TÉMOIGNAGE

Mon amie veut mourir 

Je n’aurais jamais pensé, un jour, être assise en face d’une personne qui me parle de son désir de vouloir mettre un terme à sa vie et me surprendre à essayer de trouver avec elle des façons d’y arriver. 

Suis-je devenue insensible ? Je ne crois pas. Peut-être l’inverse. Davantage à l’écoute de son inconfort à elle et un peu moins à l’écoute du mien. 

Il est vrai qu’elle m’en avait déjà parlé il y a un an. Elle m’avait dit : « Lorsque je n’arriverai plus à bouger, que je devrai compter sur les autres pour m’alimenter, j’irai en Suisse pour demander le suicide assisté. » 

À l’époque, bien entendu, j’avais essayé de sortir ma longue liste de raisons pour vouloir continuer à vivre. Mais pas cette fois-ci.

Cette fois-ci, j’ai senti que j’étais à un autre niveau avec elle. Je regardais la situation sous un angle différent, ce qui me permettait de mieux comprendre pourquoi elle ne désirait plus continuer à exister… sans véritablement vivre. 

La rage de vivre ou l’envie de mourir 

Comme elle est une femme brillante et éloquente, je me suis tout de même permis de lui rappeler qu’au-delà de son corps qui ne répond plus aux commandes, elle restait la même personne que nous avions toujours connue. Nous pourrions toujours inventer et réinventer le monde au fil de nos discussions. 

Mais c’est facile pour moi de dire cela. Moi qui marche 5 kilomètres par jour et qui ai la mobilité de mes dix doigts pour pouvoir vivre ma passion qu’est l’écriture. 

C’est ici que j’ai décidé d’arrêter de vouloir la convaincre pour mieux l’accompagner dans son désir un peu tordu de vouloir mourir. 

Il faut dire qu’elle est tellement sereine quand elle en parle que je ne peux que me sentir rassurée. Cette décision n’est pas une décision émotive. Elle n’est pas prise par une personne en détresse. Elle a été longuement mûrie et réfléchie. C’est la décision d’une femme sage et spirituelle ; celle de mon amie pour qui j’ai toujours eu et aurai toujours beaucoup d’admiration. 

Il y a des gens qui ont la rage de vivre et, pourquoi pas, d’autres qui ont envie de mourir. Cela n’est pas sans éveiller en nous un certain sentiment d’injustice, parce que nous pensons à tous ceux qui, présentement, font face à un triste diagnostic, mais chaque histoire est différente ; et qui sommes-nous pour juger une situation alors que nous sommes probablement à des années-lumière de savoir ce qu’il en est réellement ?

Si nous pouvions choisir notre mort

Cette histoire soulève chez moi bien des questionnements, dont : Quelle est la meilleure façon de mourir ? 

J’ai toujours pensé que le pire, c’est la mort subite. Tu pars le matin et tu ne reviens pas le soir pour embrasser tes enfants. 

La mort à la suite d’une maladie est cruelle, certes, parce qu’elle nous fait physiquement souffrir, mais elle permet aussi de faire nos adieux correctement. 

Puis, il y a la mort par désespoir. Au bout d’une corde, devant un train, dans le métro… 

Finalement, il y a la mort assistée, quand notre qualité de vie devient inexistante et que notre âme se retrouve prisonnière d’un corps qui ne veut plus avancer. 

Mon amie veut mourir ; cela me fait beaucoup de peine, mais… je comprends.

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