sportifs et yogistes

Les sportifs sont souvent accros à l’adrénaline et à la performance. Le yoga peut les aider à atteindre un meilleur équilibre – au sens propre comme au figuré. Alors que sort le guide Yoga pour sportifs, La Presse a testé un cours de yoga pour coureurs. Et rencontré Evan Bush, gardien de but de l’Impact de Montréal et adepte de yoga.

UN DOSSIER DE MARIE ALLARD

Cinq minutes de yoga par jour éloignent le physio…

Comme bien des coureurs, Mireille Massé était souvent blessée. Elle a alors découvert les bienfaits du yoga comme entraînement complémentaire à la course. Titulaire d’une maîtrise en immunologie, aujourd’hui professeure de yoga, elle lance Yoga pour sportifs, un guide complet avec propositions de séquences selon le sport ou les besoins précis. Son dicton ? « Cinq minutes de yoga par jour éloignent le physio pour toujours ! » La Presse l’a jointe à Québec.

Vous étiez une coureuse souvent blessée – syndrome de la bandelette ilio-tibiale, fasciite plantaire, douleurs au nerf sciatique, aux genoux… C’est alors que vous avez découvert le yoga ?

J’avais fait du yoga enceinte, comme toutes les mamans. Après, j’ai repris la course et j’avais toujours des blessures. Chaque fois que j’essayais de dépasser 10 km, les blessures ressortaient et c’était la cavale vers le physiothérapeute. À un moment, je me suis tournée vers le yoga et assez rapidement, je me suis rendu compte que c’était vraiment ce qui manquait à mon équilibre d’entraînement.

J’avais fait du CrossFit, de la musculation, plein de trucs, mais le yoga a été la meilleure solution. Comme entraîneuse de course à pied – j’ai fondé un club de course il y a plusieurs années –, j’ai commencé à intégrer le yoga dans les fins de course. Puis, je suis allée faire une formation à Toronto avec Christine Felstead, qui est spécialisée en yoga pour coureurs.

Souvent, les gens vont dire qu’ils n’ont pas le temps de faire du yoga. Vous avez lancé un défi à des sportifs : faire de 5 à 10 minutes de yoga par jour, pendant deux semaines. Ils ont vu un effet ?

Oui, c’est assez incroyable. Ce petit test n’est pas scientifique, mais les gens m’ont rapidement donné des commentaires super intéressants. Personnellement, j’ai deux enfants, je suis entraîneuse et mon conjoint a une entreprise. Mon horaire aussi est bien rempli. Mais quand on essaie, qu’on met le yoga à son horaire, on se rend compte à quel point ça peut nous faire du bien.

Le livre a un format pratique, pour que les gens puissent le mettre dans leur sac et l’apporter à leur marathon à Boston ou peu importe où. J’ai développé des séquences pratiques et j’ai tourné des vidéos, diffusées sur ma chaîne YouTube. Je me suis rendu compte que suivre des cours de 1 h ou 1 h 30 de yoga dans un centre, ce n’est pas toujours possible.

Bien des sportifs se disent qu’ils ne sont pas assez souples pour le yoga…

Oui. Les gens s’imaginent que pour faire du yoga, pour en retirer des bienfaits, il faut être capable de faire des choses impossibles. Ce n’est pas vrai. Ce qui est important dans les postures, c’est de donner des options pour que les sportifs ne soient pas, premièrement, dans la douleur et, deuxièmement, dans la recherche de performance. Je travaille en force, en équilibre, en souplesse et en récupération. Il faut faire comprendre aux gens que faire du yoga, ce n’est pas juste s’étirer.

Les étirements ont quand même du bon ? Vous citez une étude de la Harvard Medical School qui indique qu’à la suite de l’étirement de l’ischiojambier, l’effet diminue après 15 secondes, mais ne se dissipe complètement qu’après 24 heures.

