Ode au mouvement

CRITIQUE
Bach + Gira
La troupe Grupo Corpo
Jusqu’au 26 janvier, au Théâtre Maisonneuve
***1/2

Il n’y a pas beaucoup de temps morts dans un spectacle de la fabuleuse troupe brésilienne Grupo Corpo. Le programme double présenté pour la première fois hier par Danse Danse a mis sous les projecteurs le vocabulaire chorégraphique singulier que fignole depuis quatre décennies le chorégraphe et cofondateur de la compagnie, Rodrigo Pederneiras, et la maîtrise assez phénoménale qu’en ont ses interprètes.

Ce ne sont peut-être pas les créations aux scénographies les plus élaborées ni les constructions chorégraphiques les plus serrées et efficaces. Mais il y a un réel plaisir à voir évoluer sur scène les corps agiles, habiles, à la fois ancrés dans le sol et possédant une finesse aérienne, des interprètes de Grupo Corpo.

Car la signature de cette troupe qui célèbre ce mois-ci son 44e anniversaire, c’est d’abord et avant tout le mouvement, une gestuelle et une musicalité à la signature distincte, immédiatement reconnaissables. 

Une hybridation ambitieuse où les lignes pures du ballet sont continuellement emportées par les courbes, ondulations et rythmes convoquant héritages latins et africains.

Au programme, deux pièces, un classique du répertoire de la compagnie, Bach, ainsi qu’une récente création, Gira, qui donnent à voir deux univers fort différents, mais traversés par la même énergie.

Bach revisité

Présentée pour la première fois en 1996, Bach se déploie sur la musique de Bach, réinterprétée par le compositeur Marco Antônio Guimarães pour la compagnie. On reconnaît les mélodies dans ses arrangements, qui laissent une grande place à l’orgue et aux voix. L’orgue, littéralement, s’invite sur scène, avec ses grands tuyaux cuivrés suspendus auxquels s’accrochent parfois les interprètes et où chatoient lumières dorées et bleutées, créant un fort joli effet.

Ici, l’exubérance des mouvements semble répondre à l’esprit baroque qui caractérise les œuvres du compositeur. Épousant la musique dans toutes ses tonalités et rythmiques, la chorégraphie alterne entre passages très dynamiques et emportés, menés par sauts, jeux de pieds, balancés, tours, ondulations, et d’autres plus lents et posés, dont un très beau tableau qui semble suspendu entre l’ombre et la lumière.

Si les interprètes s’acquittent fort bien de l’exécution de cette partition difficile à la musicalité intriquée, Bach nous a semblé une œuvre plutôt cérébrale, formelle, qu’on observe comme un objet certes intéressant, voire intrigant, mais auquel on a du mal à véritablement se connecter.

Cœur battant

Si Bach met la table, Gira, qui s’inspire des cultures et rituels traditionnels afro-brésiliens, aura été selon nous le véritable plat de résistance de la soirée, même si, côté composition chorégraphique, on aurait aimé que la proposition évolue davantage – il y a une certaine redite dans la dernière section de la pièce.

Cela dit, on se laisse vite emporter par la musique fusion du groupe Metá Metá, qui, tout comme la danse de Grupo Corpo, lie à la fois l’Occident et l’Orient, le Sud et le Nord, dans un mélange métissé au rythme souvent emporté, parfois langoureux, faisant intervenir cuivres, guitares, percussions, voix et échantillonnages.

Le torse nu, vêtus de grandes jupes blanches et la gorge peinte en rouge, doucement éclairés par des lumières orangées, les interprètes évoluent sur une scène nue encadrée de chaises où ils vont se retirer de temps à autre, déposant un voile noir sur leur tête. Hanches qui balancent, dos qui se cambrent, corps qui s’accroupissent pour mieux se redresser, habités par le rythme, ils virevoltent et traversent la scène, transportés par une énergie primale, celle, essentielle, de la vie et du cœur battant. Un hommage senti et spirituel à ce qui tisse l’identité brésilienne.

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