Affichage en français

Québec laisse une bonne marge de manœuvre aux commerces

Les commerces québécois ne devront pas franciser leur nom. Toutefois, ils devront dorénavant s’assurer d’une « présence suffisante du français » dans leur affichage extérieur. C’est ce que contiennent les grandes lignes du projet de modification au règlement sur la langue du commerce et des affaires, présenté hier par la ministre Hélène David. Un document qui se faisait attendre depuis près d’un an et qui touchera quelque 1800 entreprises.

LES ENTREPRISES ONT LE CHOIX

La modification à la réglementation concerne l’affichage extérieur uniquement. Les entreprises ne se verront pas forcées d’ajouter un générique à leur marque de commerce. D’autres options s’offrent à elles, comme ajouter un descriptif, un slogan ou une information sur les services offerts. Ainsi, le gouvernement estime qu’il respecte ses principaux objectifs, soit d’assurer une présence nettement accrue du français dans l’affichage tout en respectant la valeur intrinsèque des marques de commerce.

DES EXEMPLES CONCRETS

Les commerces disposent d’une marge de manœuvre. Mais peu importe la formule choisie, elle doit être présente en permanence, visible et dans le même champ visuel que le nom du commerce. Le message doit être éclairé si la marque l’est, et si une autre langue est affichée, le français doit être prédominant. De plus, les commerces portant un nom propre, un patronyme ou un toponyme ne sont pas soumis à la réglementation.

PAS ENCORE ASSEZ ?

Les camions, les circulaires, les sacs, les logos sur les uniformes, le site internet… Bref, partout ailleurs que sur la façade extérieure, la réglementation ne s’applique pas.

« C’est un pas dans la bonne direction, il était temps. Mais c’est une mesure de façade », croit Éric Bouchard, directeur général du Mouvement Québec français. « On aurait voulu que le gouvernement modifie le règlement pour faire en sorte qu’un générique soit obligatoirement collé sur la marque. »

Ainsi, le nom accompagné d’un mot français serait apparu à tous les endroits où la marque figure. C’est précisément ce que les grandes marques et multinationales comme Walmart avaient contesté en Cour d’appel du Québec l’an dernier.

CE QU’EN PENSE LE GÉANT WALMART

Une vingtaine d’entreprises ont été consultées lors de l’élaboration du projet depuis juin 2015. Parmi elles, Walmart, l’une de celles ayant affronté en Cour supérieure (2014) et en Cour d’appel (2015) le gouvernement du Québec pour conserver l’intégrité de sa marque.

« On considère que c’est bien balancé, en gardant d’un côté l’intégrité de notre marque – ce qui est important pour nous – et ça nous laisse l’opportunité de nous exprimer en français sous le format Supercentre Walmart [sans toutefois toucher à la marque en soi] », a expliqué Xavier Piesvaux, vice-président responsable de l’est du Canada pour Walmart. Dans une deuxième phase, les magasins porteront aussi un slogan en français, une mesure non obligatoire, mais qui fait partie du processus de proximité du géant.

UN PORTRAIT QUI CHANGERA EN TROIS ANS

Toutes les entreprises établies au Québec sont visées : commerces de détail, entreprises de fabrication, bureaux, usines, hôtels, restaurants, etc. Celles déjà établies disposeront de trois ans pour s’ajuster, les nouvelles devront automatiquement s’y conformer.

« Pour les commerces de détail, seuls 20 % ne se seraient pas encore volontairement conformés. Donc, pour le petit pourcentage qu’il reste, ça leur donne du temps », avance Norma Kozhaya, vice-présidente, recherche et économiste en chef du Conseil du patronat

« On ne sait pas combien ça peut coûter [aux entreprises], mais l’étude d’impact réglementaire sera en ligne dès [aujourd’hui] et on sera les premiers à en prendre connaissance », a déclaré Françoise Pâquet, du Conseil québécois du commerce de détail.

ENCORE DES FORMALITÉS À FICELER

Pour Hélène David, ministre suppléante de la Culture et des Communications, responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française, c’est l’aboutissement de près d’un an de travail qu’elle a dévoilé, hier.

« Je suis convaincue que le projet présenté aujourd’hui est adapté au contexte dans lequel évoluent les entreprises et qu’il répond aux préoccupations de la population. De plus, il fera en sorte que le français soit visible partout au Québec », a précisé la ministre en conférence de presse.

Le projet de réglementation sera publié aujourd’hui dans la Gazette officielle du Québec. La population a 45 jours pour émettre ses commentaires, après quoi des modifications seront apportées. Il y aura décision du Conseil des ministres et publication finale du règlement, probablement à la fin du mois de juin.

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