Tik Tok

Les dérives de l’appli la plus téléchargée du monde

Vous connaissez Tik Tok ? Probablement pas, si vous n’êtes pas né dans ce millénaire. Pourtant, c’est l’application la plus téléchargée du monde présentement, avec plus de 500 millions d’utilisateurs, dont peut-être vos enfants. Zoom sur Tik Tok… et ses dérives.

Tik Tok, c’est quoi ?

Tik Tok, ce n’est pas seulement le tube planétaire de Ke$ha. C’est l’une des applications les plus populaires en ce moment chez les enfants et les adolescents. En novembre 2017, Bytedance, le développeur chinois de Tik Tok, s’est porté acquéreur de la plateforme américaine Musical.ly. Les applications ont fusionné et conservé le nom de Tik Tok. Le principe de la plateforme ? L’utilisateur se filme en dansant, en faisant du playback sur une chanson ou sur des répliques de films. Il peut modifier sa vidéo, ajouter des effets spéciaux et des filtres. Il la publie ensuite sur la plateforme. L’application propose également un chat pour discuter entre utilisateurs.

Comment ça marche ?

Pour utiliser l’application, il faut créer un compte et avoir au moins 13 ans. En réalité, l’application est prisée par les préados, voire par les enfants de 9-10 ans qui n’ont pas de cellulaire, mais utilisent leur iPod ou leur tablette. Une fois les vidéos publiées, l’algorithme de Tik Tok fait en sorte qu’elles se retrouvent dans le fil de ceux qu’elles sont susceptibles d’intéresser. Si le compte de l’utilisateur est public, toutes les personnes inscrites sur la plateforme peuvent visionner son contenu et laisser des commentaires.

Pourquoi c’est si populaire ?

Stéphane Villeneuve est professeur à la faculté des sciences de l’éducation à l’UQAM, spécialiste de la cyberintimidation et du numérique en éducation. Pour lui, l’application connaît un tel succès pour plusieurs raisons : « L’application permet d’ajouter des effets spéciaux, de la réalité augmentée, et le résultat est souvent époustouflant, avec un aspect professionnel. On y associe la musique, un facteur rassembleur chez les jeunes. Enfin, les commentaires permettent de nouer des liens, de recevoir l’approbation de ses pairs. » Il remarque que l’application peut « stimuler la créativité, l’imagination », et que certaines vidéos sont léchées.

Des torrents de commentaires violents

Ce qui frappe sur Tik Tok, ce sont surtout les commentaires violents sous les vidéos. « Comment une grosse vache comme toi peut avoir un copain », « T’es horrible », « Tu ressembles à rien », « Va voir un dentiste »… La méchanceté gratuite est répandue et vise quasi exclusivement le physique. « Les utilisateurs mettent leurs vidéos en public pour avoir un maximum de vues, explique Stéphane Villeneuve. C’est là qu’ils se font prendre au piège. Même s’ils reçoivent des commentaires désobligeants par dizaines ou par centaines de gens qu’ils ne connaissent pas, ils veulent rester sur l’application. S’ils n’y sont pas, c’est comme s’ils n’existaient pas. »

Un cercle vicieux

« C’est plus facile d’être violent : on n’est pas en face de la personne, on ne la connaît pas, on ne voit pas la peine qu’on fait. Pour ceux qui font l’objet de ces commentaires, ça fait encore plus mal, car il y a plein de témoins », observe Cathy Tétreault, directrice générale et fondatrice du Centre Cyber-aide. Lors de ses interventions dans les écoles, elle a rencontré des enfants de 9-10 ans qui utilisaient l’application. « Quand ils vivent un malaise sur internet, certains petits préfèrent ne pas en parler à leurs parents, car ils ont peur que ces derniers leur retirent le droit d’utiliser certaines applications. Certains parents connaissaient Musical.ly, mais ignorent que l’application est devenue Tik Tok et ne savent pas que leur enfant l’utilise. Avec ce nom, ils pensent au jeu Tic Tac Toe. »

Hypersexualisation et insultes sexuelles par centaines

Sur Tik Tok, on trouve aussi pléthore de commentaires à connotation sexuelle. « T’es bonne », « Tu es tellement sexy, tu me fais bander », « Tu fais la chienne », « Enlève le haut »… « La violence verbale et sexuelle est banalisée. On effrite au passage les notions de civisme et de respect qui doivent prévaloir en société », se désole Cathy Tétreault. La plupart de ces commentaires viennent de comptes anonymes, sans photo de profil, ni publication. En somme, d’utilisateurs qui sont là pour regarder le contenu des autres ; pas pour en produire. Et difficile de savoir s’il s’agit d’adultes ou d’ados…

Des risques de pédopornographie

Sur Tik Tok, « des enfants de 10 ans font des vidéos suggestives », remarque Stéphane Villeneuve. « Ils n’ont pas pleinement conscience de ce que représentent les gestes qu’ils diffusent. Les plus vieux, eux, comprennent ces mouvements autrement. » Il redoute que ces contenus soient exploités par des comptes anonymes et intraçables, à des fins malveillantes, voire de pédopornographie. « Aujourd’hui, on peut faire des captures d’écrans vidéo très facilement et exploiter les vidéos postées sur Tik Tok sur des plateformes du darknet. »

Tik Tok au Canada

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