DES compétitions davantage perturbées

Chaleur, sécheresse, pluies abondantes, inondations… Les divers phénomènes météorologiques extrêmes qui accompagnent les changements climatiques perturbent désormais plusieurs événements sportifs. Ils entraînent également de graves problèmes sur le plan des surfaces de jeu.

Coup de chaleur sur le Grand Chelem

Les changements climatiques se traduisent déjà par une série de phénomènes météorologiques extrêmes – vague de chaleur, sécheresse, pluie abondante ou inondation – qui perturbe de plus en plus souvent les évènements sportifs. Au tennis, les enjeux sont énormes et mobilisent d’importantes ressources, sans toutefois toujours placer les intérêts des joueurs au premier plan.

L’hiver est à nos portes et c’est difficile d’imaginer que la chaleur puisse perturber un évènement sportif, mais les organisateurs des Internationaux d’Australie sont déjà sur le qui-vive, à quelques semaines du premier tournoi du Grand Chelem de la saison 2019.

En janvier, en plein été austral, Melbourne a les températures moyennes les plus élevées des quatre villes où sont disputés les tournois du Grand Chelem. Au cours des dernières années, on a souvent approché les 40 ºC, ce qui a forcé la mise en place de règles pour les chaleurs extrêmes.

Au début de l’année 2018, on a atteint 39 ºC à quelques reprises, ce qui a poussé les joueurs à la limite de leurs résistances. Novak Djokovic, pourtant l’un des joueurs les plus endurants, a sévèrement critiqué les organisateurs et l’industrie du tennis dans son ensemble, qu’il a accusés de ne pas se préoccuper suffisamment de la santé des joueurs.

trop exigeant

La Française Alizé Cornet, qui a été victime d’un gros coup de chaleur pendant son match de troisième tour perdu contre la Belge Elise Mertens, a affirmé en point de presse : « Personne n’a envie de vivre ce qu’on a vécu sur les courts ces deux derniers jours. Je comprends qu’ils [les organisateurs] aient envie de lancer les matchs quoi qu’il arrive. C’est du business ; faut que ça roule et faut que ça tourne. »

« Mais à un moment donné, on n’est pas des robots, on n’est pas des pions qu’on met sur le court. Parfois le corps ne peut pas absorber toute cette chaleur. Jouer aujourd’hui au moment où la température était la plus élevée était inhumain. »

— Alizé Cornet

« J’avais l’impression d’être dans un four, a-t-elle poursuivi, et j’aurais pu m’évanouir à tout moment. La limite fixée par les organisateurs est beaucoup trop élevée. »

Les règles en vigueur en Australie sont basées sur la température au thermomètre-globe mouillé (wet bulb globe temperature), un indice qui tient compte de la température et de l’humidité et dont la limite était fixée à 32,5 en 2018. Elle n’a atteint qu’un maximum de 31,1 pendant le tournoi, mais le directeur du tournoi, Craig Tiley, a assuré que ces règles feraient l’objet d’un processus de révision très sérieux avant la prochaine présentation des Internationaux.

Accepter ses limites

Nicolas Perrotte est entraîneur national spécialiste de la préparation physique à Tennis Canada. Il travaille notamment avec la nouvelle génération de joueurs et accompagnait Félix Auger-Aliassime, l’hiver dernier, quand il est allé s’entraîner quelques jours avec Roger Federer à Dubai.

« Cela a évidemment été très enrichissant de voir comment Federer et son équipe préparent une nouvelle saison. À cette période de l’année, la température n’est pas excessivement chaude à Dubai, mais il fait soleil et ce sont de bonnes conditions pour s’entraîner. »

On ne peut évidemment toujours avoir de telles conditions au tennis avec des tournois disputés sur tous les continents et en toutes saisons. Les tournois du Grand Chelem disposent toutefois de stades couverts et climatisés – il y en a trois à Melbourne – qui permettent de se protéger des intempéries et de la chaleur.

« Le problème, rappelle Perrotte, c’est que tous les matchs ne peuvent être joués sur ces courts couverts. Les meilleurs y sont souvent programmés, mais la majorité des matchs des premiers tours sont joués à l’extérieur, d’où l’introduction des règles sur les chaleurs extrêmes, qui augmentent les périodes de repos entre les manches et prévoient même l’interruption des matchs en cas de besoin. »

Mieux préparés

D’une manière générale, les joueurs doivent quand même s’adapter. Comme l’explique Perrotte, le corps dégage de la chaleur lors d’un effort physique intense et celle-ci doit être évacuée. Cela peut devenir problématique quand la température ambiante est plus élevée que celle du corps. L’hydratation est aussi essentielle et les joueurs consomment régulièrement de l’eau et des boissons contenant des électrolytes et des glucides.

