À bien y penser

C’est le Black Friday

Je crois que le véritable Black Friday  sera aujourd’hui, vendredi 20 janvier, pour les Américains.

— Bertrand Harvey

Opinion : Justin Trudeau

En matière d’éthique, l’exemple vient d’en haut 

Le premier ministre doit reconnaître l’apparence de conflit d’intérêts dans ses vacances chez l’Aga Khan

La commissaire fédérale à l’éthique, Mary Dawson, a annoncé qu’elle allait enquêter sur les vacances de Justin Trudeau sur l’île de l’Aga Khan, ainsi que son voyage à bord d’un hélicoptère privé pour s’y rendre, pour déterminer si le premier ministre a contrevenu à la Loi sur les conflits d’intérêts. Il s’agira de voir si ces vacances payées constituent des « cadeaux » acceptables de la part de l’Aga Khan, dont la Fondation reçoit des millions du gouvernement canadien et est inscrite comme lobbyiste auprès du ministère des Affaires internationales.

Depuis le début de l’affaire, le premier ministre plaide l’innocence et promet toute sa collaboration à l’enquête de la commissaire. Le chef libéral décrit l’Aga Khan comme un ami intime de sa famille, qui l’a vu grandir et qui a même été porteur aux funérailles de son père. En évoquant ainsi un lien de parenté, M. Trudeau veut signifier que sa relation avec l’Aga Khan relève de sa vie familiale et de sa sphère domestique privée. En étendant la lignée familiale à des individus sans lien de sang ou de parenté apparent, le premier ministre place sa relation avec l’Aga Khan hors du champ politique. Il la place aussi, possiblement, hors de la portée de la Loi sur les conflits d’intérêts.

Les cadeaux de la famille et des amis

En effet, la Loi n’exclut pas les cadeaux que les politiciens peuvent recevoir de leur famille ou leurs amis. Selon le raisonnement de M. Trudeau, il faudrait voir l’Aga Khan comme un membre de sa famille et par conséquent, son cadeau de vacances aux Bahamas ne serait pas fondamentalement différent d’un cadeau qu’il recevrait de son frère ou de ses beaux-parents. Un tel cadeau relève de la sphère privée et ne devrait pas tomber sous le sens de la Loi.

Cette interprétation empêche le premier ministre de voir le conflit d’intérêts potentiel entre son rôle d’ami qui reçoit un « cadeau » de vacances au Bahamas d’un de ses proches, et son rôle de chef de gouvernement qui fait affaire avec la Fondation que dirige l’Aga Khan. Justin Trudeau semble croire qu’il peut porter son chapeau de simple citoyen privé séparément de son chapeau de premier ministre. Or, tel n’est pas le cas. La fonction de premier ministre exige du citoyen Trudeau qu’il cède sa place et s’efface derrière l’institution.

Apprendre de ses erreurs

La commissaire à l’éthique n’aura fort probablement d’autre choix que de trouver le premier ministre fautif, tant les contradictions entre les faits et la loi apparaissent évidentes. M. Trudeau doit utiliser la leçon d’éthique que Mme Dawson s’apprête à lui donner comme une occasion de devenir un meilleur leader. Le premier ministre connaît l’Aga Khan depuis sa tendre enfance, il est donc normal qu’il le voit plus comme un membre de sa famille, que comme un lobbyiste du gouvernement.

C’est une erreur de bonne foi qu’il n’y a pas de honte à admettre.

Bien sûr, l’opposition verra dans cette admission le signe de l’incompétence et de l’inexpérience du premier ministre. Les critiques diront que M. Trudeau est le premier premier ministre dans l’histoire du Canada à être reconnu coupable d’avoir enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts adoptée en 2006. Cela serait vrai. Mais le premier ministre pourrait répondre à ses détracteurs que de tous ceux qui ont occupé ses fonctions depuis 150 ans, il est le premier à ne pas user de son pouvoir pour éviter de se plier aux règles d’éthique. Cela serait aussi vrai.

Le premier ministre s’est fait élire en promettant de renforcer la confiance du public dans les institutions. Il a maintenant l’occasion d’agir et de reconnaître sa faute éthique. Il doit éviter de jouer sur les mots et ne pas se limiter à respecter seulement la lettre, mais aussi l’esprit de la Loi. Quand celui qui possède le plus de pouvoir dans le système montre l’exemple, les autres ont généralement tendance à suivre.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.