Critique

La bataille des bélugas

DOCUMENTAIRE

Pipelines, pouvoir et démocratie

D’Olivier D. Asselin

1 h 28

3 étoiles

Je suis allée voir Pipelines, pouvoir et démocratie en pensant qu’il s’agissait du nouveau film d’Olivier Asselin, le cinéphile, théoricien du cinéma et cinéaste de La liberté d’une statue. Erreur. Olivier D. Asselin n’a ni le même âge ni les mêmes préoccupations. C’est un jeune documentariste diplômé de l’INIS. En me rendant compte de mon erreur, j’ai failli rebrousser chemin. Je suis restée et j’ai eu raison. 

Malgré son titre un peu lourdaud, Pipelines, pouvoir et démocratie est un film captivant et mené de main de maître par un documentariste qui a le sens du récit. Et puis, le sujet du film n’est pas banal : il s’agit de la grande mobilisation citoyenne contre le port pétrolier TransCanada de Cacouna, qui s’est soldée par une victoire pour les citoyens et les écologistes.

Asselin, qui est un excellent directeur photo et qui, pendant deux ans, a patiemment et à ses frais filmé sans répit, nous donne un accès privilégié et quasi intime à l’organisation d’une lutte, à ses revers comme à ses coups d’éclat. 

Il le fait en suivant au jour le jour le parcours de quatre individus qui ont à cœur le sort de leur environnement et qui, inversement, sont allergiques à l’expansion de l’industrie des sables bitumineux.

D’entrée de jeu, Asselin nous présente le ministre péquiste déchu Daniel Breton qui, après sa rétrogradation, n’a pas abandonné le combat, même si son propre gouvernement lui a fait avaler plusieurs couleuvres.

Pendant que Daniel Breton parcourt les couloirs de l’Assemblée nationale, Asselin nous présente trois militants : l’environnementaliste André Bélisle, qui s’est présenté sous la bannière du Parti vert aux dernières élections, Alyssa Symons-Bélanger, la jeune femme qui a bloqué l’accès de Suncor à Montréal-Est en s’enchaînant à une clôture, et Mikaël Rioux, le Viking de l’environnement et celui qui, contre vents et marées, a survécu à un siège d’un mois au-dessus de la rivière de Trois-Pistoles en guise de protestation contre les visées d’un producteur privé d’hydroélectricité.

Pendant deux ans et des poussières, Asselin a suivi tout ce beau monde avec sa caméra, documentant le quotidien laborieux, acharné et souvent décourageant de gens qui s’opposent au pouvoir et refusent de demeurer impuissants face à ce que ce pouvoir tente de leur imposer.

Or, Asselin a eu de la chance, dans la mesure où ses quatre protagonistes auraient pu perdre leur combat contre le pouvoir politique et pétrolier et nous donner un film pessimiste sur l’impuissance à changer les choses. Mais contre toute attente, les protagonistes du film ont fini par gagner la bataille pour Cacouna et ses bélugas et par empêcher TransCanada d’y installer son oléoduc. 

Cette victoire épique a redonné aux citoyens du coin le sentiment que la solidarité et l’action concertée ne sont pas condamnées à l’échec. Le film se termine sur des images de bélugas, ces magnifiques mammifères marins. On les voit se déployer avec élégance dans le fleuve, libres et souverains, et ne se doutant pas une seconde du noir destin auquel ils ont échappé. 

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