États-Unis

L’OTAN secouée par les réserves de Trump

Le président américain Donald Trump a froissé ses homologues européens la semaine dernière en omettant de garantir publiquement que son pays se porterait à la défense d’un autre État membre de l’OTAN en cas d’agression. Et les répercussions pourraient être durables.

La chancelière allemande Angela Merkel a donné la mesure de l’impact des réserves américaines en relevant dimanche, dans un discours remarqué, que son pays et l’Europe dans son ensemble devaient « prendre leur destin en main ».

« D’après ce que j’ai vécu au cours des derniers jours, le temps où l’on pouvait compter pleinement sur les autres semble terminé. »

— Angela Merkel

Selon la politicienne, il s’agit d’un changement radical des relations transatlantiques.

Le ministre des Affaires étrangères allemand, Sigmar Gabriel, est revenu à la charge hier dans un communiqué très critique envers Donald Trump en arguant qu’il « affaiblit l’Occident » par ses prises de position, confirmant la grogne du gouvernement.

Thomas Wright, analyste rattaché à la Brookings Institution, relève dans une analyse publiée par The Atlantic que l’attitude de Donald Trump envers la doctrine de défense mutuelle de l’OTAN pourrait constituer « l’une des plus importantes bévues diplomatiques » commises par un dirigeant américain depuis la Seconde Guerre mondiale.

Des risques

Le directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), Frédéric Mérand, est moins alarmiste, mais convient que le manque d’engagement clair du président américain envers l’article 5 du traité, évoquant la défense mutuelle, comporte des risques.

Les réserves de Donald Trump créent une ambiguïté susceptible de « donner des idées malveillantes » à Vladimir Poutine et vont alimenter l’inquiétude de pays limitrophes de la Russie qui craignent les visées expansionnistes de son dirigeant, relève l’analyste.

Le président américain semble d’abord et avant tout déterminé à convaincre les autres pays membres de l’OTAN d’accroître les ressources consacrées à la défense et cherche à faire monter la pression en restant vague sur la question de leur défense en cas d’agression.

Dans une entrevue à l’été 2016, il avait directement lié les deux enjeux en suggérant que les États-Unis pourraient éventuellement intervenir pour protéger un pays seulement si ses dépenses militaires étaient suffisantes.

Selon les plus récentes données de l’OTAN, 5 des 28 pays membres ont des dépenses militaires excédant 2 % de leur produit intérieur brut, conformément à la cible fixée.

Lors d’un discours prononcé la semaine dernière à Bruxelles, Donald Trump a largement évité la question de l’article 5, se bornant à dire que son pays « n’abandonnerait pas » les pays amis qui lui ont prêté main-forte en Afghanistan dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Il a plutôt éreinté les chefs d’État présents à propos de l’effort budgétaire demandé à son pays pour assurer la défense européenne, arguant que la situation était « injuste » pour les contribuables américains.

« Un jeu dangereux »

Cette insistance constitue un « jeu dangereux », puisqu’elle pourrait amener un froid durable avec des pays qui représentent des alliés traditionnels importants pour les États-Unis, relève M. Mérand, qui n’entrevoit pas pour l’heure de rupture radicale susceptible de compromettre carrément l’OTAN.

Tant l’Allemagne que la France, dit-il, ont longtemps jonglé avec l’idée de rendre l’Europe plus autonome sur le plan de la défense. La Grande-Bretagne, alliée des États-Unis, a freiné leurs élans, mais le Brexit change la donne, laissant plus de latitude aux dirigeants pour faire face aux manœuvres américaines.

Les sorties musclées d’Angela Merkel et de son gouvernement envers Donald Trump ne sont par ailleurs pas dénuées de considérations de politique interne, à quelques mois d’importantes élections, note M. Mérand.

« Le président américain est très impopulaire en Allemagne. Encore plus que ne l’était George W. Bush », relève-t-il.

Des propos sans ambiguïté

Les prédécesseurs de Donald Trump n’ont laissé aucun doute sur leur adhésion au principe de défense mutuelle de l’OTAN.

« Les nations qui font partie de l’OTAN, vieilles ou jeunes, le savent : quiconque vous choisit comme ennemi nous choisit aussi comme ennemi. Vous ne serez plus jamais seul en cas d’agression. »

– George W. Bush, commentant l’expansion de l’OTAN en 2002

« L’article 5 scelle notre devoir solennel l’un envers l’autre… Il s’agit d’une obligation incontournable du traité. »

– Barack Obama, en septembre 2014

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