le canada doit faire « vite et mieux »
Ottawa — À l’heure où New York ordonne la vaccination obligatoire pour endiguer une éclosion de rougeole et que des cas de la maladie viennent d’être déclarés au pays, les autorités canadiennes doivent faire « vite et mieux » pour contrer la menace des groupes anti-vaccins virulents, plaide l’administratrice en chef de la santé publique du Canada.
« Nous devons amplifier nos messages pour qu’ils deviennent plus grands [que les leurs] », a lancé la Dre Theresa Tam, en entrevue à La Presse. « En tant qu’organisation de santé publique, nous nous devons d’être plus intelligents, plus efficaces et plus créatifs sur nos techniques de communication pour rejoindre le plus de parents. »
L’Agence de la santé publique du Canada ne cache pas qu’elle mène actuellement une bataille sur plusieurs fronts pour contrecarrer la désinformation et la propagation de faits erronés à propos de la vaccination, qui se répandent « à une vitesse alarmante » sur les réseaux sociaux, principalement avec l’action de militants anti-vaccins.
L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs établi que le mouvement anti-vaccins constitue l’un des dix plus grands risques pour la santé mondiale en 2019. La résurgence de la rougeole à New York, et dans plusieurs autres régions du monde, comme l’Europe, serait notamment attribuable à la montée de ces groupes, estiment les experts.
« Les groupes anti-vaccins ont des stratégies très efficaces, qui touchent le côté émotif et le système de valeurs des parents. »
— La Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada
La Dre Tam a été rencontrée hier en marge d’un caucus ouvert, parrainé par un groupe de sénateurs indépendants. « Je pense qu’il y a un consensus : nous devons prendre une approche cohésive et indivisible », martèle-t-elle.
« Peu importe la stratégie que nous prenons, il faut placer le patient au centre de celle-ci. Il faut l’écouter. Les parents ont des questions très importantes, et il faut leur donner des réponses, poursuit l’administratrice en chef. Je pense que c’est une question de confiance. De comment faire pour s’assurer de ne pas perdre cette confiance-là. »
RÉSEAUX SOCIAUX DANS LA LIGNE DE MIRE
Theresa Tam a confié à La Presse avoir elle-même décroché le téléphone pour faire part de ses inquiétudes à Facebook Canada devant la montée du mouvement anti-vaccins. « Nous avons besoin de plus de partenaires possible », affirme-t-elle, assurant que le plus grand réseau social au monde est « vraiment ouvert » à trouver des solutions.
Facebook essaie entre autres de réduire la portée de ces groupes en rendant leur contenu moins accessible et en interdisant de la publicité liée à leurs sites, explique la Dre Tam, qui indique aussi travailler de près avec Twitter et Google. Parce que les réseaux sociaux sont un terreau fertile pour « attiser » la discorde et la désinformation, note-t-elle.
La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, l’a d’ailleurs appris à ses dépens lorsqu’elle a publié une photo d’elle accompagnée de la présidente du conseil d’administration de l’Association médicale canadienne, la Dre F. Gigi Osler, sur sa page Facebook. Les deux femmes portaient alors un t-shirt arborant un slogan en faveur des vaccins.
« J’ai pu voir la puissance de ce mouvement-là », a déploré Mme Petitpas-Taylor à La Presse. Sa publication a été la cible de près de 7000 commentaires, souvent virulents, dans lesquels des milliers d’internautes remettaient en doute la sécurité et l’efficacité des vaccins. « Ça m’inquiète énormément, et c’est pour cette raison qu’il faut absolument qu’on s’assure que l’information crédible sur la vaccination soit partagée avec les gens », ajoute-t-elle.
ADAPTER LE MESSAGE
Les autorités canadiennes de la santé savent donc pertinemment qu’elles devront cibler les réseaux sociaux dans leur stratégie de communications futures si elles espèrent rejoindre des parents d’enfants qui expriment des doutes quant à la vaccination et qui puisent essentiellement leur information sur Facebook, par exemple.
« Nous sommes très bons pour énoncer des faits et débusquer les informations erronées, admet la Dre Theresa Tam. Mais nous devons utiliser différentes approches pour les communiquer. »
L’Agence de la santé publique du Canada a, entre autres, rendu son site web plus interactif. L’information sur la vaccination y est d’ailleurs bien en évidence. L’Agence planche aussi avec Google pour s’assurer que les sites crédibles comme le sien arrivent en tête de liste lors d’une recherche associée à la vaccination dans un moteur de recherche.
« Ma priorité est de m’assurer que les Canadiens reçoivent l’information exacte, de sources crédibles, a réitéré la ministre Petitpas-Taylor. Ce qui se trouve sur le site de Santé Canada est de l’information crédible, basée sur des faits scientifiques. J’encourage les gens à consulter des sources de ce genre, qu’ils en discutent aussi avec leurs médecins ou des professionnels de la santé », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement libéral a investi 25 millions sur cinq ans pour soutenir des campagnes de sensibilisation à la vaccination déployées par les provinces. À ce sujet, la Dre Tam dit également travailler à « impliquer » davantage les provinces et territoires pour livrer un message « plus fort » et plus concerté à propos de la vaccination.