau chef a même proposé sa collaboration pour tenir un sommet économique dès septembre prochain, dans le but de « contribuer à définir les moyens et les priorités d’un véritable plan de croissance durable ». 

On n’était pas dans le ton solennel d’un Parizeau qui « tend la main à [son] premier ministre » au moment du naufrage de l’entente du lac Meech. 

Mais la stratégie pouvait rappeler Jean Charest qui, pour sa première question, avait promis sa collaboration à Lucien Bouchard pour une enquête sur le réseau de la santé.

Pas de credo souverainiste pour le nouveau chef de l’opposition, plutôt une liste assez exhaustive des fermetures d’usine récentes, des emplois perdus au cours des derniers mois. M. Péladeau a choisi un ton conciliant, bien différent des interventions robustes qu’on lui avait connues avec le ministre Jacques Daoust jusqu’ici. Probablement soucieux de ne pas commettre d’impairs, le nouveau chef lisait studieusement ses questions – dans la même situation, ses prédécesseurs, de Bernard Landry à André Boisclair, même Pauline Marois, avaient démontré un bien meilleur sens de l’improvisation. Tous étaient, il faut le dire, des parlementaires plus expérimentés.

Philippe Couillard a répliqué en soulignant sans surprise que pour garder les sièges sociaux au Québec, « la stabilité économique, politique et financière » était un ingrédient incontournable. Les familles touchées par la fermeture de trois usines de Tembec, en Abitibi, « préféreraient que le gouvernement soit à l’œuvre, sur le terrain », plutôt qu’un « événement public » réunissant des groupes d’intérêts devant les caméras. MM. Péladeau et Couillard sont restés au-dessus de la mêlée.

Jacques Daoust, responsable de l’Économie, avait quant à lui le mandat de jeter les gants : le patron de Québecor, M. Péladeau, avait 60 000 employés en 1999 quand il a pris la barre de l’entreprise. Quand il l’a quittée, en 2013, il n’en restait que 15 100. « Création d’emplois ? Je n’ai pas de leçons à recevoir de l’autre côté », a répliqué M. Daoust.

En après-midi, lors d’une réception pour souligner son élection comme chef, Pierre Karl Péladeau y est allé d’une autre démonstration d’ouverture ; son parti sera aussi celui de l’économie sociale, des démunis, de l’environnement. Une attitude volontairement rassembleuse, conciliante. Reste à voir si cela durera.

Ses décisions pour l’intendance vont dans le même sens : pas de chambardements, M. Péladeau a opté pour la continuité, quitte à revoir ses choix à la fin de l’été. Personne de Québecor ou de ses filiales ne débarque au Parlement. 

Simon Lajoie, chef de cabinet perpétuel au bureau du leader parlementaire, deviendra le patron du cabinet de M. Péladeau. La garde rapprochée du chef péquiste reste la même ; Julien Lampron reste aux communications. Pour l’essentiel, tout le monde reprend son poste d’avant le départ de Pauline Marois. Stéphane Bédard redevient leader en Chambre – son frère Éric est un conseiller écouté par Pierre Karl Péladeau. Agnès Maltais retrouve ses fonctions de leader adjoint. Sylvain Pagé, député de Labelle, continuera de présider le caucus et Marjolain Dufour conserve son poste de whip.

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