« Le tennis est de plus en plus exigeant, mais les joueurs sont aussi mieux préparés, estime Perrotte. Au Canada, les jeunes sont entourés d’une équipe d’entraîneurs, de préparateurs physiques, de physiothérapeutes, de nutritionnistes… Quand ils arrivent sur les circuits professionnels, ils sont bien armés.

« Mais composer avec les conditions, la chaleur par exemple, n’est pas seulement une affaire physique, ajoute Perrotte. Il faut aussi gérer les émotions, s’adapter à la baisse du niveau de jeu. Certains joueurs craquent complètement quand ils se retrouvent menés et qu’il fait très, très chaud. C’est là que les meilleurs se démarquent. Ils sont capables de rester bien concentrés, d’apporter les ajustements techniques nécessaires afin d’offrir leur meilleur niveau en fonction des conditions et de la longueur d’un match.

« Et ils doivent le faire seuls, précise Perrotte. On peut travailler autant qu’on veut pour préparer un athlète, mais à la fin, c’est impossible de prévoir tout ce qui peut arriver pendant un grand match. C’est lui, sur le terrain, qui doit trouver les solutions. »

Des hausses de températures considérables

Les Internationaux d’Australie sont le plus chaud des tournois du Grand Chelem, mais les statistiques montrent que c’est à Roland-Garros que la hausse des températures a été la plus marquée depuis 50 ans. Voici les hausses moyennes par décennie recensées dans les quatre villes où sont joués ces tournois depuis 1968 : 

Paris – Roland-Garros : + 1,26 °F

Melbourne – Internationaux d’Australie : 0,69 °F

Londres – Wimbledon : 0,68 °F

New York – Internationaux des États-Unis : 0,56 °F

Changements climatiques

Vers des pelouses hybrides ?

Particulièrement sensibles en raison de l’environnement spécifique des stades, les pelouses de soccer sont aussi fragilisées par les variations de température et les canicules. « Mère Nature devient un problème à gérer », reconnaît Roch Poulin, directeur des terrains sportifs et de l’aménagement paysager de l’Impact de Montréal. Le monde du soccer se tournera-t-il vers les technologies hybrides pour contrer les effets des changements climatiques ?

Les grosses chaleurs estivales

« J’ai fait pousser du gazon toute ma vie. La fréquence [des grosses chaleurs] est de plus en rapide », confirme Poulin. Le mois de juillet 2018 a effectivement été très chaud avec une moyenne de 24,2 degrés, soit 3 ºC de plus que les normales. Environnement Canada a enregistré 11 jours à plus de 30 ºC. Août a confirmé cette tendance avec de la chaleur, de l’humidité et de faibles précipitations.

Forcément, cela a un impact sur la pelouse. « Le gazon a de la difficulté à récupérer, surtout qu’il a souvent fait au-dessus de 20 ºC la nuit, précise Poulin. […] On revient toujours au taux d’humidité, à la durée du taux d’humidité et de la photopériode, ainsi que de l’intensité de la chaleur au sol. »

Les gels et les dégels

Les changements climatiques se font aussi sentir l’hiver avec des périodes plus fréquentes de gels et de dégels. La pluie qui peut tomber l’hiver a des effets particulièrement néfastes sur une pelouse. « L’eau fait fondre la neige qui est l’un des meilleurs isolants du monde. Quand il y a ensuite une formation de glace par-dessus la bâche, les gaz qui sont dans le sol ne s’échappent plus. C’est du méthane et ça devient létal pour la pelouse au complet. »

Lors de l’hiver 2014, la pelouse du stade Saputo avait d’ailleurs été recouverte d’une couche de 10 à 15 cm de glace. « On avait pris une pelle mécanique pour la casser afin que l’air circule », se rappelle le directeur des terrains sportifs et de l’aménagement paysager.

Les champignons

L’Europe, et plus particulièrement la France, n’a pas échappé à la canicule en 2018. Certaines pelouses comme à Nantes, Reims ou Troyes ont été ravagées par un champignon qui affecte la masse racinaire, le pyricularia.

Il y a quelques années, au cours d’un autre été particulièrement chaud, c’est le pythium qui avait sévi sur les terrains français, mais aussi en Allemagne. « C’est une maladie qui se développe dans l’eau. En 24 heures, ça fait des ravages », précise Poulin.

