Cours de chant

Ce que les téléréalités ont changé

Les concours de chant télévisés influencent les apprentis chanteurs depuis 15 ans au Québec. Même si les émissions comme Star Académie, Mixmania, La voix et sa version junior encouragent la passion de la musique, elles stimulent également le désir de reconnaissance rapide, au détriment du travail de fond, selon certains professeurs de chant.

Nathalie-France Forest a remarqué chez plusieurs élèves le désir d’être vus. « Plus qu’avant, ils souhaitent accéder à des plateformes pour réaliser leur rêve d’être reconnus, dit celle qui enseigne le chant depuis 32 ans. Ils veulent une image et un son qui va confirmer leur valeur, au lieu de développer ce qu’ils ont à dire. » 

Les apprentissages désirés ont également changé, selon Marie-Michèle Lalonde, qui enseigne le chant depuis 11 ans. « Depuis plusieurs années, je remarque davantage d’élèves qui cherchent une formule clés en main, explique-t-elle. Ils veulent tout savoir rapidement, et ils pensent qu’ils ne sont pas obligés d’apprendre à lire la musique comme les élèves de piano ou de guitare. » 

Mme Forest compare elle aussi leurs aspirations à un tout-inclus. « Ils veulent appuyer sur un piton et obtenir la reconnaissance, au lieu de développer le chemin qui permet au corps de s’exprimer. » Elle ajoute qu’ils veulent enchaîner les chansons sans prendre le temps de les apprendre.

« Ils trouvent ça plate, les exercices de base et apprendre à lire des partitions, alors que c’est ça, être musicien… On passe beaucoup plus de temps dans un local de pratique que sur scène à se faire valoriser. »

— Nathalie-France Forest

Elle croit aussi que certains élèves veulent aller trop vite. Quitte à se blesser. « Ils ont besoin de sentir que ce qui sort d’eux impressionne les gens. Ils sont prêts à pousser leur voix, au détriment de leur santé, plutôt que d’avoir une technique vocale. »

Les exercices techniques peu populaires

D’ailleurs, les exercices techniques sont souvent mis de côté pour éviter de perdre ces élèves. « Plutôt que de faire des gammes et des exercices de respiration, ils préfèrent interpréter, souligne Mme Lalonde. Ils carburent aux spectacles. Pour plusieurs, c’est plus important de devenir connus que de travailler. »

Tout cela à cause des téléréalités de chant ? Oui, en grande partie, selon les enseignantes. « La moitié du Québec valorise ces plateformes, affirme Nathalie-France Forest. Alors, quand mes élèves disent qu’ils suivent des cours de chant, la plupart se font demander s’ils vont aller à La voix. Pour certains d’entre eux, c’est plus important d’être vus par la masse que d’avoir trouvé leur voix, leur couleur. »

Cependant, quand on leur propose de participer à des concours plus traditionnels, leur intérêt est moindre. « Si c’est un concours plus technique, avec un prix en bourse, et non la possibilité de passer à la télé ou de faire un disque, ça les accroche moins », précise Marie-Michèle Lalonde.

Ceux qui suivent des cours dans l’espoir de faire des auditions de concours télé font cependant face à un grand piège. « Leur engouement et leur énergie de travail vont être éphémères, dit Mme Forest. S’ils n’obtiennent pas la reconnaissance des autres, leur motivation tombe, car ça ne vient pas de l’intérieur. »

Pourquoi je chante

Ils ont grandi avec les téléréalités en arrière-plan, mais leurs motivations ne sont pas toutes tournées vers la célébrité. Cinq jeunes apprentis chanteurs expliquent pourquoi ils suivent des cours.

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