Ski de fond/Finales de la Coupe du monde de Québec

Harvey réussit son (ultime) entrée en scène

QUÉBEC — Ça aurait pu mal tourner. À 30 ans, Alex Harvey n’est plus le sprinteur d’antan. Déjà qu’il n’a jamais été un véritable spécialiste malgré ses podiums en sprint individuel aux Mondiaux de 2013 et de 2015. Il a tout de même clairement signifié son intention de se battre pour les deux sprints de bonification durant le 15 km classique d’aujourd’hui. Le show se poursuit.

Même sa qualification pour les rondes éliminatoires n’était pas gagnée d’avance. Il avait raté le coche à ses cinq départs précédents en Coupe du monde.

Le fondeur de Saint-Ferréol a donc abattu un premier as en enregistrant le 23e temps des qualifications du sprint en style libre de la Coupe du monde, hier matin, à Québec.

La table était mise pour le spectacle attendu par les quelques milliers de personnes qui bordaient la presque totalité du parcours de 1,6 km sur les plaines d’Abraham. Ils s’étaient déplacés malgré le temps incertain et les prévisions apocalyptiques de certains météorologues.

Harvey voulait leur donner « un bon show » et il y est amplement parvenu en se rendant jusqu’en demi-finale. Sous de gros flocons mouillés et sur une neige de type « soupe aux pois », le favori local a terminé cinquième, laissant le plancher pour la finale aux Klæbo, Bolshunov et autres Pellegrino.

Dixième au classement final, le futur retraité était tout sourire en posant ses skis devant les journalistes. « Les sprinteurs purs étaient plus forts que moi, c’est tout », a souligné celui qui avoue « ralentir chaque année en termes de vitesse ».

« Dans ma chambre hier, je me disais : si je peux faire la [demi-finale], ça va me donner beaucoup de secondes de bonification pour le mini-tour. C’était vraiment le but. C’est sûr que c’était ambitieux un peu parce que je ne me suis pas qualifié en sprint en Coupe du monde depuis décembre 2018, à Lillehammer [au troisième rang]. Je savais que je devais commencer par me qualifier. J’ai bien joué mes cartes et je suis vraiment content. »

— Alex Harvey

Sa seule prestation en quart de finale a ravi son public conquis d’avance. Cinquième dans la descente menant au stade, Harvey a attendu à la dernière fraction de seconde pour se mettre le nez dans le vent et se repositionner deuxième en quelques coups de hanche. Propulsé par des skis rapides, comme il l’a noté, il a facilement maintenu son rang derrière le Russe Andrey Melnichenko dans la dernière ligne droite pour avancer à la ronde suivante.

« J’ai gardé le monde sur le bout de leur siège, je pense. C’était le fun, c’est cool, mais c’est juste le début. Les sprinteurs vont perdre pas mal de temps demain. Je suis déjà 10e, ça va être excitant. Le but, c’est de bien me positionner pour [la poursuite de demain]. »

Finale de haut niveau

La Coupe du monde de Québec se dispute selon une formule de mini-tour. Un vainqueur du classement cumulatif sera donc couronné demain. Dans les circonstances, Harvey se disait « mission accomplie ».

« Que ce soit au Tour de ski ou dans les mini-tours, chaque journée de sprint, le but, c’est la demi-finale. C’est la position payante pour les points. Le gagnant fera une ronde de plus que moi et recevra 30 secondes de bonification. Moi, j’en aurai 18 ou 19 [en fait 13]. Ce n’est pas une grosse différence. […] Je voulais faire la finale, on s’entend, mais pour d’autres raisons que le mini-tour. Pour la foule. »

À défaut de compter sur l’acteur principal souhaité, la finale a offert une bataille de haut niveau. L’affaire a été dominée d’une tête par Johannes Høsflot Klæbo, qui avait une vitesse de plus que tous ses rivaux dans le dernier droit. Le jeune Norvégien aux joues rouges a devancé l’Italien Federico Pellegrino pour décrocher sa huitième victoire consécutive dans la spécialité, en plus de sa médaille d’or aux Mondiaux de Seefeld.