Oui. Les étirements permettent d’aller chercher une mobilité notamment au niveau du bassin. Souvent, quand je cours, j’ai beaucoup de tensions qui s’accumulent dans les muscles des jambes. Pour les cyclistes, il y a beaucoup de tensions au niveau du cou, des problèmes de dos. Ce sont des problèmes qu’on voit de façon récurrente et qui peuvent être réduits, ou au moins être prévenus, en travaillant la souplesse. Mais ce n’est pas la réponse à tout.

Testé

Le yoga pour coureurs

En posture du papillon – couchées sur le dos, genoux écartés, talons aux fesses –, les participantes tentent de se concentrer sur leur respiration. Pas sur leurs jambes, qui tirent de partout… Bienvenue au « yoga pour coureurs », donné gratuitement les mercredis soirs à la boutique Lululemon Montréal Local, rue Saint-Viateur.

« Si tu es un coureur et que tu arrives dans un studio de yoga, ça peut être intimidant, dit Raul Bugueño, responsable des activités et du club de course du Lululemon Montréal Local. Ici, c’est plus facile d’essayer. Les histoires qu’on aime entendre, ce sont celles de coureurs qui n’ont jamais essayé le yoga, qui viennent ici, puis intègrent le yoga à leur routine. »

Peu avant 18 h, les employés tassent les vêtements et accessoires pour dégager un bel espace au centre de la boutique. Puis, les participantes arrivent, leur tapis de yoga sous le bras. C’est Mélodie Gagnon, enseignante de yoga depuis 2014, qui donne la séance. « Quand j’ai fait ma formation de professeure de yoga, précise-t-elle, c’était la tendance qui arrivait, le yoga pour coureurs, pour golfeurs, pour le hockey, etc. »

Étirer psoas et ischiojambiers

Mélodie Gagnon n’est pas spécialisée en yoga pour sportifs. « Je bâtis ma pratique selon ce dont les gens ont besoin ici et maintenant », dit-elle. Elle connaît toutefois bien la course et ses effets sur le corps, son amoureux étant un coureur.

« On va beaucoup travailler les lunges [fentes] et les demi-splits, annonce-t-elle. On veut étirer le psoas à l’avant et les ischiojambiers à l’arrière. On va aussi viser une plus grande ouverture dans le haut du corps. Si tu cours un marathon, tu serres tellement tes omoplates à la fin que l’espace devient restreint. »

Johannah Carlton, coureuse et adepte de yoga, vient participer à la séance avec bonheur.

« Le yoga et la course, ce sont deux activités complémentaires. Physiquement, le yoga vient vraiment détendre les muscles. »

— Johannah Carlton, coureuse et adepte de yoga

La détente est aussi psychologique, si on arrive à chasser les soucis de ses pensées.

Rachel Tremblay, une autre participante, a pu recommencer à courir grâce au yoga. « J’ai eu beaucoup de blessures, dit-elle. J’ai souffert de fasciite plantaire, j’ai eu une déchirure du mollet, de l’aine… Depuis que je fais du yoga, je n’ai presque plus rien. Le yoga permet de mieux connaître son corps, de travailler la flexibilité, la colonne, la zone pelvienne, même les pieds. »

Se poser pendant une heure

Reste à convaincre les coureurs, souvent survoltés, de se poser pendant une heure sur un tapis. Donnée au son d’une musique suffisamment groovy pour ne pas s’endormir, la séance à laquelle La Presse a assisté a réellement permis d’étirer des muscles raidis par la course. La demi-split (en appui sur un genou, avec l’autre jambe étirée vers l’avant) est efficace, comme la posture du lotus avec les bras allongés devant soi. Surtout quand la prof passe derrière les élèves et appuie sur le bas de leur dos et leurs omoplates…

Sympathique, Mélodie Gagnon prend le manque d’équilibre de quelques participants avec humour. « Si on tombe, on peut crier “Jenga” ! », lance-t-elle, en référence au jeu de blocs de bois à empiler. Elle compare une posture de yoga à un mouvement de ski de fond, ce qui peut interpeller les sportifs. Son cours donne envie d’approfondir l’expérience, avec un professeur de yoga vraiment spécialisé en course à pied.

