Un baume sur les plaies libérales
Ottawa — « Est-ce que l’on va gagner ? »
Cette question lancinante, les députés conservateurs inquiets de l’Alberta, de l’Ontario et des autres provinces anglophones l’ont posée à maintes reprises à leurs collègues du Québec au cours des dernières semaines.
Le verdict des électeurs de Lac-Saint-Jean est tombé hier soir, et cette circonscription, qu’a représentée l’ancien ministre conservateur Denis Lebel à la Chambre des communes pendant 10 ans, a basculé dans le camp libéral pour la première fois depuis 1984.
La visite de deux jours du premier ministre Justin Trudeau, la semaine dernière, dans cette circonscription autrefois considérée comme un bastion nationaliste aura donc été rentable pour le candidat libéral Richard Hébert, cet ancien maire de Dolbeau-Mistassini qui a remporté la victoire avec environ 38 % des voix.
« Je sens que mes pieds rallongent »
Durant la campagne, M. Hébert avait notamment affirmé que les électeurs de Lac-Saint-Jean avaient davantage voté pour Denis Lebel que pour le Parti conservateur pendant la dernière décennie. Bon prince, il affirmait qu’il aurait de grands souliers à chausser, s’il remportait la victoire, prenant toutefois soin de dire que « je sens que mes pieds allongent » au fur et à mesure que la campagne avançait.
La popularité indéniable de Justin Trudeau aura certes été un facteur dans cette élection partielle. Les libéraux détiennent maintenant 41 des 78 sièges que compte le Québec à la Chambre des communes. À deux ans des prochaines élections fédérales, les stratèges libéraux jugent essentiel de faire d’autres gains dans la Belle Province pour compenser les pertes inévitables dans les provinces atlantiques, où ils ont rayé de la carte électorale leurs adversaires en 2015 en remportant les 32 sièges de cette région – un exploit qui peut difficilement être répété au prochain scrutin.
Cette victoire viendra par ailleurs mettre un peu de baume sur les blessures que se sont infligées les libéraux au cours des dernières semaines avec la réforme fiscale mal ficelée du ministre des Finances Bill Morneau et les soupçons de conflit d’intérêts qui pèsent sur lui depuis qu’on a appris qu’il avait omis de placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard, comme il s’était engagé à le faire, il y a deux ans, quand il a été nommé ministre.
Le Bloc québécois et le Parti conservateur à égalité
Durant une partie de la soirée, le candidat du Bloc québécois, Marc Maltais, était en tête. Mais cette avance s’est évaporée au fil de la soirée. Une victoire de M. Maltais, issu du milieu syndical, aurait pu donner une première bouffée d’oxygène au Bloc québécois depuis les dernières élections fédérales.
Le candidat du Parti conservateur, Rémy Leclerc, qui a notamment fait campagne contre le projet du gouvernement Trudeau de légaliser la marijuana à compter du 1er juillet 2018, n’a donc pu prendre la relève de son ancien collègue Denis Lebel. Il était presque à égalité avec le candidat du Bloc québécois au moment d’écrire ces lignes, les deux candidats obtenant chacun environ 24 % des voix.
La défaite conservatrice dans Lac-Saint-Jean constitue un premier revers pour le chef conservateur Andrew Scheer, qui demeure peu connu au Québec. Elle pourrait alimenter le doute sur son leadership et ses chances de maintenir les acquis du Parti conservateur au Québec aux prochaines élections fédérales, prévues en octobre 2019. Le chef conservateur pourra se consoler en examinant les résultats de l’autre élection partielle tenue hier soir dans la circonscription albertaine de Sturgeon River-Parkland, où le candidat Dane Lloyd a succédé à Rona Ambrose en obtenant près de 78 % des voix.
Richard Hébert (Parti libéral ) : 38,0 %
Marc Maltais (Bloc québécois) : 24,2 %
Rémy Leclerc (Parti conservateur) : 24,2 %
Gisèle Dallaire (Nouveau Parti démocratique) : 12,0 %
Yves Laporte (Parti Vert) : 1,4 %
Dane Lloyd (Parti conservateur) : 77,5 %
Brian Gold (Parti libéral) : 12,1 %
Shawna Gawreluck (Nouveau Parti démocratique) : 7,5 %
Ernest Chauvet (Parti de l’héritage chrétien) : 2,9 %