Cynthia Qian

Cynthia Qian

L’ophtalmologiste Cynthia Qian, avec son collègue Flavio Rezende, a réussi à installer une prothèse rétinienne à une patiente aveugle, une première au Québec. Elle est notre personnalité de la semaine.

Cynthia Qian est trop jeune, à 32 ans, pour avoir regardé à la télé les exploits de l’« homme de six millions », Steve Austin, ce personnage dont l’œil « bionique » lui permettait de voir à des distances considérables.

Mais l’image de la série télévisée est restée dans la culture populaire. Et l’ophtalmologiste fait très volontiers sienne l’appellation d’œil « bionique » quand elle explique l’opération consistant à installer une prothèse rétinienne à une patiente aveugle, qu’elle vient de pratiquer avec succès en tandem avec le docteur Flavio Rezende, une première au Québec.

« Nous, on a implanté l’œil bionique, mais ce n’est pas nous qui l’avons inventé », explique la docteure, professeure à l’Université de Montréal, diplômée de McGill, qui a fait des études en surspécialité à Harvard et à l’Université du Michigan, qui abrite un grand centre d’ophtalmologie. L’équipe de la Dre Qian, qui a opéré à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, est la deuxième au Canada à réussir l’intervention, maîtrisée une première fois par une équipe de l’Université de Toronto. 

La prothèse, qui permet de transmettre par signaux électriques des sensations visuelles déchiffrables par le nerf optique, a été inventée par l’Américain Mark Humayun et est commercialisée sous le nom d’Argus par la société américaine SecondSight.

La prothèse, explique la Dre Qian, coûte environ 150 000 $ et n’est pas couverte par le programme d’assurance maladie québécois pour le moment. C’est donc grâce à un financement de la Fondation de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont que la première opération a pu être pratiquée, préparant ainsi la voie à une pratique soutenue, couverte par le régime public.

« En Ontario, où l’implantation a été faite en premier, c’est en marche. »

— La Dre Cynthia Qian

L’intervention, qui dure cinq heures, est très complexe et les deux médecins se sont relayés pour la pratiquer. En outre, le choix du patient est un processus qui se doit d’être minutieux. 

La prothèse ne peut pas aider tous ceux qui ont perdu la vue. Seules certaines affections peuvent être traitées. Il faut notamment que le patient ait une perte progressive de ses fonctions rétiniennes d’origine congénitale. Autrement dit, explique Cynthia Qian, on parle de gens atteints d’une affection innée, mais qui, souvent, ne s’en rendent compte que des années après leur naissance, quand leur vue commence à baisser.

C’est le cas de Sandra Cassell, la première receveuse de l’implant, qui a appris qu’elle souffrait de cécité progressive à l’âge de 26 ans. Mère de quatre enfants, elle a pu voir ses trois premiers, mais pas son quatrième, qu’elle a pu entrevoir pour la première fois en février dernier, alors qu’il avait 2 ans.

Un apprentissage

La vision permise par l’implant n’est pas aussi bonne qu’avant que ne se manifeste le trouble de la vue de Mme Cassell, mais elle peut distinguer clairement les contours des objets et comprendre ce qu’elle voit. Certains comparent la vision des formes et des masses avec l’implant à celle que donnent les ultrasons dont on se sert en échographie. L’apprentissage de la « vue » avec l’implant est un processus pour lequel l’Institut Nazareth et Louis-Braille offre maintenant du soutien.

Cynthia explique qu’elle a su très jeune qu’elle voulait être médecin. Elle a souffert de leucémie infantile et a donc tôt pris conscience de la richesse du milieu hospitalier, a-t-elle déjà confié à La Presse. (Cynthia Qian a déjà été choisie personnalité de la semaine en 2012, après avoir reçu un prix pour son engagement comme étudiante !) Mais en entrevue aujourd’hui, elle revient plutôt sur le fait qu’elle accompagnait sa mère, une otorhinolaryngologiste (ORL), à l’hôpital, et qu’elle adorait l’atmosphère qui y régnait.

« Pour moi, c’était un lieu où on aidait, où on traitait. Je voyais ça plus que la maladie. » 

— La Dre Cynthia Qian

Très tôt aussi, note la jeune médecin, la chirurgie l’a captivée.

Cynthia Qian est née en Chine continentale et s’est établie en France à l’âge de 6 ans quand son père, spécialiste de l’aérospatiale, s’est fait offrir une bourse pour aller travailler à l’Observatoire de Meudon.

C’est après quatre ans là-bas que la famille a déménagé à Montréal, d’abord dans l’est de la ville, puis sur la Rive-Sud. Cynthia la francophone a alors commencé à étudier à The Study, à Westmount, petite école anglophone réputée pour la qualité de son enseignement.

Ont ensuite suivi les études de médecine à McGill puis à l’Université de Montréal et aux États-Unis.

Où se voit-elle dans cinq ans ? Toujours médecin, évidemment, engagée dans sa profession, auprès de ses pairs et dans la reconnaissance de l’importance de la recherche dans son secteur. Elle se voit aussi faire avancer la santé dans le monde, voyager, mais sans jamais trop s’éloigner de ses collègues, sans qui, dit-elle, elle n’aurait pu avoir tant de réalisations à son actif. « C’est un travail d’équipe que je fais », dit-elle, tenant à saluer notamment le travail du Dr Rezende. « Tout ça, ce n’est vraiment pas quelque chose que j’aurais pu accomplir seule. »

Personnalité de la semaine

Cynthia Qian en quelques choix

Son livre préféré ? 

Les nouvelles de Guy de Maupassant

Son film préféré ? 

L’artiste, le film avec Jean Dujardin sur la fin du cinéma muet, qui a gagné l’Oscar du meilleur film en 2012

La phrase qu’elle préfère ? 

« Ne remets jamais au lendemain ce que tu peux accomplir aujourd’hui. »

Son personnage historique préféré ? 

Léonard de Vinci

Son personnage contemporain préféré ? 

Brenda Milner, grande scientifique canadienne, spécialiste de la neuropsychologie et de la mémoire

Si elle devait aller manifester, ce serait pour quelle cause et qu’écrirait-elle sur sa pancarte ? 

« J’irais manifester pour défendre l’importance de la science et j’écrirais : “Marchons pour la science” ».

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