POLITIQUE QUÉBÉCOISE

Résumé des nouvelles de la journée d’hier à Québec

Santé

Nouvelle guerre de chiffres entre Québec et les spécialistes 

Québec — Le rapport indépendant sur la rémunération des médecins n’a pas tranché le débat. Le gouvernement Legault et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) tirent des conclusions diamétralement opposées de la même étude qu’ils ont commandée, a appris La Presse.

Québec avance que les médecins québécois sont payés de 11 % à 18 % de plus que leurs collègues du reste du Canada, alors que la FMSQ estime qu’ils gagnent 4 % de moins.

Ils n’interprètent tout simplement pas de la même façon les données brutes fournies par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) au cours des dernières semaines. Ceux qui espéraient obtenir un chiffre consensuel pour enfin avoir l’heure juste seront déçus.

L’organisme n’est pas parvenu à retenir une méthode de calcul parfaite permettant de chiffrer avec précision l’écart entre la rémunération des médecins spécialistes du Québec et leurs collègues du reste du Canada, selon les informations recueillies dans les derniers jours. Il a des réserves sur chacune des méthodes, qui aboutissent à des résultats différents. « Une chatte n’y retrouverait pas ses petits », a-t-on confié à La Presse.

Résultat : chaque partie paraît retenir ce qu’elle veut bien de la masse des données fournies par l’ICIS.

Des résultats différents selon les facteurs

À la demande de la FMSQ et du gouvernement, l’organisme a tenu compte de différents facteurs dans son analyse : le paiement clinique brut moyen versé par médecin, la rémunération en « équivalent temps plein », la charge de travail, la productivité en termes de jours et d’heures travaillés, la richesse de chaque province (PIB) et le coût de la vie. S’ajoutent au portrait d’autres éléments, comme des calculs par spécialités médicales et des comparaisons de la rémunération pour chaque acte – le « code à code », comme on le dit dans le milieu de la santé.

Les résultats diffèrent en fonction des facteurs retenus.

Au gouvernement, on fait valoir que l’ICIS confirme un écart de rémunération de 11 % à 18 % au bénéfice des spécialistes québécois. On cherche donc à réduire dans la même proportion leur enveloppe de rémunération. Québec vise ainsi une coupe de 500 millions à 1 milliard de dollars.

Pour la FMSQ, l’ICIS prouve plutôt que la rémunération des médecins québécois est inférieure de 4 % à celle de leurs collègues du reste du Canada. On ajoute qu’aucune augmentation n’est prévue jusqu’en 2023 dans l’entente actuelle et que les médecins ontariens vont remonter dans le classement grâce à des hausses annoncées récemment qui surviennent après des années de gel ou de coupes.

À la FMSQ, on soutient que les médecins québécois se retrouvent en cinquième position, derrière notamment leurs collègues de la Saskatchewan et de l’Alberta, où la rémunération est très élevée.

Réglé d’ici à la fin de l’année ?

L’ICIS remettra son rapport définitif aux parties à la fin décembre, beaucoup plus tard que prévu, sur la base des données transmises récemment, que les parties qualifient d’« étude préliminaire ». Or le premier ministre François Legault disait en entrevue à La Presse qu’il voulait tirer un trait sur ce dossier d’ici à la fin de l’année. Il veut réduire la rémunération des médecins spécialistes avant le début de 2020, quitte à déposer une loi spéciale.

La guerre de chiffres sera en toile de fond de la rencontre entre Québec et la FMSQ lundi. Le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, et la négociatrice en chef du gouvernement, Édith Lapointe, auront des pourparlers avec la présidente de la Fédération, Diane Francoeur, et le négociateur des médecins, l’ancien premier ministre Lucien Bouchard.

Comme La Presse l’a écrit jeudi, la FMSQ a soumis une proposition au Trésor selon laquelle les médecins spécialistes sont prêts à réduire de 250 millions de dollars leur enveloppe de rémunération, qui avoisine les 5 milliards. « Ce n’est pas suffisant », a réagi François Legault. Cette proposition prouve à ses yeux que le précédent gouvernement « a donné trop d’argent aux médecins ».

Christian Dubé considère lui aussi que la FMSQ donne raison au gouvernement Legault en proposant de tailler dans son enveloppe de rémunération. L’offre est une preuve d’« ouverture » de la part des médecins et « un point de départ » pour rouvrir l’entente et récupérer des sommes, selon lui.

