AUDIENCES DU BAPE SUR L’OLÉODUC ÉNERGIE EST

Le pipeline ou le train, dit TransCanada

LÉVIS — Le pipeline ou le train. C’est le choix qu’a présenté TransCanada aux Québécois, hier soir, au début des consultations publiques sur le controversé projet Énergie Est.

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a lancé son étude de l’oléoduc de TransCanada dans une salle remplie à pleine capacité à Lévis. Une soirée qui a été perturbée par des manifestants.

En lever de rideau, le vice-président responsable du dossier Énergie Est, Louis Bergeron, a affirmé que des projets d’expansion des sables bitumineux en Alberta iront de l’avant, que l’oléoduc soit bâti ou pas.

Pour acheminer le pétrole vers l’Est canadien, a- t-il soutenu, le pipeline est plus sécuritaire et plus vert que le transport ferroviaire.

« Parlant de gaz à effet de serre, on sait que l’alternative au pipeline, c’est le train », a résumé M. Bergeron.

Lorsqu’on tient compte des infrastructures existantes et projetées, des trains transporteront bientôt 405 000 barils de brut par jour au Québec, a-t-il dit. Il calcule que ce mode de transport émettra alors 186 600 tonnes de gaz à effet de serre par année.

En comparaison, l’opération de l’oléoduc Énergie Est causera l’émission de 7020 tonnes de GES par an. Et l’infrastructure transportera 1,1 million de barils par jour.

Ces données ne tiennent pas compte des émissions causées en amont par l’extraction du brut. 

+ 17 % 

Une étude du gouvernement américain a conclu que le pétrole bitumineux albertain est 17 % plus polluant que le pétrole conventionnel lorsqu’on tient compte de l’ensemble de son cycle de production.

M. Bergeron n’y a fait aucune allusion, mais le transport du pétrole par train évoque de douloureux souvenirs au Québec. En juillet 2013, le déraillement et l’incendie d’un train chargé de pétrole à Lac-Mégantic a causé la mort de 47 personnes.

Un résidant de Québec a voulu savoir si la réalisation éventuelle d’Énergie Est entraînera la disparition du pétrole sur les chemins de fer. M. Bergeron n’a pas directement répondu à la question, affirmant que c’est aux producteurs de décider du mode de transport du brut.

« Ce que je peux vous dire, c’est que le mode de transport par pipeline est beaucoup plus économique que le train, a-t-il toutefois indiqué. Donc, c’est un incitatif très important à remplacer le train pour les gens qui sont appelés à transporter le pétrole. »

PERTURBATION

La présentation de Louis Bergeron avait à peine commencé qu’une demi-douzaine de manifestants se sont levés dans la salle et ont commencé à chanter. Ils ont déployé des banderoles et forcé l’interruption de la séance pendant une vingtaine de minutes. « Le citoyen a le droit de se faire entendre et de se prévaloir de ses droits », a affirmé Paulette Panych, une manifestante. La pause a donné lieu à de vifs débats entre des citoyens dans la salle, certains demandant que le vice-président de TransCanada puisse continuer sa présentation.

DEMANDE

La communauté internationale s’est engagée à la conférence de Paris sur les changements climatiques à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais dans un avenir rapproché, les Québécois continueront de consommer du pétrole, a fait valoir TransCanada. « Le fait est qu’à l’heure actuelle au Québec, il y a deux véhicules sur trois qui se vendent qui sont des SUV et des pick-up, a dit M. Bergeron. La demande en consommation de produits pétroliers, elle est relativement stable. »

BAPE « GÉNÉRIQUE »

Plusieurs intervenants ont mis en cause la légitimité de la consultation, hier. Puisque le projet Énergie Est traversera plusieurs provinces, c’est l’Office national de l’énergie (ONE) qui évaluera le projet. TransCanada a accepté de participer aux audiences du BAPE même si elle considère que l’évaluation de son projet relève du gouvernement fédéral. Québec s’est adressé aux tribunaux, la semaine dernière, pour forcer l’entreprise à lui soumettre une étude d’impact. Dans l’intervalle, le BAPE tient des audiences dites « génériques » qui permettront au gouvernement de définir sa position devant l’ONE.

UN « TEST » POUR TRANSCANADA

Les audiences du BAPE constituent un « test » important pour TransCanada, estime le maire de Lévis, Gilles Lehouillier. Le maire s’est montré très critique à l’égard de l’entreprise albertaine, qui a refusé de soumettre son projet Énergie Est à une évaluation complète du BAPE et qui a fait fi des préoccupations exprimées par les municipalités. Les audiences de cette semaine lui donneront l’occasion de corriger le tir, dit M. Lehouillier. « Au niveau de la population, il y a deux choses qui sont importantes : la confiance et la bonne foi dans tout processus, quel qu’il soit. Alors, il faut que TransCanada montre, cette semaine, que ces deux ingrédients sont sur la table. »

QUÉBEC A PERDU LE CONTRÔLE, DÉNONCE PÉLADEAU

Le gouvernement Couillard a perdu le contrôle dans le dossier du projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada, estime Pierre Karl Péladeau. Les consultations du BAPE ne répondent aucunement aux besoins de la population québécoise, a soutenu le chef du Parti québécois lors d’une allocution prononcée hier midi devant des étudiants de l’Université de Montréal. « On avait souhaité un BAPE détaillé, aujourd’hui, c’est un BAPE générique. Ce n’est pas ce que nous souhaitons et ce n’est pas ce que souhaitent la grande majorité des citoyens qui s’intéressent à la question », a-t-il spécifié.

— Avec La Presse Canadienne

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