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L’heure du conte avec une drag-queen

Un garçon obnubilé par le rose. Une princesse qui n’aime pas les princes. Un couple de manchots mâles qui récupèrent un œuf abandonné et qui élèvent le bébé comme leur enfant. Si l’originalité de ces histoires ne suffit pas pour retenir l’attention des petits lors de la Journée des enfants de Fierté Montréal, il y a fort à parier qu’ils seront fascinés par les drag-queens qui leur feront la lecture !

Le concept, fort original, est né dans l’esprit de Michael David Miller, bibliothécaire à l’Université McGill, après qu’il eut entendu parler d’une expérience similaire et couronnée de succès à San Francisco. « J’ai tout de suite trouvé l’idée géniale ! s’exclame-t-il. Je voyais l’occasion de réunir mes deux passions : la lecture et les drag-queens. »

Il faut dire que ces dernières ont eu une influence particulièrement positive sur le jeune homme originaire des États-Unis. « Il y a deux ans, quand je suis allé au Cabaret Chez Mado, je me suis dit que ces hommes transformés en drags étaient courageux de faire ce qu’ils aimaient. J’ai alors pensé que si eux pouvaient le faire fièrement, moi aussi, je pourrais vivre ma vie normalement en tant qu’homosexuel. »

Durant cette heure du conte non traditionnelle, M. Miller souhaite éveiller les consciences face aux différences, encourager le goût des jeunes pour la lecture et nuancer la vision de la population envers les drags.

Il a donc invité Sébastien Potvin à l’épauler. Ce dernier est mieux connu des habitués du Village gai sous le nom de Barbada de Barbades, lorsqu’il fait des performances en tant que drag-queen. Le reste du temps, il s’habille en civil et travaille comme professeur de musique dans une école primaire de Saint-Amable. « Certains croient qu’on vit en drag à temps plein, mais notre plaisir est surtout de nous transformer en personnages et d’être sur scène », précise celui qui a commencé la personnification il y a 11 ans et qui en fait un passe-temps de cinq à six soirs par semaine.

FAIRE « ÉVOLUER LES MENTALITÉS »

Enthousiaste face au projet, M. Potvin souhaite démystifier son univers auprès du grand public, mais surtout auprès des jeunes. « Des activités comme celle-là aident à faire évoluer les mentalités et je crois qu’il faut s’investir spécialement auprès de ceux qui formeront la société de demain. »

Il n’a pourtant jamais révélé à ses élèves qu’il personnifie des divas comme Rihanna, Beyoncé, Whitney Houston et Aretha Franklin. « Ça n’a jamais été pertinent de leur en parler en classe, mais s’ils me questionnaient sur le sujet, je leur expliquerais. Il y a toujours une partie de moi qui se demande si mes activités de drag pourraient nuire à ma carrière de professeur. Mais, sans vouloir faire de comparaisons maladroites, ça en a pris, des Noirs, pour s’asseoir à l’avant dans les autobus. Et si on veut que les jeunes s’ouvrent au principe de la différence, il faut aller vers eux. »

De son côté, Michael David Miller veut aussi faire réfléchir les enfants à la notion de déguisement.

« J’aimerais qu’en voyant des hommes habillés en femme, ils réalisent que c’est correct d’agir ainsi, s’ils en ont envie. Ça peut être amusant, tout simplement. »

— Michael David Miller

Pourtant, il reste encore bien du travail à faire pour en arriver là, croit Sébastien Potvin. Selon lui, les drag-queens font réagir puisqu’elles remettent en question l’un des éléments fondateurs de l’être humain : l’identité de genre. « On joue avec la source de l’identité et on dérange, mais c’est important d’en parler. On doit affirmer que ce qui est différent n’est pas nécessairement mauvais. Et ça ne veut pas dire que tous les hommes doivent s’habiller en femme ou l’inverse. On dit seulement que tout ne doit pas être normalisé et que si on se retrouve entre deux catégories, ce n’est pas mal. »

UNE JOURNÉE PLEINE DE DIVERTISSEMENT

Toute cette réflexion sera bien sûr accompagnée d’une bonne dose de divertissement, l’activité se voulant foncièrement joviale et positive.

Les enfants écouteront les drags lire Tango a deux papas, et pourquoi pas ?, La princesse qui n’aimait pas les princes, Le petit garçon qui aimait le rose et Boris Brindamour et la robe orange. Ils profiteront d’un coin lecture et d’écriture pour fabriquer leur propre conte. Et des libraires seront sur place afin de suggérer d’autres lectures aux parents.

Les drag-queens qui accompagneront Barbada de Barbades auront bien sûr été sélectionnées pour leur capacité à s’adapter au jeune public et leur talent pour le faire rêver. « Quand les enfants nous croisent, ils ne voient pas toujours un homme ou une femme, mais une princesse, affirme Sébastien Potvin. Des fois, ce serait bien que les adultes reviennent à cette innocence… »

La Journée des enfants aura lieu jeudi, de 9 h à 14 h, au parc Émilie-Gamelin. Les contes seront lus à 10 h, 11 h et 13 h.

Différents et fiers de l’être

Alors que s'amorcent les festivités de la Fierté LGBT, La Presse+ s’est entretenue avec quelques membres de la communauté, pour parler de la tuerie d’Orlando, de peur et d’intimidation, mais aussi de solidarité, d’espoir et d’amour. Voici ce que nous avons retenu.

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