Les Alouettes

« Je lui pardonnerai peut-être un jour »

En quelques secondes le 3 juillet 2011, Quan Bray a perdu ses deux parents. C’est ce jour-là que sa mère adorée, Tonya Bray, a été assassinée par son père, Jeffery Jones, qui passera le reste de sa vie derrière les barreaux.

Assis près du terrain où s’entraînent les Alouettes, Quan Bray parle de la tragédie qui a bouleversé sa vie pour la énième fois. Et le receveur ne cache pas être un peu las de le faire, ce qui est parfaitement compréhensible.

« C’est pour ça que j’ai écrit un livre [Keep the Dream Alive] », lance la recrue des Alouettes, sans la moindre agressivité.

Il s’en est passé des choses depuis la journée fatidique où Jeffery Jones a tué Tonya Bray en lui tirant un projectile dans la tête. Bray a connu une belle carrière de quatre ans à l’Université d’Auburn, où il a étudié en administration. Il a lancé une fondation (Quan Bray All-Purpose Foundation) qui vient en aide aux enfants victimes de violence. Il a écrit un livre et a obtenu des essais avec quelques équipes de la NFL, dont les Colts d’Indianapolis, avec lesquels il a disputé six matchs réguliers.

Avant même le meurtre de sa mère, Bray avait pourtant « eu ça dur », comme on dit. Il a grandi dans un milieu défavorisé à LaGrange, en Géorgie, la ville où son père a commis l’irréparable.

« Mais c’est la même chose pour la plupart d’entre nous [les joueurs afro-américains]. Oui, c’était parfois difficile de ne pas avoir accès à certaines choses, mais avec le recul, je suis content d’avoir eu à travailler fort pour arriver où j’en suis. 

« Rien ne m’a été promis ou donné. Certaines personnes n’ont aucune idée de ce qu’est l’adversité. J’ai pris l’escalier pour monter, pas l’ascenseur. »

Une belle enfance

Bray estime avoir passé une belle enfance malgré tout. C’est avec le soupçon d’un rare sourire qu’il raconte ce qu’était une journée typique lorsqu’il était un gamin à LaGrange, ville de 30 000 habitants au sud-ouest d’Atlanta.

« Ou bien on allait faire du moto-cross, ou bien on jouait au basketball ou au football. J’ai aimé mon enfance. J’étais toujours entouré de mes cousins, de mes oncles et de toute ma famille. J’ai compris bien des choses à un jeune âge, je pense. J’étais assez intelligent pour voir ce qui se passait autour de moi, et ça m’a aidé à rester dans le droit chemin. »

Rien ne laissait présager la tragédie qui allait faucher la vie de Tonya Bray, morte à 37 ans. Aux yeux de Bray, Jeffery Jones n’avait pas été un mauvais père jusqu’à ce jour.

« Il m’a enseigné des choses qui me servent encore aujourd’hui. Il m’a montré comment faire certains travaux manuels. Je suis sûr que mes parents se disputaient comme la plupart des couples, mais mon père n’était pas un homme violent. »

Mais lorsqu’il a appris que son père était le meurtrier de sa mère, Bray n’a pas hésité à couper les ponts et ne lui a plus jamais reparlé. Il ne sait même pas dans quel pénitencier il se trouve. Il ne connaît pas plus les motifs qui l’ont poussé à commettre ce crime abominable.

« Je présume que c’était un crime passionnel. Je n’en sais rien et je ne tiens pas vraiment à connaître les détails. Je ne lui ai jamais reparlé. Je sais qu’il faut savoir pardonner dans la vie. Je lui pardonnerai peut-être un jour, mais je ne suis pas encore arrivé à ce point. »

Un exemple pour son frère

Même s’il ne vit plus en Géorgie, Bray communique régulièrement avec sa grand-mère et son jeune frère, Jymere, qui a huit ans de moins que lui. Jymere n’était âgé que de 10 ans au moment de la tragédie. Quan s’est toujours fait un devoir d’être un modèle à suivre pour son petit frère.

« Il joue au football dans une école secondaire à LaGrange actuellement. J’aimerais qu’il vive une expérience collégiale semblable à celle que j’ai vécue à l’Université d’Auburn et qu’il poursuive ses études. »

La famille de Tonya Bray a fait preuve de résilience après sa mort. Quan Bray décrit une famille unie et solidaire.

« Ma grand-mère n’a jamais été très volubile, mais c’est une femme extrêmement forte. C’est elle qui m’a inspiré et qui m’a aidé à rester fort dans cette épreuve. Mes oncles m’ont également beaucoup aidé. »

Une autre personne qui a aidé Bray dans son cheminement est Chuck Pagano. L’ancien entraîneur-chef des Colts avait combattu un cancer quelques années avant de rencontrer Bray, et les deux hommes se sont bien entendus lorsqu’ils étaient à Indianapolis.

