Légalisation du cannabis

Pour un cadre clair du partage des revenus

Depuis hier, le cannabis est légal au Canada. Cette légalisation pourrait entraîner de profondes modifications dans le fonctionnement de notre société tant le nombre d’institutions canadiennes qui en sont touchées est grand.

Que ce soit au chapitre de la sécurité publique, du commerce au détail, des réseaux de transport collectif ou de la législation du travail, la légalisation du cannabis nécessite une coordination considérable et empreinte de confiance entre tous les ordres gouvernementaux. 

Les gouvernements municipaux sont les gouvernements de proximité, les plus proches de la vie des gens qui sont aux premières lignes de la légalisation du cannabis. La Fédération canadienne des municipalités, dont les municipalités membres représentent 90 % des citoyens du pays, a aidé les municipalités à se préparer en leur fournissant des outils et en mobilisant différents partenaires dans ce but. 

Mais les municipalités ne peuvent pas mener cette opération seules. Afin d’assurer une mise en œuvre sécuritaire et efficace de la légalisation du cannabis, il faut établir un cadre clair sur le partage des revenus afin de couvrir minimalement les coûts rattachés à cette nouvelle politique publique. 

Les revenus qui pourraient être tirés de la vente du cannabis ont alimenté bien des discussions. La question des coûts n’a pas suscité autant d’attention, et pourtant, ils sont immenses. Jusqu’à 17 services municipaux doivent adapter leurs opérations et absorber des coûts liés à la suite de cette législation. Pour autant qu’on le sache aujourd’hui, ce sont les contribuables municipaux qui doivent payer la note dans bien des cas. 

Comment payer la facture ?

Un bon exemple est le fait que les municipalités doivent supporter le gros des dépenses exigées pour fournir les ressources policières additionnelles requises pour gérer cette nouvelle réalité. Les gouvernements locaux supportent déjà plus de 60 % des coûts des services policiers au pays. En 2017, 56 % des policiers du pays étaient à l’emploi des services de police municipaux et 18 % étaient à l’emploi de la GRC pour assurer le maintien de l’ordre dans les municipalités sur une base contractuelle. Les coûts qui en résultent sont principalement à la charge des contribuables municipaux. 

Heureusement, le gouvernement fédéral comprend bien le rôle déterminant des municipalités dans le succès escompté de la transition au régime de légalisation du cannabis.

C’est pourquoi, en septembre 2017, le fédéral a annoncé des fonds de 81 millions de dollars afin d’aider les services policiers à se préparer à la légalisation. Mais depuis, les municipalités voient s’accumuler les coûts et la plupart ne connaissent toujours pas les détails de ce programme. 

Le gouvernement fédéral a aussi réagi à nos efforts nationaux concertés en décidant de remettre la moitié de ses propres revenus des droits d’accise aux provinces. Il l’a fait en déclarant que ces fonds devaient servir à amortir les coûts des municipalités. À ce jour, la plupart des gouvernements provinciaux et territoriaux n’ont cependant pas révélé comment ils partageraient ces revenus avec les municipalités. 

Or, la légalisation du cannabis ne se passera bien que si les municipalités, les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral y travaillent ensemble, en partenaires fiables. C’est possible, puisque le Québec, par exemple, a déjà pris des engagements pour partager les revenus avec les municipalités. Le Québec, l’Ontario et tout récemment l’Alberta donnent l’exemple de la coopération qui doit exister entre tous les ordres de gouvernement afin que la légalisation du cannabis se fasse dans la stabilité et la prévisibilité. En revanche, certaines provinces ont indiqué qu’elles n’entendent pas transférer aux municipalités la portion des droits d’accise qui leur est destinée. C’est inacceptable. 

Le travail ne fait que commencer

Le travail des municipalités ne s’est pas terminé hier, le 17 octobre. Nous continuerons de collaborer et communiquer avec nos partenaires provinciaux dans les semaines et mois à venir puisque nous partageons le même objectif : le bien-être des citoyens. 

Les municipalités demandent donc aux provinces d’exposer clairement comment elles tiendront leurs engagements et leur fourniront le soutien voulu pour relever les défis qui accompagnent la légalisation du cannabis.

Le gouvernement fédéral doit aussi faire son bout de chemin en tant qu’autorité instigatrice du nouveau régime pour que les plans de partage de revenus des provinces soient élaborés et mis en œuvre. Pour l’instant, de nombreux gouvernements municipaux sont dans le noir. 

Les maires et les conseillers de tout le pays réclament la modernisation du cadre fiscal. Comment ne pas constater la désuétude et le déséquilibre de ce régime quand une nouvelle initiative fédérale comme la légalisation du cannabis engendre un tel fardeau pour les gouvernements municipaux ? 

Bien entendu, dans le cadre de la légalisation du cannabis, les citoyens savent qu’ils pourront compter sur les municipalités pour être prêtes et préparées à s’adapter aux défis qui en résulteront. Le seul défi qu’elles ne pourront pas régler elles-mêmes est la question de savoir comment les coûts de cette initiative fédérale leur seront remboursés. 

Tous les ordres de gouvernement doivent collaborer pour assurer le succès de la légalisation du cannabis, et les municipalités sont déjà à l’œuvre. Le plus sûr garant de succès, c’est d’y travailler tous ensemble.

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