OPINION TECHNOLOGIE

Avant d’innover, il faut financer

Montréal est en train de célébrer son 375e anniversaire. En se projetant 25 ans dans l’avenir, on imagine ce dont la ville aura l’air à l’aube de son 400e anniversaire, lorsque les nids-de-poule auront finalement été réparés et lorsque les transports en commun efficaces et les voitures électriques, plusieurs d’entre elles sans chauffeur, seront peut-être la norme.

De toute évidence, la jeunesse formée en science et en technologie jouera un rôle clé dans le développement de l’économie du savoir au Canada.

Bien que cela reste un fait méconnu, Montréal est le troisième centre de recherche et de formation en Amérique du Nord et la ville a récemment été reconnue comme étant la meilleure au monde pour étudier.

Ce statut s’explique par la qualité de vie qu’on y retrouve et par son réseau d’institutions de renommée mondiale qui attirent l’élite de partout sur la planète. Nos universités et les quelque 200 000 étudiants qui les fréquentent ont un grand impact sur l’économie locale. Ils embauchent et forment des employés compétents, consomment beaucoup et forment la prochaine génération d’innovateurs essentielle pour le développement de notre écosystème d’entreprises en démarrage. 

Pour continuer sur cette lancée, un financement stable de la recherche fondamentale est, et demeurera, essentiel.

L’innovation et les bénéfices économiques et sociaux qui en découlent reposent sur les découvertes faites par les chercheurs fondamentaux qui sont principalement intéressés par la création du savoir. Le travail de nos informaticiens sur ce que l’on appelle les réseaux neuronaux est l’un des meilleurs exemples de cette création de savoir. Ce travail de recherche qui n’était ni prisé ni considéré comme applicable à l’époque est aujourd’hui à l’origine de ce que l’on appelle l’intelligence artificielle ou l’apprentissage profond.

Quelques exemples

En effet, sans cette recherche fondamentale financée pendant plusieurs années auparavant par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), les téléphones intelligents ne pourraient pas faire de reconnaissance vocale et les logiciels ne pourraient pas faire de traduction et reconnaître les images. Voilà un remarquable succès canadien qui continue de créer de la richesse et du savoir encore aujourd’hui.

Il existe plusieurs autres exemples éloquents. Grâce à la recherche fondamentale sur la biologie des protéines membranaires, financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), nous avons mis en œuvre de nouvelles stratégies qui ont mené à des traitements contre la fibrose kystique, une maladie très répandue au Canada. 

Au moment où ces recherches ont été menées, personne n’aurait pu savoir que cela mènerait à la découverte de molécules thérapeutiques et d’approches thérapeutiques prometteuses, ainsi qu’à la création d’entreprises locales de biotechnologie ou à des collaborations avec des entreprises pharmaceutiques à l’échelle internationale. Une autre famille de récepteurs membranaires appelée récepteurs couplés aux protéines G, ou RCPG, comprend la moitié des cibles de médicament connues.

La recherche fondamentale financée par les conseils fédéraux a fait progresser les connaissances permettant l’innovation et la création d’entreprises locales et de réseaux destinés à la recherche de nouveaux traitements contre plusieurs maladies. Une meilleure compréhension de ces protéines est un préalable pour résoudre la crise des opioïdes qui hante notre pays et si nous y arrivons, cela représentera un autre succès canadien.

L’évaluation des effets des nouvelles technologies sur notre société requiert de la recherche dans le domaine des sciences sociales et des sciences humaines, recherche généralement financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).

Le point commun de ces exemples est que sans le financement du gouvernement dans la recherche fondamentale motivée par la curiosité, il n’y aurait pas de progrès, d’innovation et d’applications.

L’après-Harper

Comment le gouvernement peut-il protéger et rétablir l’innovation, pour la ville de Montréal et pour le Canada, après le déclin considérable du financement sous le gouvernement Harper ? La solution à ce dilemme a déjà été fournie par l’Examen du soutien fédéral aux sciences, aussi appelé le rapport Naylor, qui fournit des recommandations tout à fait applicables visant à renforcer l’écosystème entier de recherche de notre pays.

Nous osons croire que les recommandations de ce rapport serviront de guide pour un développement de l’économie du savoir au-delà des 150 ans du Canada ; et Montréal pourrait être à la tête de ce développement, ce qui attirerait l’élite des étudiants et générerait de l’innovation et un rayonnement magnifique pour notre pays et pour le monde entier.

* Christian Baron est vice-doyen à la recherche et au développement à la faculté de médecine de l’Université de Montréal ; Terry Hébert est professeur au département de pharmacologie de l’Université McGill ; et David Y. Thomas est professeur au département de biochimie de l’Université McGill.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.