Barbecue

La saison du feu

Si le barbecue est parfait pour les grillades, il métamorphose littéralement les côtes de bœuf, épaules de porc et autres côtes levées, comme le font les Américains. Des cuissons qui font de plus en plus d’adeptes chez nous, avec en tête les frères Max et Jean-Philippe Lavoie, qui multiplient les occasions de transmettre leur passion.

UN REPORTAGE DE PIERRE-MARC DURIVAGE ET D'HUGO-SÉBASTIEN AUBERT

À l’école du barbecue

Près de 500 kg de viande. Une bonne vingtaine de barbecues de toutes sortes, au gaz, au charbon, au bois ou aux granules. Et 60 passionnés du gril, expérimentés ou non, venus au « BBQ Camp » pour parfaire leur maîtrise du feu. Récit d’un week-end très « viandeux ».

À notre arrivée le vendredi à Sainte-Christine-d’Auvergne, dans la région de Portneuf, on nous a accueillis en nous demandant si on avait mangé depuis le début de la journée. Il valait mieux en effet se préserver en prévision de l’incroyable festin à venir. Parce qu’outre les bouchées « cochonnes » servies pendant le cocktail d’ouverture, toutes les pièces cuites pendant le week-end sont destinées à être mangées. Bref, d’une collation à l’autre, on ne sait plus trop laquelle fait office de dîner ou de souper…

Se régaler de façon joyeusement abusive était toutefois un délicieux effet collatéral, parce que l’objectif de notre visite nous est rapidement revenu à l’esprit quand crayons et cahiers de notes ont été distribués à tous les participants. Tout le monde est ici pour s’abreuver des connaissances des frères Lavoie, qui se font appeler simplement Max et JP. « On donne des formations dans nos boutiques, mais on n’avait jamais pu donner de cours sur les techniques de cuisson lente comme les briskets, par exemple, nous a expliqué Max Lavoie. On s’est inspirés de l’Université du gril du maître américain Steven Raichlen, mais nous voulions faire quelque chose de décontracté, un bel événement de gang. » 

Si Steven Raichlen demande plus de 3000 $ pour son week-end haut de gamme, il en coûte un peu plus de 500 $ pour le BBQ Camp, repas et hébergement compris dans le complexe nature Au chalet en bois rond.

Tout se cuit sur le barbecue

Épaule de porc, poissons, fruits de mer, poulet, pizza, desserts et petits-déjeuners, tout se cuit sur le barbecue, selon Max, JP et leur équipe, et le gril peut même servir pour la fumaison à froid. Ils en font l’éloquente démonstration dans l’espoir de voir les participants retourner à la maison pour le faire à leur tour. « Les gens qui sont ici vont être en quelque sorte les précurseurs qui vont mettre le barbecue sur la carte, nous a confié Jean-Philippe. Ce que ça crée, c’est l’esprit barbecue, celui d’avoir le goût d’en faire matin, midi et soir. »

« Le BBQ Camp, ça crée des ambassadeurs, a ajouté de son côté Max. L’un des participants au premier camp a acheté 14 barbecues en un an et il s’est mis à faire des compétitions. Avant, il ne cuisinait même pas ! »

« C’est le fun de pouvoir passer un week-end avec des passionnés, des tripeux de BBQ, a affirmé de son côté Patrick Lavoie, un ami des proprios de BBQ Québec qui a participé aux deux présentations du BBQ Camp. C’est une véritable communauté qui s’est créée ; il y a quatre ou cinq ans, un week-end comme celui-là aurait été impossible. Aujourd’hui, sur la page Facebook d’échange de techniques de BBQ Québec, il y a des milliers de membres ! » Vérification faite, il y en a maintenant près de 20 000. 

Max Lavoie, qui cajole l’espoir de voir son cadet devenir le plus jeune champion du monde du barbecue, soutient que le BBQ Camp pourrait même représenter un tremplin de choix pour les passionnés de gril du Québec. « Le meilleur barbecue va bientôt se faire au Québec, à cause de la fusion de nos origines et de notre culture. Sans compter que nos aliments sont exceptionnels ; on a par exemple le meilleur porc au monde et le sirop d’érable est le meilleur sucre qui soit », a-t-il affirmé sans sourciller. Avant de conclure à la blague… ou pas :  « Le Texas, on n’en parlera plus dans 10 ans ! »

Témoignages de participants

Le passionné

Valère Hervet, 52 ans, Repentigny

« Je cuisine depuis 20 ans, mais je suivais d’abord des méthodes traditionnelles comme on les pratique en France, parce que la culture du barbecue est beaucoup moins poussée là-bas qu’ici. Mais comme il n’y a que quatre mois de beau temps ici, je veux cuisiner dehors ! Je fais maintenant de la fumaison à froid et à chaud, des charcuteries, etc. C’est vraiment une passion de pouvoir faire mes pièces de viande moi-même. »