Marika Galea, une participante à la séance, court 5 km tous les jours depuis quelques mois. « Le yoga aide mes jambes à s’habituer à la course, croit-elle. Comme je suis contrebassiste professionnelle, le yoga m’aide aussi à détendre mon cou et mon dos. »

Après le yoga pour coureurs, à quand le yoga pour contrebassistes ?

Quelques références de yoga pour sportifs

À Montréal

À Longueuil

À Québec

Evan Bush, ce yogi insoupçonné

Evan Bush, 32 ans, est le gardien de but de l’Impact de Montréal. On l’imagine s’entraîner devant un filet de soccer, voire dans un gym. Pas forcément dans un studio de yoga. Il combine pourtant le tout, pour son bénéfice et celui des partisans de l’équipe. La Presse l’a rencontré au centre d’entraînement Nutrilait, aux abords de la rue Notre-Dame Est à Montréal.

Vous faites du yoga depuis longtemps ?

J’ai commencé en arrivant à Montréal, il y a sept ans. L’entraîneur, lors de ma première année ici, était sensible aux avantages du yoga, pour la récupération, le renforcement et la stabilité. J’ai essayé le yoga chaud au studio Moksha sur le boulevard Saint-Laurent et j’ai vraiment apprécié l’expérience. Depuis, j’ai déménagé dans l’Ouest-de-l’Île, où il y a un autre studio Moksha. Alors je continue là-bas. Les gens qui gèrent ces installations sont formidables.

Vous y allez régulièrement ?

Davantage en hors-saison. Si j’y allais pour des séances de 60 ou 75 minutes pendant la saison de l’Impact, mes jambes seraient trop fatiguées pour m’entraîner correctement ensuite. Alors, je fais du yoga à mon rythme, au moins une ou deux fois par semaine, pendant 30 à 45 minutes.

Vous construisez votre propre programme ?

Oui. Je prends à peu près tout ce que je fais dans les studios de Moksha et je le fais tout seul.

Y a-t-il d’autres joueurs de l’Impact qui font du yoga ?

Pas vraiment. Il y a encore un peu de stigmatisation négative à l’égard du yoga, à mon avis. C’est vrai que ça peut avoir l’air comique quand vous êtes dans la salle de musculation en train de faire du yoga, entouré de poids libres.

Quels sont les avantages de faire du yoga ?

Physiquement, de la stabilité, un renforcement du centre du corps. Beaucoup d’athlètes pensent que le « core » signifie simplement les abdominaux. Avec le type de yoga que je pratique de façon constante, ce sont plus les fessiers, les hanches, les ischiojambiers et les quadriceps qui travaillent.

Avant, je faisais beaucoup d’exercices pour le haut de mon corps, parce qu’en tant qu’athlète, on vous conditionne à penser que c’est ce qui est le plus important à travailler au gym. Cette année, j’ai décidé non pas d’arrêter de travailler le haut du corps, mais de me concentrer davantage sur mon « core » et mes jambes. Et le yoga est une partie importante de ce travail.

Vous en voyez les effets ?

Je pense que oui. Je suis resté en bonne santé toute l’année [Evan Bush cogne le bois de la table par superstition]. Je n’ai pas eu de blessures persistantes. C’est dû à beaucoup de choses, dont le yoga en bonne partie.

Retirez-vous aussi des bénéfices psychologiques de votre pratique ?

Oui, encore plus. Au cours de la dernière année, j’ai fait plus de méditation et de trucs comme ça. J’ai été capable d’intégrer cela à mon yoga. Je pense que cela me permet d’avoir l’esprit clair et de me concentrer. J’arrive aux matchs du week-end dans un état d’esprit frais, pas rempli de fouillis.

Avez-vous une posture préférée ?

Oui. Vous pouvez même me voir la faire pendant les matchs, quand le ballon est loin sur le terrain ! C’est comme ça. [Evan Bush fait la pose du bâton en équilibre, une jambe tendue vers l’arrière, le dos plat allongé vers l’avant.] C’est bon pour la stabilité, mais c’est aussi une sorte d’étirement actif en même temps.

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