Le stade Saputo a aussi été touché, l’été dernier, puisque la pelouse abritait quatre types de champignons différents lors du match contre Atlanta, le 28 juillet. Poulin n’a pas le droit d’avoir recours aux fongicides, pesticides, insecticides et herbicides.

La pelouse et l’architecture des stades

Au stade Saputo, l’Impact utilise du pâturin du Kentucky nain qui ne pourrait pas survivre dans un climat chaud. Sera-t-il encore la surface idéale dans un demi-siècle ?

«Ce type de pelouse sera valable à cause de l’hiver. Un gazon d’été, ici, mourra systématiquement l’hiver, répond Poulin. Ce qui me fait peur, et je le constate, c’est que les maladies sont plus nombreuses en raison d’un excès combiné de chaleur et d’humidité. J’ai déjà enregistré des températures de 42 ºC au niveau du gazon. »

L’architecture des stades n’aide pas à la bonne santé des pelouses avec des tribunes et un toit qui conservent la chaleur, l’humidité et qui empêchent une bonne aération. « C’est comme un microclimat, on est comme dans un bol à soupe », illustre Poulin.

À cela s’ajoutent les pratiques culturales – l’ensemble des activités pour obtenir une pelouse saine – qui rendent la pelouse particulièrement sensible. « Ça nous amène à avoir des problèmes parce que les joueurs veulent du gazon court et avec une certaine souplesse. Les crampons abîment aussi la pelouse, donc on met des doses d’azote pour qu’elle récupère et pousse plus rapidement. Ces pratiques vont à l’encontre de la génétique de la pelouse. »

Les pelouses hybrides, la solution ?

Les terrains synthétiques n’ont jamais eu la cote auprès des joueurs. L’avenir passe-t-il plutôt par les surfaces hybrides composées de 95 % de gazon naturel et de 5 % de gazon artificiel ? On a vu ce type de surface lors de l’Euro 2016, lors de la dernière Coupe du monde, dans différents championnats européens et même dans la NFL, chez les Packers de Green Bay.

En MLS, le Toronto FC va en installer une au mois d’avril prochain. « On va voir si notre fournisseur de pelouse pourrait faire un test afin que l’on puisse avoir le même système ici, indique Poulin. Peut-être pas sur l’ensemble du terrain, mais peut-être dans la surface de réparation. Un gardien qui piétine la pelouse, c’est notre pire cauchemar. »

Dans cette technologie, la pelouse naturelle est enracinée dans un substrat artificiel. Elle a une résistance supérieure de 40 % à celle de la pelouse traditionnelle, nécessite moins d’entretien et s’adapte à toutes les conditions climatiques.

Des terrains de golf à risque

Les parcours de golf sont particulièrement sensibles aux changements climatiques, et plusieurs menaces pèsent sur eux.

Des trésors menacés

À long terme, plusieurs parcours célèbres sont menacés par la montée des eaux. En Grande-Bretagne, des trésors comme St. Andrews, Troon, Royal Lytham & St. Annes ou Sandwich, pour n’en nommer que quelques-uns, pourraient disparaître avant la fin du siècle. L’érosion a déjà emporté de larges sections du parcours de Montrose, en Écosse, l’un des plus vieux du monde (il aurait été créé vers 1562), et ses dirigeants craignent de devoir déménager s’ils n’obtiennent pas les ressources nécessaires à sa sauvegarde.

Des recherches en agronomie

Les changements climatiques affectent l’ensemble des écosystèmes, et certains végétaux sont moins bien armés pour y résister. C’est le cas du gazon, et les agronomes responsables de l’entretien des terrains de golf sont continuellement à l’affût pour dénicher des espèces plus résistantes et mieux adaptées aux nouvelles conditions climatiques. L’Association de golf des États-Unis a d’ailleurs investi près de 25 millions au cours des dernières années pour financer des recherches dans plusieurs universités américaines.

Le mur de Donald Trump… en Irlande

Le président américain Donald Trump est un amateur de golf et il possède 17 clubs autour du monde. Il a acquis en 2014 le réputé club de Doonbeg, en Irlande, rebaptisé Trump International Golf Links, mais il a vite constaté qu’il y avait un « vice caché ». Situé directement au bord de l’Atlantique, le parcours est menacé par les tempêtes et la montée des eaux. Peu enclin à s’engager dans la lutte contre les changements climatiques, Trump a cette fois estimé qu’il fallait agir et il a obtenu récemment les autorisations nécessaires à la construction d’un mur de protection.

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