Opinion

INDUSTRIE DU SEXE
La FFQ sanctionne-t-elle la culture de l’agression ?

Lors d’une assemblée générale extraordinaire, dimanche dernier, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a voté cette résolution : « Que la FFQ reconnaisse l’agentivité des femmes dans la prostitution/industrie du sexe incluant le consentement à leurs activités ».

Celle qui se dit solidaire des « marginalisées » (dont les femmes racisées et les autochtones surreprésentées dans la prostitution) les laisse, en fait, en pâture aux proxénètes, aux bandes de rue et au crime organisé. La FFQ vient aussi de donner l’absolution à « l’industrie du sexe ».

L’« agentivité » est une contorsion fumeuse que la FFQ utilise pour affirmer que les femmes qui consentent ne sont pas victimes de la prostitution.

La prostitution reste la prostitution. Et vouloir distinguer exploitation sexuelle, prostitution et « industrie du sexe » est une supercherie.

Ana-Luana Stoicea-Deram, militante féministe et présidente du Collectif pour le respect de la personne en France, parle ainsi du consentement : « Dire que les femmes sont consentantes, c’est faire oublier les conditions dans lesquelles elles sont amenées à consentir, c’est taire ce à quoi elles consentent, et c’est mépriser les raisons pour lesquelles elles peuvent consentir – c’est-à-dire, accepter de s’asservir. La critique du consentement est faite depuis longtemps par les féministes, qui montrent que le consentement n’est pas le désir, n’est pas la volonté, n’est pas la liberté. »

Claudine Legardinier, journaliste française, soulignait lors d’une entrevue à Alternative libertaire : « Comme on n’impose pas un acte sexuel par la violence, on ne l’impose pas non plus par l’argent, forme de violence économique et sociale. »

Dans un avis paru en 2012, « La prostitution, il est temps d’agir », le Conseil du statut de la femme (CSF) révélait que de 80 à 95 % des femmes qui sont prostituées ont été victimes d’agressions sexuelles, soit de viol, d’inceste ou de pédophilie étant jeunes.

La prostitution n’est que le continuum de violences masculines dénoncées dans plusieurs pays et particulièrement depuis les dénonciations de #moiaussi.

Le biais « intersectionnel » utilisé de façon très particulière par la FFQ fait l’impasse sur les liens de toutes les violences envers les femmes. Il semble que la FFQ vient de sanctionner la culture de l’agression !

La pauvreté, les guerres, les conflits armés et les catastrophes, le racisme, l’idéologie consumériste, la pornographie et la sexualisation précoce des jeunes filles sont les facteurs structurels contribuant à la prostitution.

On se serait attendu que la FFQ dénonce ces facteurs, qu’elle reconnaisse l’ensemble des circonstances qui mènent à la prostitution et qu’elle contribue à les éliminer plutôt que de vouloir maintenir des femmes dans cette exploitation.

La FFQ dit aussi vouloir défendre les droits des femmes qu’on prostitue tant dans l’exercice de leur pratique que dans les autres sphères de leur vie.

Comment fera-t-elle pour protéger ces femmes dans l’exercice de leur pratique alors que 90 % d’entre elles sont sous l’emprise d’un proxénète ?

Ou alors tout ça n’est qu’une manœuvre pour protéger les 10 % des femmes prostituées qui disent choisir ce « travail » ? 

Considérant que dans ces 10 %, des réceptionnistes, des chauffeurs qui jouent parfois le rôle de proxénètes se disent « travailleuses (eurs) du sexe », peut-on considérer que la prochaine étape de la FFQ sera de contrer la loi qui criminalise les prostitueurs, notre « modèle nordique » établi depuis décembre 2014 ?

J’espère que les membres de la FFQ dénonceront cette orientation !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.