Éditorial  Santé

Faire les frais du système

Les frais accessoires seront certes contrôlés et moins chers, mais ils n’en resteront pas moins inéquitables

Bonne nouvelle, le ministre de la Santé a décidé de s’attaquer à ces satanés frais accessoires, qui sont facturés en sus de traitements pourtant couverts par l’assurance maladie. Mauvaise nouvelle, le remède annoncé aura pour effet de légitimer et d’enraciner cette pratique. Un précédent dangereux.

Du point de vue du patient, les frais accessoires sont comme de la mauvaise herbe : des intrus qui se sont faufilés, et multipliés, dans les interstices du système public de santé. Un acte médical pour lequel le malade n’aurait rien à débourser à l’hôpital est grevé de multiples surcharges en clinique privée. Le problème, dénoncé mais jamais éradiqué, s’est étendu.

Le nombre de plaintes au Collège des médecins n’a cessé d’augmenter depuis trois ans.

La Protectrice du citoyen en reçoit aussi. Et le cabinet Grenier Verbauwhede, qui a déposé une demande de recours collectif, a accumulé des centaines de factures de patients indignés.

Le ministre Barrette a annoncé la semaine dernière la création d’un comité pour déterminer les frais acceptables, et leurs tarifs. Certains, comme l’ouverture de dossier, seront interdits. Pour les autres, on retiendra le prix coûtant établi par un expert indépendant majoré de 10 à 15 %. Des gouttes ophtalmiques qui valent quelques cents l’unité ne pourront donc plus être facturées plusieurs dizaines de dollars. Les frais afférents à une vasectomie, qui peuvent atteindre 150 $, seraient ramenés autour de 95 $.

La note, promet-on, sera contrôlée et moins salée. Elle ne deviendra pas équitable pour autant.

Un précédent recours collectif centré sur la dégénérescence maculaire avait débouché sur une double résolution : une somme pour les patients lésés dans le passé, et une rémunération additionnelle aux ophtalmologistes pour l’avenir. Absorber les frais accessoires facturés dans tous les domaines coûterait 50 millions par an, et le ministère ne les a pas, plaide le Dr Barrette. Peut-être, mais ce n’est pas le seul élément à considérer.

Québec s’apprête à cautionner une organisation des soins où ce n’est pas le caractère médicalement nécessaire du traitement qui déterminera s’il est entièrement payé par l’assurance maladie, mais l’endroit où il se donne. Si l’intervention requise peut se faire, et se fait majoritairement, en clinique privée, vous n’aurez pas vraiment le choix d’y aller et d’acquitter des frais accessoires.

Ce n’est même pas un ticket modérateur, puisque la pénalité n’a pas pour but de réduire les consultations inutiles. Elle frappe à l’aveuglette, en fonction de la maladie et de la portabilité de son traitement. C’est à la fois injuste et injustifiable.

L’encadrement proposé n’est pas une réponse satisfaisante parce qu’il cautionne la surfacturation. À court terme, les frais s’en trouveraient peut-être réduits. À long terme, toutefois, ils auraient le champ libre pour proliférer.

Le problème, nous le reconnaissons, n’est pas facile à régler, d’autant qu’il a pris de l’ampleur avec le temps. Mais il faut continuer à chercher à une solution.

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