Derrière, Sindre Bjørnestad Skar a fait plaisir à son compatriote Klæbo en soufflant la troisième place au Russe Alexander Bolshunov. Ces derniers se livrent un duel pour l’obtention du grand globe de cristal décerné au vainqueur du classement général de la saison. Klæbo a accru son avance de 14 à 24 points.

« Alexander est peut-être le compétiteur le plus fort que j’ai vu depuis longtemps, a louangé le Norvégien en conférence de presse. Pellegrino et moi, on a senti son rythme en quart de finale. Il allait vraiment vite et il semble en très bonne forme. Ce sera une bonne bataille jusqu’à la fin. »

L’ampleur de la foule sur les Plaines a impressionné tant Klæbo que Pellegrino.

« En Europe, c’est difficile pour les gens de venir nous voir par mauvais temps, a dit l’athlète du Val d’Aoste en français. On le sait depuis quelques années, mais il y a vraiment une belle ambiance ici. On peut vivre de belles émotions, surtout grâce à Alex Harvey, c’est sûr. J’espère quand même que sans Alex, beaucoup de gens seront contents de venir nous voir. »

Ce sera la grande question l’an prochain, alors que Québec accueillera une portion des finales. Pour l’heure, Harvey a l’intention de faire vibrer son public jusqu’au bout.

PROCHAINE COURSE : 15 km classique, départ en groupe, aujourd’hui à 11 h

La touche en classique

Les conditions molles prévues encore aujourd’hui pourraient représenter un avantage pour Harvey, selon le conseiller haute performance de Nordiq Canada Pierre-Nicolas Lemyre. Le fondeur de Saint-Ferréol avait brillé sur une neige semblable, il y a deux semaines, lors du 50 km classique d’Holmenkollen, où il a fini cinquième. « Le kick, ça ne fait pas avancer et ça demande beaucoup d’énergie, a relevé Lemyre. Alex est bon pour faire fonctionner ses skis sur ce genre de neige. Ça prend une touche vraiment subtile. Il faut appuyer juste assez. Nos jeunes vont avoir de la misère [aujourd’hui] dans ces conditions-là. »

Triplé suédois

Les Suédoises ont été à la fête sur les plaines d’Abraham. En finale, Stina Nilsson, Maja Dahlqvist et Jonna Sundling se sont détachées de leurs trois autres rivales pour terminer dans cet ordre, avec une priorité confortable sur la quatrième, la Norvégienne Maiken Caspersen Falla. Cinquième, Frida Karlsson, une autre Suédoise, était l’invitée-surprise de cette finale. Le phénomène de 19 ans, triple médaillée à ses premiers Mondiaux, sera manifestement à surveiller pour les deux épreuves de distance du week-end. La Norvégienne Therese Johaug, arrêtée en quart de finale, en a sûrement pris bonne note.

Le baptême de Drolet

Plusieurs observateurs voient en Rémi Drolet l’avenir du ski de fond canadien. Pour son baptême en Coupe du monde, le jeune Britanno-Colombien de 18 ans a obtenu le 67e temps des qualifications du sprint hier. « Le sprint en style libre n’est pas ma meilleure épreuve, a précisé ce fils de parents québécois. Les conditions étaient vraiment difficiles. C’était dur de rester debout. Mais c’était une très bonne expérience. J’ai très hâte à [aujourd’hui]. » Drolet est surtout un spécialiste de la distance. En janvier, il a fini septième du 30 km classique des Mondiaux juniors… après avoir perdu ses deux skis. Encore junior la saison prochaine, il part étudier la physique à l’Université Harvard, pour laquelle il skiera dans le circuit NCAA. « Je continuerai de m’entraîner très fort et j’espère retourner aux Mondiaux juniors. » Bon athlète, bonne tête, le jeune homme a le profil pour succéder à Alex Harvey. « Alex est vraiment un modèle pour moi. Je suis très honoré de faire partie de l’équipe avec lui. »

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