« Ça démontre qu’on peut voir une entente plus équitable, qui respecte la capacité de payer des citoyens et des priorités des citoyens qui doivent être mises dans la santé. » — Christian Dubé

Quant au contenu de cette proposition de 250 millions, « je vous dirais que c’est un point de départ, a ajouté M. Dubé. Vous me connaissez, on n’arrêtera pas au premier mouvement. Il y a une ouverture, ça fait longtemps qu’on fait les discussions en sous-marin, et je pense qu’on va continuer de cette façon-là ». Il a dit ne pas vouloir « négocier sur la place publique ».

François Legault a réitéré son objectif : que les médecins gagnent 9 % de moins que leurs confrères du reste du Canada, « comme l’ensemble des travailleurs au Québec ». « À l’époque, ça donnait 1 milliard », a-t-il dit en faisant référence à la campagne électorale. Il ne chiffre plus ses attentes aujourd’hui. « Je ne commencerai pas à négocier ici », a-t-il ajouté peu de temps avant la période des questions à l’Assemblée nationale. Christian Dubé n’a pas été plus précis. « Je viens d’un milieu où je veux bien gérer vos attentes, et je vous dis que les discussions continuent », s’est-il contenté d’affirmer.

Un rappel à François Legault

Au Salon bleu, le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a rappelé le premier ministre à sa position de la campagne et lui a demandé que les sommes récupérées ne soient « pas en deçà d’un milliard de dollars ». Le gouvernement a par ailleurs refusé de débattre d’une motion du député de Québec solidaire Vincent Marissal lui demandant de récupérer cette somme. « On a l’impression que c’est une balloune qui se dégonfle tranquillement », a-t-il affirmé lors d’un point de presse. Il a évoqué la possibilité que M. Legault « ait changé son fusil d’épaule » et que son « mentor Lucien Bouchard ait réussi à le convaincre que ce n’était pas 1 milliard ».

Christian Dubé a indiqué que « toutes les sommes qui seraient récupérées de l’entente avec la Fédération des médecins [allaient] retourner dans la santé ». « Je voudrais dire à la population de nous appuyer dans cette demande-là », a-t-il lancé. Appelé à préciser ses propos, il a répondu que l’enveloppe de rémunération des médecins baisserait, mais que le budget global de la santé resterait le même que prévu. Les sommes récupérées basculeraient donc dans d’autres colonnes de dépenses du plus gros ministère du gouvernement, pour une hausse de salaire au bénéfice des préposés aux bénéficiaires, notamment.

POLITIQUE QUÉBÉCOISE

Le Fonds vert devient un outil de développement économique

QUÉBEC — Le Fonds vert change de nom, de patron et de vocation. Le ministre de l’Environnement en sera bientôt l’unique dirigeant, et il a l’intention d’en faire un outil de développement économique.

Réforme attendue

Le gouvernement Legault a présenté jeudi une réforme très attendue de ce vaste programme, dont les ratés ont plusieurs fois défrayé la chronique ces dernières années. « C’est fini, les folles dépenses avec le Fonds vert », a résumé le ministre de l’Environnement, Benoit Charette. Si le projet de loi 44 est adopté tel quel, il deviendra le Fonds d’électrification et de changement climatique (FECC).

Développement économique

Dans le passé, des dizaines de ministères ont puisé dans le Fonds vert, tantôt pour payer des fonctionnaires, tantôt pour subventionner la construction de gazoducs. Le ministre Benoit Charette souhaite que le FECC soit uniquement affecté à des mesures de lutte contre les changements climatiques. Mais il souhaite aussi lui donner une force de frappe économique. « Ce sera un formidable outil de développement économique, cependant avec la condition que chacun des projets engendre une réduction notable des émissions de GES », a-t-il dit.

Adaptation

Environ 90 % des sommes engagées par le Fonds jusqu’ici ont servi à des efforts de réduction des GES. Or, les émissions québécoises ont très peu fléchi. M. Charette souhaite consacrer davantage de ressources à l’autre mission du programme, soit l’adaptation aux changements climatiques. Il note que dans les prochaines décennies, la province devra composer avec toutes sortes de phénomènes nouveaux, par exemple des inondations graves, l’érosion et des épisodes de smog. « C’est là que l’adaptation aux changements climatiques prend toute sa place, a-t-il noté. Et c’est là, on n’y échappe pas, au cours des années que l’on devra aussi investir davantage d’argent. »

Gouvernance

Le ministre de l’Environnement aura beaucoup plus d’influence sur la manière dont le Fonds est utilisé. En fait, il en sera l’unique responsable. Le Conseil de gestion du Fonds vert, chien de garde du programme, sera aboli. La performance du FECC sera scrutée par le Commissaire au développement durable, le bras vert du Vérificateur général. Il présentera un rapport chaque année. Le ministre sera aussi épaulé par une nouvelle mouture du comité consultatif sur les changements climatiques. Ses membres devront désormais avoir une expérience pertinente et provenir en majorité du milieu scientifique. Les avis de ce groupe seront rendus publics.

