CPE ou maternelle

L’avis des experts

Le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx jongle avec l’idée d’implanter progressivement la maternelle dès 4 ans à l’échelle du Québec. Pour plusieurs familles de Rosemont, Côte-des-Neiges, Hochelaga-Maisonneuve ou autres quartiers plus défavorisés, en cette saison des inscriptions, la question se pose déjà : garderie ou maternelle 4 ans ? Statu quo ou entrée précoce à l’école ? Comment faire le meilleur choix pour son enfant ? Voici ce qu’il faut savoir.

Plus-value éducative

Pour le psychologue Égide Royer, la réponse ne fait aucun doute : « Il y a une plus-value éducative », dit-il, « très réelle » à envoyer son enfant en maternelle 4 ans « de qualité ». La découverte des sons, des lettres, des formes par le jeu, par du personnel formé à l’université « pour les jeunes en difficulté », entre autres, dit-il, « c’est très pertinent ».

Pas que pour les jeunes défavorisés

L’expert en adaptation scolaire, qui travaille sur le décrochage depuis 40 ans, venait d’assister aux consultations publiques sur la réussite éducative lors de notre entretien. Selon lui, on fait fausse route en n’offrant, comme c’est le cas en ce moment, les maternelles 4 ans qu’aux quartiers défavorisés. S’appuyant sur une recherche longitudinale réalisée au Canada sur plus de 20 000 enfants, il rappelle que la vulnérabilité, ce n’est pas qu’une question de revenus. « Le style parental, la cohésion familiale, la santé mentale de la mère et le niveau d’engagement des parents sont des facteurs beaucoup plus importants que le revenu. » D’où l’importance, selon lui, d’élargir le réseau des maternelles 4 ans à tous les quartiers du Québec, défavorisés ou pas.

Services spécialisés

Car l’école a une longueur d’avance, poursuit le psychologue, quand vient le temps d’aider un élève vulnérable. Que ce soit en termes de services professionnels, orthophonie ou autres, « les possibilités de recevoir des services sont beaucoup moins importantes en garderie ou même en CPE ».

« Si on veut augmenter la réussite scolaire au Québec, les garderies ne sont pas suffisantes. Il faut aller vers les maternelles 4 ans », explique Égide Royer. Et la recherche est ici limpide : « Il faut intervenir tôt ! », dit-il.

Et l’exemple de la Finlande ?

Quoi penser de pays comme la Finlande, alors, qui retardent l’entrée à l’école, dont les élèves excellent par ailleurs à long terme ? « C’est tout un autre contexte », répond le chercheur, rappelant qu’en Finlande, un seul candidat sur dix est admis en éducation. « Et tous les intervenants ont au moins une maîtrise, dit-il. L’Amérique du Nord est plus proche de notre réalité à nous. » Et en Amérique du Nord, les exemples les plus inspirants viennent, selon lui, de l’Ontario, avec des maternelles 4 ans dites « jardin », ou de New York, avec son programme de « prématernelles » universelles.

Et nos CPE, alors ?

« Spontanément, moi, je vous dirais qu’on a ici un système de CPE intéressant, novateur, qui peut offrir un service de qualité (même si ce n’est pas égal partout), rétorque Francine Ferland, ergothérapeute et spécialiste du développement des enfants. Si un enfant fonctionne bien en CPE, je ne vois pas de nécessité de le bouger. » Car l’objectif des CPE, faut-il le rappeler, est justement de préparer les enfants à entrer en maternelle (5 ans). Cette préparation passe essentiellement par le jeu. « Le jeu favorise la créativité, l’apprentissage des mathématiques, la perception dans l’espace, fait valoir la conférencière et auteure. Mais les parents ne le saisissent pas toujours à sa juste valeur. » Et en misant sur une scolarisation précoce, certains pourraient malgré eux provoquer un effet tristement pervers. « On met peut-être un certain stress de performance sur l’enfant… », met en garde l’experte. Et ce, dès 4 ans…

Maternelle 4 ans

Temps plein, temps partiel

En 2013, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 23, qui permet l’ouverture de maternelles 4 ans à temps plein en milieu défavorisé. Une cinquantaine ont été ouvertes à l’époque. Cette année, 100 classes supplémentaires ont été annoncées, à travers 68 commissions scolaires. Celles-ci viennent s’ajouter aux maternelles à demi-temps déjà existantes. Attention, il ne s’agit pas ici de remplacer les CPE, mais plutôt de rejoindre une population qui ne fréquente pas les services de garde pour diverses raisons (accessibilité et disponibilité) et qui pourrait toutefois grandement en bénéficier. On pense ici aux familles à faibles revenus, monoparentales et immigrantes. On vise le développement global de l’enfant dans cinq sphères : affective, sociale, langagière, cognitive et motrice. Le but ? En gros, on espère leur donner le coup de pouce nécessaire pour commencer l’école du bon pied.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.