L’enthousiaste

Roger Sharoubim, 40 ans, Carignan

« J’ai deux beaux barbecues au gaz, mais je tripe ici à voir la cuisson sur charbon de bois de même que les techniques de fumaison. J’aime le barbecue américain, mais je veux aussi cuisiner en m’inspirant de mes origines égyptiennes. Les salaisons et les épices sont deux choses que les Américains ne partagent pas, j’aspire donc à créer mes propres mélanges d’épices, et j’ai confiance qu’ils vont être meilleurs ! »

Le néophyte

Jean-François Raymond, 40 ans, Brossard

« Ma femme m’a offert un barbecue de qualité pour ma fête, de même que le cours d’introduction donné par Jean-Philippe chez BBQ Québec. J’ai toujours aimé la cuisson sur gril, mais j’ai toujours eu des machines de merde. Avant le cours, j’ai fait trois repas sur mon nouveau barbecue et j’ai brûlé les trois ! Le cours m’a donné de bons trucs le fun. Quand tu arrives à faire cuire de grosses pièces de viande comme ça, c’est tellement valorisant ! »

Divines côtes de bœuf

Plus simples à cuire que d’autres grosses pièces de viande, les côtes de bœuf sont aussi spectaculaires que délicieuses. L’idéal est de les faire cuire au charbon de bois, mais on peut réussir une cuisson plus que convenable sur un barbecue au gaz grâce à un labyrinthe à fumée à granules de bois. Les recommandations de Max Lavoie.

Préparation

• On choisit une belle pièce de bœuf. Max Lavoie suggère des côtes Black Angus 1855 de marque Swift, qui ont plus de chair.

• Il est préférable ici de conserver la couche de gras à la base des côtes.

• On applique une généreuse couche d’épices de Montréal ; la cassonade présente dans le mélange caramélise et a l’avantage de ne pas carboniser trop rapidement.

• Contrairement à la « brisket », on peut aussitôt passer à l’étape de la cuisson ; il n’est pas nécessaire de laisser la pièce reposer en salaison.

Cuisson

• Dans le gaz du gril au charbon ou du BBQ au gaz, la cuisson se fait à feu indirect à 135 °C (275 °F) en assurant un bon apport d’air – dans le cas du barbecue au gaz, on laisse entrouvert le couvercle. Cette température permet aussi d’obtenir une croûte plus croustillante.

• On préchauffe le barbecue avant de mettre la viande, pour s’assurer que la première croûte d’épices puisse saisir avec la chair.

• Pour une pièce de quatre ou cinq côtes, on estime la cuisson à environ 5 heures.

• La température de cuisson interne doit être de 93 °C (200 °F) ; la viande ne doit offrir aucune résistance quand on la pique.

• Il ne faut surtout pas cuire la pièce de viande trop longtemps parce que la chair peut s’assécher, ni à température trop haute parce qu’elle peut brûler.

• On laisse la pièce reposer de 30 minutes à 1 heure, à couvert, avant de la servir.

Incontournables « briskets »

Encore plus que les côtes levées ou le porc effiloché, la pointe de poitrine de bœuf (brisket) est viscéralement enracinée dans la tradition du barbecue américain.

Très tenace, cette partie de la poitrine du bœuf est très sollicitée par les mouvements du bovin, elle est donc traversée de fibres – le terme « brisket » vient d’ailleurs d’un mot d’origine scandinave se traduisant par cartilage. Mais elle est aussi très grasse, c’est donc un concentré de saveurs… qui doit être apprêté avec grand soin. Selon Jean-Philippe Lavoie, c’est la pièce de bœuf la plus difficile à cuire. Conseils de maître.

Préparation

• Choisir une pièce de qualité : par exemple, une poitrine de 12 à 16 lb de bœuf AAA Black Angus 1855 coûte entre 80 et 90 $.

• On retire le gras superflu, on veut une poitrine bien lisse de façon à obtenir une belle croûte. En fondant sous la chaleur, le gras a aussi tendance à partir avec les épices. On retire aussi une bonne partie du gras qui se trouve entre les deux muscles de la pièce de viande, la poitrine et la pointe. Au choix, on peut enlever le surplus de gras à l’arrière.