Nouveaux pouvoirs

Le ministre Charette deviendra un ministre puissant si la réforme est adoptée telle quelle. Il mettra son nez dans tous les politiques et projets des ministères et organismes publics. Il émettra des avis pour s’assurer qu’ils soient conformes aux objectifs climatiques du Québec. L’objectif de ce nouveau pouvoir ne sera pas de « s’opposer », mais plutôt de « collaborer » avec ses collègues, a expliqué M. Charette. « Il n’y a pas d’affrontement, il n’y a pas d’opposition, a-t-il dit. Au contraire, on va solliciter l’appui du ministère de l’Environnement ou du ou de la ministre de l’Environnement comme jamais par le passé, et ça, c’est une avancée majeure. »

Transition énergétique Québec

Le projet de loi confirme également l’intention du gouvernement caquiste d’abolir Transition énergétique Québec (TEQ), dont la mission était notamment de promouvoir l’efficacité énergétique. L’organisme sera tout bonnement avalé par le ministère des Ressources naturelles, dont il relevait. TEQ a été créé par le gouvernement Couillard dans la foulée des nombreuses controverses entourant le Fonds vert.

« Largement insuffisant »

La réforme laisse sur sa faim la directrice du Centre québécois du droit de l’environnement, Geneviève Paul. Selon elle, le projet de loi est « largement insuffisant ». En outre, il n’oblige pas Québec à respecter son engagement de réduire les émissions de 37,5 % d’ici 2030. « Il semble manquer de précision pour, par exemple, intégrer dans la loi l’obligation d’atteindre nos cibles de réduction de GES et assurer l’indépendance du comité consultatif », a noté Geneviève Paul. Le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, craint que « l’utilisation du nouveau fonds ne reste très politisée ».

La Fédération des commissions scolaires perd un autre membre

La commission scolaire des Laurentides, qui se déclare favorable à l’abolition des élections scolaires, claque la porte de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ). Par voie de communiqué, jeudi, la présidente de la commission scolaire, Johanne Hogue, a déploré que la FCSQ ne soit pas ouverte à « présenter un point de vue différent du sien », alors que le gouvernement Legault entamera la semaine prochaine l’étude du projet de loi 40 modifiant la gouvernance scolaire. « Nous sommes d’avis qu’une nouvelle gouvernance éducative – et non politique – impliquant davantage les acteurs œuvrant directement auprès des élèves pourrait se révéler très bénéfique à plusieurs égards », affirme Mme Hogue. La commission scolaire des Laurentides entend déposer un mémoire à Québec pour suggérer au gouvernement « la bonification d’articles du projet de loi touchant essentiellement la représentativité parentale des milieux couvrant un grand territoire », comme les Laurentides.

— Hugo Pilon-Larose, La Presse

Zones inondables

Québec étudiera les demandes de Saint-André-d’Argenteuil

François Legault souhaite trouver « une solution permanente » aux inondations printanières. Il affirme qu’un comité interministériel regardera de plus près le projet de Saint-André-d’Argenteuil, qui demande à Québec de racheter les maisons de trois quartiers pour les démolir et laisser l’eau reprendre ses droits. « On a un programme [d’indemnisation] qui est limité à 250 000 $. Évidemment, on ne veut pas chaque année être obligé de payer pour des inondations de maisons dans des zones qui sont inondables à répétition. Chaque cas est différent, celui de Saint-André-d’Argenteuil sera examiné par le comité que j’ai formé avec différents ministres », a dit M. Legault, jeudi. Comme le rapportait La Presse, le maire de Saint-André-d’Argenteuil, dans les Basses-Laurentides, demande au gouvernement Legault de verser 80 millions pour acheter 247 maisons en zone inondable afin de les démolir et de remettre les terrains dans leur état naturel. — Hugo Pilon-Larose, La Presse

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