République démocratique du Congo

Le choléra progresse dans l’ombre d’Ebola

Pendant que les regards sont tournés vers l’épidémie d’Ebola qui sévit en République démocratique du Congo, une autre maladie mortelle y fait des ravages : le choléra. Si rien n’est fait, « l’épidémie risque d’être plus forte » cette année que l’an dernier, alors qu’elle avait fait près de 1200 morts, s’est alarmé auprès de La Presse le haut responsable de la question au gouvernement congolais. Une inquiétude partagée par l’Organisation mondiale de la santé.

« L’histoire du début de l’été dernier est en train de se répéter », met en garde Didier Bompangue.

Coordonnateur du programme d’élimination du choléra au ministère de la Santé publique de la République démocratique du Congo (RDC), il s’inquiète de voir la progression du choléra suivre la même courbe qu’à pareille date, l’an dernier.

Après un creux dans le premier trimestre, le nombre de cas est reparti à la hausse depuis trois semaines et atteint les mêmes niveaux qu’en 2017, ce qui avait donné lieu à la pire flambée de choléra en près de 25 ans, en RDC.

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Nombre de cas de choléra rapportés dans la semaine du 24 juin au 1er juillet (semaine 26), contre 587 à pareille date l’an dernier

Au plus fort de la crise, au début de l’automne 2017, « on avait dépassé la barre des 2000 cas par semaine », souligne le professeur Bompangue en entrevue téléphonique avec La Presse, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis « l’épidémie de Goma », en 1994, dans l’est du pays, en plein afflux de réfugiés rwandais à l’époque.

Au total, 1157 personnes sont mortes du choléra l’an dernier en RDC sur près de 55 000 cas répertoriés, des données probablement inférieures à la réalité, estiment les experts consultés par La Presse.

Sans la mise en place de « mesures très urgentes et efficaces », Didier Bompangue prévient que la flambée de cette année « risque d’être plus forte » que celle de l’an dernier.

Dans l’ombre de l’Ebola

La présente résurgence du choléra en RDC « est indirectement liée au fait que tout le focus a été mis sur l’Ebola », dont une flambée touche la province de l’Équateur, dans le nord-ouest du pays, depuis avril, affirme Didier Bompangue.

Celle-ci survient au moment où les « conditions propices » à la propagation du choléra sont de retour, explique le professeur, pointant l’arrivée de la saison sèche qui complique l’accès à l’eau potable.

« Nous sommes très absorbés par l’Ebola et on essaie de dégager des moyens [pour lutter contre le choléra] », a déclaré à La Presse le médecin québéco-ivoirien Michel Yao, qui est responsable des opérations contre l’Ebola en RDC à l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

L’OMS prône elle aussi une intervention immédiate, « plutôt que d’attendre une crise qui exigerait plus de moyens », affirme le Dr Yao.

« C’est maintenant le moment d’agir. Nous partageons les mêmes inquiétudes » que les autorités congolaises, poursuit le Dr Yao, selon qui l’augmentation récente des cas de choléra « dépasse les chiffres habituels à cette période-ci [de l’année] ».

L’OMS appelle donc ses partenaires non gouvernementaux actifs en RDC, comme Médecins sans frontières et la Croix-Rouge, de même que les bailleurs de fonds internationaux, comme l’Union européenne, les États-Unis et le Canada, à « se mobiliser comme on s’est mobilisés contre l’Ebola ».

Priorité : eau potable

La première chose à faire pour freiner la propagation du choléra est d’assurer l’approvisionnement en eau potable, explique Cédric Yansouni, directeur adjoint du Centre J.D. MacLean pour les maladies tropicales de l’Université McGill, à Montréal.

Il faut ensuite mettre en place des « centres de traitements compétents » pour soigner les malades et « minimiser la contagion », ajoute l’infectiologue-microbiologiste.

Le professeur Bompangue prône en ce sens la pulvérisation au chlore des latrines afin de « couper la chaîne de transmission », affirmant que « le vrai problème du choléra, ce sont les 75 % de personnes [infectées] asymptomatiques ».

Le choléra se guérit facilement lorsque les malades sont pris en charge rapidement, ce qui n’est pas facile dans un pays comme la RDC, qui dispose d’une « capacité de réponse excessivement faible », rappelle le Dr Yansouni.

« Les gens meurent de choses simples dans une grande partie du monde. »

— Le Dr Cédric Yansouni, Université McGill

S’il existe trois vaccins « relativement bons » contre le choléra, « leur durée d’action est relativement brève et il faut deux doses pour qu’ils soient efficaces », explique le Dr Yansouni, ce qui fait en sorte qu’on ne les utilise que de façon complémentaire dans la lutte contre le choléra, surtout dans un pays aux infrastructures de transport peu développées comme la RDC.

L’OMS appelle aussi à profiter des « périodes creuses » pour réaliser des interventions « à long terme » concernant l’accès à l’eau potable de même que la gestion des déchets et des égouts.

Surtout, insiste Cédric Yansouni, il faut éviter de cesser les interventions trop tôt, « une erreur classique dans le contrôle des épidémies, qu’on a même vue au Canada avec le SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère] en 2003 ».

L’Ebola « largement endiguée »

La propagation d’Ebola en République démocratique du Congo « a été largement endiguée », écrivait l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans son plus récent rapport sur la question, le 20 juin dernier. Depuis le début d’avril, la maladie a fait 28 morts sur les 60 cas répertoriés (cas confirmés, probables et suspects confondus), tous dans la province de l’Équateur, dans le nord-ouest du pays. L’OMS prévient cependant qu’« en dépit des progrès accomplis, il faut se garder de tout excès de confiance et ne pas relâcher les efforts tant que l’épidémie n’est pas maîtrisée », disant poursuivre la recherche active de cas. Le dernier cas confirmé remonte au 2 juin.

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