• Aussi, quand il y a moins de graisse en surface, la fumée peut mieux pénétrer la viande, ce qui permet l’apparition du fameux « smoke ring », un mince anneau de couleur rouge formé à la surface de la viande par l’oxyde d’azote libéré par le bois qui brûle entre 700 et 1000 oF. « Ça ne change rien au goût, mais ça donne un petit côté sexy à la pièce de viande quand on la coupe », explique Jean-Philippe Lavoie.

• Injection de « Bovril » maison : « On veut ainsi amplifier le goût de bœuf, tu veux que ça goûte le bœuf ! », affirme celui que tout le monde appelle JP. La recette : 1/4 de tasse de sauce soya, 1/4 de tasse de sauce Worcestershire, 1/2 tasse de bouillon de bœuf.

• On pique la seringue à chaque pouce en faisant deux petites injections ; le liquide doit pénétrer partout dans les fibres de la viande.

• On éponge le surplus de jus du fond du bac.

• On met une belle croûte bien égale d’épices, d’abord du côté gras ; les mélanges d’épices de Montréal font bien l’affaire, mais attention d’en choisir un qui ne contient pas trop de sel.

• Laisser au frigo de 8 à 10 heures pour que les aromates des épices entrent dans la viande.

Cuisson

• On cuit la poitrine à 120 oC (250 oF), le gras vers le bas. Le temps de cuisson est généralement d’une heure par livre, le but est de cuire à basse température de façon à ce que la cuisson soit uniforme.

• Il ne faut toutefois pas oublier que l’on cuit selon la température, pas au temps de cuisson : on vise une température de 96 oC (205 oF) en prenant la mesure avec un thermomètre inséré au milieu de la viande. Attention de ne pas toucher la couche de gras au fond pour ne pas fausser les données.

• Pour une pièce de 12 lb, la température va passer de 2 oC (35 oF) à 70 oC (160 oF) dans les 6 premières heures de cuisson ; la viande va ensuite maintenir sa température pendant les trois heures suivantes, avant de grimper à 96 oC (205 oF) dans les trois dernières. Envelopper la pièce de viande dans du papier d’aluminium après les 6 premières heures de cuisson permet d’accélérer la cuisson (on peut gagner jusqu’à trois heures).

• Au terme de la cuisson, on sépare les deux muscles de la pièce de viande – ils vont se défaire sans effort. On coupe des tranches d’un centimètre d’épaisseur dans le sens contraire de la fibre de la viande. La cuisson est parfaite si la tranche se replie sur elle-même quand on la pose sur son doigt.

• On roule ensuite les tranches dans du bouillon de bœuf mélangé au jus de cuisson.

De la mer au gril

Il ne faut pas prononcer le mot « papillote » devant un maître du gril car pour lui, tout peut se cuisiner sur le feu.

Les poissons, les fruits de mer et les crustacés sont justement parfaitement appropriés pour une cuisson au barbecue. Tataki de thon, brochettes de crevettes cuites sur bloc de sel, truites rôties, Max Lavoie nous en a fait la démonstration à plus d’une reprise au BBQ Camp. Morceaux choisis.

Huîtres « Maxfeller »

Interprétation très libre de la recette d’huîtres Rockefeller, la version de Max Lavoie est entièrement réalisée sur le barbecue. Les huîtres sont placées sur la grille à feu vif, le mollusque cuit ainsi poché dans son jus. Une fois cuites, les huîtres s’ouvrent facilement, directement par l’avant de la coquille, généralement après de trois à cinq minutes. 

On peut évidemment manger les huîtres telles quelles, mais Max Lavoie suggère de les garnir de quelques gouttes de citron, de sauce piquante, d’échalotes, de pancetta et de fromage, que l’on laisse fondre avant de déguster. Le gourou du barbecue avait choisi des huîtres Malpèque, mais pour une présence plus marquée en bouche, on peut aussi choisir une variété plus charnue comme des Cape Ann – qui sont justement disponibles pendant la période estivale.

Homard dans sa coquille

On peut griller le homard directement sur le barbecue à feu vif, le couvercle ouvert. Il faut d’abord tuer le homard en plantant un couteau entre les deux yeux pour ensuite faire revenir la lame vers l’avant. On le cuit côté carapace, et la coquille transfère sa chaleur vers la chair. Max suggère toutefois de faire cuire les pinces à part, car elles mettent un peu plus de temps à cuire que la queue. On prévoit une dizaine de minutes de cuisson pour la queue, 12 pour les pinces.

Truites sur le feu

Ici, on fait l’éloge de la simplicité. On applique d’abord sur les truites complètes une généreuse couche d’épices – Max Lavoie suggère le mélange Argentina qu’il a concocté avec son frère Jean-Philippe. On les coince ensuite dans une grille de camping repliable avec anneau de verrouillage et on les grille directement sur le feu.

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