Humour Critique

Méchamment drôle

Noir
Mike Ward
Au Club Soda jusqu’au 4 mai, puis en tournée au Québec 
Quatre Étoiles 

Mike Ward a fait son retour très attendu au Club Soda, hier soir, pour présenter officiellement aux médias Noir, son cinquième one-man-show. Près de cinq ans après Chien, l’humoriste controversé qui n’a pas manqué de défrayer la chronique depuis l’« affaire du petit Jérémy » a sans doute offert son meilleur spectacle à ce jour.

À 45 ans, Mike Ward ne s’est toujours pas assagi. Et c’est tant mieux ! L’humoriste n’a rien perdu de son mordant. Bien au contraire. Il est juste plus précis, tirant tel un sniper sur ses cibles. Bref, il est toujours aussi méchant, mais de façon un peu moins gratuite.

Ce qui ressort le plus de ce cinquième spectacle, c’est l’originalité du propos de Mike Ward.

Dès les premières secondes de Noir, l’humoriste surprend dans un numéro dont on a promis de taire le propos, mais qui donne le ton avec une redoutable efficacité.

Tissé du récit de sa dépression, ce cinquième spectacle est résolument plus personnel que tous les autres présentés jusqu’ici. En bon amateur de controverse qu’il est, Mike Ward aborde bien sûr des sujets incontournables comme le mouvement #moiaussi, qu’il a suivi de son salon.

« Qui aurait cru il y a un an que j’étais la meilleure personne du show-business ! », lance-t-il en rappelant qu’il a travaillé de près avec Gilbert Rozon et Éric Salvail. Ce dernier est d’ailleurs la cible de nombreuses blagues au cours de la soirée. L’humoriste écorche aussi au passage René Angélil, qui a rencontré Céline bien jeune, rappelle-t-il. Par l’entremise de ce numéro, Mike Ward soumet une réflexion intéressante sur les choses acceptables « dans le temps », mais qui ne passent plus aujourd’hui. Dommage que son anecdote au sujet d’une ex sur qui il frottait son pénis tombe complètement à plat.

Fidèle à lui-même, Mike Ward s’en prend aussi aux trisomiques, mais on ne ressent aucune ambiguïté lors de ce numéro résolument très drôle.

Le handicap est d’ailleurs un sujet relativement présent au sein de Noir. Mike Ward l’utilise comme clin d’œil à ses démêlés avec la justice dans l’affaire du petit Jérémy, mais aussi pour confier sans pudeur au public qu’il a reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme après avoir entamé une thérapie parce qu’il était trop affecté par une lettre publiée dans La Presse, dans laquelle une dame le traitait d’intimidateur. « C’est pour ça que je fais des jokes et que je ne me sens pas mal », explique l’humoriste, qui ajoute avoir choisi sa vocation, car il a lui-même été victime d’intimidation.

Ward se penche aussi sur son véganisme, justifiant son mode de vie par amour pour les animaux, dont ses chiens, qu’il considère un peu comme des enfants. « T’aimes les animaux comme Magnotta aime les Asiatiques », lance-t-il à propos des gens qui choisissent d’acheter de la viande éthique.

Toujours très drôle, Mike Ward offre tout de même une seconde partie de spectacle légèrement moins efficace que le début de soirée. On apprécie un peu moins son numéro sur les extrémistes, destiné en grande partie à répondre à une chronique de Sophie Durocher lui reprochant de manquer d’audace parce qu’il ne critiquait pas les extrémistes islamistes.

Impossible de ne pas sourire en entendant ses anecdotes de kidnapping, que ce soit en Haïti ou tout simplement dans le Mile End.

Aucun sujet n’est à l’épreuve de Mike Ward, qui arrive à faire rire en parlant tant de pédophilie que de suicide au cours de la soirée. Les thèmes abordés démontrent son ouverture d’esprit et son audace. Noir est résolument original. Mike Ward a mûri, ses textes fonctionnent bien et son message est plus clair que par le passé : moins d’ambiguïté, plus d’humour de qualité !

Un brin moins vulgaire que dans Chien, son précédent spectacle, l’humoriste propose un spectacle plus sombre qui risque de séduire un public plus large, mais toujours aussi averti. Il n’est pas moins mordant pour autant. Peut-être simplement plus habile que par le passé. Mike Ward demeure tout de même le seul humoriste à interagir avec son public pour lui demander s’il vaut mieux se faire « abuser » par un inconnu ou par son mononcle préféré !

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