Contrat de VIA Rail à Siemens

Des dommages collatéraux à prévoir

C’est avec beaucoup d’appréhension et de questionnements que bien des fournisseurs et des membres de l’écosystème du transport ferroviaire au Canada attendent le résultat final de l’appel d’offres de VIA Rail pour fabriquer le matériel roulant qui remplacera la flotte utilisée dans le corridor Québec-Windsor.

L’allemande Siemens semble destinée à remporter le contrat de VIA Rail, une société d’État canadienne. Notre VIA Rail se prépare à choisir un constructeur étranger, lequel ne dispose d’aucune usine de fabrication de trains au Canada, pour servir la plus importante ligne ferroviaire canadienne.

La ville de Florin en banlieue de Sacramento, en Californie, héberge une usine de Siemens qui assemble des locomotives hybrides. Cette usine est stratégique pour Siemens, car elle permet à l’entreprise de se qualifier pour le «  Buy America Act  » et de nourrir d’autres installations de Siemens, dont celles de la Géorgie et de l’Ohio qui fabriquent de l’équipement électrique et de traction. Siemens ne s’en cache pas, c’est le «  Buy America Act  » qui l’a poussée à investir en sol américain pour développer sa capacité manufacturière et son réseau de fournisseurs.

Le protectionnisme favorise les entreprises étrangères

Ce sont donc des dispositions législatives américaines qui donnent à Siemens un certain avantage. Avec une usine californienne et un réseau local de fournisseurs, Siemens est en mesure d’être très concurrentielle sur le marché nord-américain. Un flot de commandes important lui venant notamment d’Amtrak et des agences de transport de Pennsylvanie et du Maryland lui donne l’oxygène nécessaire pour investir en efficacité et en productivité.

Bombardier Transport mais aussi plusieurs fournisseurs québécois et canadiens en transport ferroviaire font face de façon récurrente à des contraintes de contenu local.

Nos efforts de commercialisation à l’extérieur du pays deviennent passablement difficiles face à des entreprises qui ne répondent plus au libre marché.

Comment dans ces conditions garder et développer une expertise reconnue au Québec et au Canada ? Le gouvernement fédéral et ses sociétés d’État doivent cesser de porter des lunettes roses et faire un exercice sérieux d’analyse des forces en présence. Souhaitons-nous que des fournisseurs canadiens et québécois imitent Siemens et concentrent leurs activités nord-américaines aux États-Unis pour ainsi profiter du volume important de contrats publics américains ?

Nous donner les moyens de réussir

Le Canada peut et doit lui aussi apprécier les appels d’offres dans leur globalité, dont le prix, les exigences techniques et les retombées locales, lorsque des fonds publics sont engagés. Ce qui est bénéfique pour les États-Unis peut l’être tout autant pour le Canada. Nous pourrions alors créer un effet de levier important pour l’industrie du transport ferroviaire.

Ainsi, tout l’écosystème ferroviaire pourrait améliorer sa compétitivité et accentuer sa présence sur les contrats publics d’ici comme d’ailleurs. Augmenter le volume d’affaires local permet au réseau de fournisseurs d’un manufacturier comme Bombardier Transport d’investir dans sa compétitivité.

Le gouvernement fédéral, en restant les bras croisés, met en péril l’écosystème et des milliers d’emplois spécialisés et bien rémunérés.

Les entrepreneurs canadiens et leurs employés méritent mieux comme soutien gouvernemental.

Le système ferroviaire nord-américain est vieillissant et doit être modernisé afin notamment de répondre aux exigences de la lutte contre les changements climatiques et des changements de comportement à adopter en matière de transport. L’avenir appartient au transport ferroviaire vert, mais encore faut-il que l’écosystème canadien puisse s’y rendre.

Plus qu’un signal d’alarme, c’est une lecture froide et réaliste des enjeux qui touchent notre industrie, depuis la montée du protectionnisme américain, que nous envoyons au gouvernement fédéral. Le laisser-faire n’est pas une solution envisageable.

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