Élections provinciales : Correspondance

La justice sociale : quand dire, c’est faire

Comme disait l’autre, la liberté n’est pas qu’une marque de yogourt. De la même manière, faire de l’éducation, de la santé, de l’environnement sa priorité doit être plus qu’un slogan. La justice sociale est au carrefour de ces enjeux. Il ne faudrait pas la brader.

Des collègues de l’Université Laval ont développé le Polimètre Couillard, un outil pour observer le nombre de promesses électorales que les gouvernements mettent en œuvre. Le Polimètre permet de savoir lorsque dire quelque chose, pour le gouvernement, se traduit par une action tangible. Or, on ne devrait pas se satisfaire d’une aussi faible note de passage (59 %) pour la réalisation des promesses électorales ; les Québécois sont en droit d’exiger un comportement plus responsable.

La justice sociale, c’est une vision complexe et dynamique qui préside à la manière dont on décide collectivement de « faire société ». Un certain idéal de justice sociale est au cœur du projet politique de chaque démocratie. Le Québec n’échappe pas à la règle. Sa vision est nourrie par un idéal d’émancipation collective, conjugué à un souci particulier pour l’égalité des chances et pour une justice intergénérationnelle.

Éducation

Assurer l’égalité des chances réelle passe clairement par un accès à l’éducation. Nous bénéficions au Québec d’un système d’éducation parmi les plus équitables en Amérique du Nord, dont nous pouvons être fiers. Nous pourrions l’être encore davantage.

La gratuité scolaire semble toujours une idée raisonnable et prometteuse. L’est tout autant celle de mieux valoriser les multiples avenues qu’ouvrent les portes de l’éducation, qu’elles soient dans les champs techniques et pratiques, ou plus théoriques et abstraits. Cela devrait aussi s’accompagner d’une conception authentique de la raison d’être de nos universités : favoriser l’autonomie intellectuelle, aiguiser le regard critique, éduquer à la citoyenneté, penser l’avenir de la société.

Il serait sain de voir à l’amélioration des conditions d’apprentissage des élèves et des conditions d’enseignement pour nos braves transmetteurs du savoir.

Nourrir dignement les cerveaux de tous nos jeunes, littéralement, est une promesse que l’ensemble des partis politiques gagneraient à intégrer à leur programme. Sérieusement.

Lorsque les partis disent que l’éducation est leur priorité, il faudrait leur rappeler de l’élever en prémisse de leurs actions. En particulier, la CAQ et le PLQ devront nous en convaincre.

Santé et environnement

L’éducation est une question de justice intergénérationnelle. Il en va de même pour les défis que pose le vieillissement de la population. À cet égard, la réforme Barrette n’a facilité la vie d’à peu près personne, sauf peut-être celle des médecins. Il est impératif de (re)donner ses lettres de noblesse à notre système de santé public. Cela ne passe assurément pas par une privatisation du réseau qui ne profiterait qu’aux seuls mieux nantis. Une nation, cela doit être une communauté de destins, équitable envers chacun, responsable envers les plus vulnérables.

La justice intergénérationnelle s’accorde également avec une prise en compte conséquente de la crise environnementale qui frappe à nos portes.

On peut certes se réjouir de voir grossir les rangs des citoyens préoccupés du sort de notre planète. Pour être honnête, il faut reconnaître qu’une part considérable de nos élus en font partie. Mais reconnaissons aussi que nous tous, membres de cette cohorte citoyenne, en faisons trop peu.

Nous portons tous le blâme de cette crise environnementale. Nos leaders politiques, toutefois, doivent absolument apprendre à travailler avec acharnement pour proposer dès maintenant des solutions durables et novatrices.

Démocratie

Enfin, la justice sociale est évidemment un enjeu au cœur des pratiques démocratiques. Remplacer notre mode de scrutin par un modèle proportionnel mixte serait sans doute une bouée d’oxygène pour la santé de nos débats. Il est urgent qu’on répare les liens de confiance entre les citoyens et nos institutions politiques.

Certains partis aujourd’hui plus marginaux pourraient gagner en importance, faisant ainsi écho aux voix citoyennes qui sont mal représentées. Il est par ailleurs envisageable qu’un changement vers la proportionnelle engendre une participation politique accrue, notamment chez les jeunes. Mais attention : un scrutin proportionnel n’est pas une solution magique.

Si la présence de plusieurs nouveaux partis dans l’arène politique favorise une meilleure représentation des préférences idéologiques qui cohabitent dans la société, cela contraindra les formations politiques à s’éloigner du centre, c’est-à-dire là où se retrouve un large bassin d’électeurs. En parallèle, cela favoriserait la formation de gouvernements de coalition. Logiquement, cela contribuerait à ramener la gouvernance vers le centre. Les préférences idéologiques des électeurs ne seront donc pas nécessairement mieux représentées au gouvernement.

On devrait tout de même tenter l’expérience.

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