L’assemblée annuelle en direct

L’assemblée annuelle de Bombardier, ce matin, suscitera un intérêt sans précédent en raison de la crise de gouvernance qui secoue l’entreprise. Suivez notre couverture en direct des résultats financiers du premier trimestre et de l’assemblée de Bombardier à lapresse.ca dès 6 h ce matin. — La Presse

Assemblée annuelle de bombardier

Pierre Beaudoin s’accrochera-t-il ?

C’est aujourd’hui qu’on verra si le très inhabituel front commun des caisses de retraite contre Bombardier aura raison du président exécutif du conseil d’administration de la multinationale québécoise, Pierre Beaudoin.

En vue de l’assemblée annuelle de ce matin, la plupart des grands investisseurs institutionnels canadiens, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, se sont prononcés publiquement contre la réélection de M. Beaudoin et contre la politique de rémunération des hauts dirigeants de Bombardier, qui avait suscité l’ire de la population.

Or, selon une source bien renseignée qui a requis l’anonymat, une proportion significative des actionnaires non liés à la famille Bombardier, voire une majorité d’entre eux, ont voté par procuration pour la politique de rémunération ainsi que pour la réélection de l’ensemble des administrateurs de l’entreprise, y compris Pierre Beaudoin, ce qui donnerait de la légitimité à ce dernier. Bombardier n’a pas voulu confirmer cette information hier soir.

Malgré la controverse, les influentes agences de conseil en vote ISS et Glass Lewis ont toutes deux recommandé aux actionnaires de Bombardier de voter pour l’ensemble des candidats au conseil de l’entreprise. En revanche, Glass Lewis a conseillé de s’opposer à la politique de rémunération. 

Rappelons que grâce à ses actions à droit de vote multiple, la famille Bombardier contrôle plus de 53 % de l’entreprise même si elle ne détient que 13 % des actions.

Pour Karl Moore, professeur de management à l’Université McGill, il n’y a pas de doute : la fronde des caisses de retraite doit inciter le conseil de Bombardier à accorder plus d’attention aux problèmes de gouvernance de l’entreprise. M. Moore estime néanmoins que M. Beaudoin joue un rôle utile comme président exécutif du conseil. « Comme il a déjà été PDG de Bombardier et qu’il vient de la famille de contrôle, il peut représenter l’entreprise avec autorité partout dans le monde, en complément de ce que fait [le PDG] Alain Bellemare. Il y a du bien à ça. »

Situation délicate

Chose certaine, l’assemblée d’aujourd’hui s’annonce particulièrement houleuse. De nombreux manifestants sont attendus devant le Centre de finition des jets d’affaires Global, à Dorval, où se tiendra l’événement. Pierre Beaudoin se retrouvera dans une situation délicate puisqu’il supervisera le déroulement de cette réunion dont il sera l’un des principaux sujets de discussion.

Hier, le plus important investisseur institutionnel du pays, l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, a à son tour annoncé qu’il n’appuierait pas la réélection de M. Beaudoin ni la politique de rémunération des patrons de Bombardier. L’Alberta Investment Management Corporation fera de même. La Presse canadienne a révélé que trois caisses de retraite américaines, deux en Californie et une en Floride, voteraient également contre cette politique, mais qu’une seule allait s’opposer à la réélection du président exécutif du conseil de Bombardier.

Fait exceptionnel, plus de la moitié des candidats au conseil de Bombardier font l’objet de critiques de la part d’un ou plusieurs investisseurs institutionnels. 

La British Columbia Investment Management Corporation s’est montrée la plus sévère de tous en s’opposant à la réélection des cinq représentants de la famille Bombardier en raison de leur non-indépendance, mais aussi des membres du comité des ressources humaines (l’ancien chef des finances de Google Patrick Pichette, l’ancien PDG de Lufthansa Technik August Henningsen et l’ancien président de Nestlé Mexique Carlos Represas), responsables de la politique de rémunération des hauts dirigeants, et de l’ex-PDG de Citigroup Vikram Pandit, en raison d’un manque d’assiduité aux réunions.

Il convient toutefois de noter qu’avec le resserrement de la gouvernance d’entreprise, les investisseurs hésitent de moins en moins à s’opposer à la réélection d’administrateurs de sociétés cotées, de sorte qu’il n’est plus rare de voir des taux d’approbation de 80 %, voire 70 %, bien loin de la quasi-unanimité qui a longtemps été la norme.

Le débat reprend à Québec

La décision de la Caisse de dépôt de voter contre la politique de rémunération des hauts dirigeants de Bombardier a relancé le débat sur la question à l’Assemblée nationale.

Le chef péquiste Jean-François Lisée a rappelé hier que le premier ministre Philippe Couillard s’était montré satisfait des modifications apportées par Bombardier. « Et il a dit que ceux qui critiquaient en veulent à Bombardier. Est-ce que, selon lui, la Caisse en veut à Bombardier ? », a demandé M. Lisée lors de la période des questions.

M. Couillard a maintenu sa position : « On n’était pas d’accord avec le premier plan de rémunération, mais on a salué les ajustements qui ont été apportés. » Selon lui, ce qui irrite la Caisse, « ce n’est pas tant le niveau de la rémunération […] que les questions de gouvernance ».

Pour le reste, le premier ministre ne veut pas se mêler du débat sur la rémunération. « Ce débat doit se faire entre les actionnaires et l’entreprise », a-t-il plaidé. M. Couillard a rappelé que le gouvernement a fait le choix de ne pas investir directement dans Bombardier, mais plutôt dans la C Series, à hauteur de 1,3 milliard de dollars. Il a appelé les Québécois à « continuer d’aimer et de soutenir cette grande entreprise qui est de chez nous ».

Le chef caquiste François Legault soumettra aujourd’hui au vote une motion pour que « l’Assemblée nationale fasse sienne la position de la Caisse de dépôt […] de s’opposer à la résolution consultative sur la rémunération des dirigeants de Bombardier ». Les libéraux seront forcés de prendre position. 

— Avec Tommy Chouinard, La Presse

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