« Dans la NFL, on ne peut pas vraiment développer une relation personnelle avec les entraîneurs. Ce sont les affaires, et il n’y a pas de place pour les sentiments. Mais je pense que coach P [Pagano] et moi avions une relation spéciale. Il était le genre d’entraîneur avec lequel je pouvais discuter régulièrement. »

Heureux à Montréal

Après des passages avec les Colts, les Bills de Buffalo et les Texans de Houston, Bray s’est retrouvé avec les Alouettes il y a quelques mois et n’a pas tardé à s’établir comme un bon receveur. Il a capté 36 passes pour 432 verges et 3 touchés à ses 8 premiers matchs dans la LCF.

« Je vais continuer de travailler fort en espérant que ça se poursuive. J’ai passé un très bel été à Montréal, les gens sont gentils et accueillants. »

« J’aime beaucoup cette île. Je ne voudrais être nulle part ailleurs en ce moment. »

— Quan Bray

À la fin de notre entrevue, et après avoir remercié Quan Bray d’avoir pris le temps de raconter son histoire une fois de plus, le jeune homme de 26 ans a insisté pour dire que ça lui avait fait plaisir, même si ça devenait répétitif de le faire.

« Si ça peut aider certaines personnes qui ont vécu une tragédie à traverser leur épreuve, ça vaut la peine. Mon père a assassiné ma mère. On peut difficilement vivre pire drame que celui-là, mais je suis encore ici, sous un ciel bleu. 

« Lorsque je pense à ma mère, je vois toujours son sourire, et c’est pour ça que je me suis fait tatouer son visage. Il faut rester optimiste. »

En bref

DE L’ACTION POUR MURRAY-LAWRENCE ?

Jeremiah Johnson ratera le match de ce soir en raison de la commotion cérébrale qu’il a subie la semaine dernière contre les Lions de la Colombie-Britannique. C’est le Canadien Shaquille Murray-Lawrence qui sera le second de William Stanback. Murray-Lawrence a été un choix de troisième tour des Lions en 2015 à l’époque où Khari Jones était leur coordonnateur offensif. « Je le connais bien et je sais ce qu’il peut faire comme demi offensif », a dit le pilote des Alouettes. En 39 matchs dans la LCF, Murray-Lawrence a porté le ballon 47 fois pour des gains de 148 verges au sol. Il a marqué trois touchés. Il peut également retourner des bottés, ce qu’il pourrait être appelé à faire ce soir puisque Shakeir Ryan ne sera pas en uniforme, blessé à un ischiojambier.

PREMIER MATCH POSSIBLE POUR MATTHEWS

Embauché il y a deux semaines, Chris Matthews pourrait disputer son premier match avec les Alouettes aujourd’hui. Le receveur a pris des répétitions avec les partants cette semaine, mais son nom ne figure toutefois pas dans l’alignement partant officiel des Alouettes. Puisque le secondeur extérieur Chris Ackie ratera la rencontre à Regina en raison d’une blessure dont Khari Jones n’a pas précisé la nature, c’est l’Américain Tevin Floyd qui flanquera Hénoc Muamba du côté court. Ce changement forcera les Alouettes à utiliser un joueur canadien sur leur ligne défensive. Le ratio de joueurs canadiens est presque une science en soi dans la Ligue canadienne…

ADAMS FILS CONNAÎT BIEN REGINA

Entre ses deux séjours chez les Alouettes, Vernon Adams fils a fait partie des Roughriders, en 2017, et des Tiger-Cats de Hamilton pour une courte période, en 2018. C’est également à Regina que le quart-arrière avait amorcé son premier match dans la LCF, le 22 octobre 2016. Les Alouettes et Adams fils avaient alors vaincu les Roughriders, 19-14. Lorsqu’il s’est entretenu avec les journalistes plus tôt cette semaine, le passeur de 26 ans a dit ne pas ressentir d’émotions particulières à l’aube de son retour en Saskatchewan. « C’était dans un stade différent », a-t-il noté. Adams a complété 66 % de ses passes cette saison et occupe le 5e rang de la LCF avec 2121 verges par la passe. Il a lancé 10 passes de touché et en a ajouté 10 au sol, un résultat bon pour le premier rang du circuit à ce chapitre. La plupart de ses touchés au sol ont été de courtes distances, mais Adams a tout de même obtenu 280 verges par la course.

COURSE À QUATRE DANS L’OUEST

Avant de s’incliner 35-10 devant les Blue Bombers, samedi dernier à Winnipeg, les Roughriders avaient gagné leurs six matchs précédents. Ils occupent actuellement le deuxième rang de leur division à égalité avec les Stampeders de Calgary alors que les deux équipes ont une fiche de 7-4. Les Blue Bombers sont premiers (9-3) et les Eskimos d’Edmonton sont quatrièmes (6-6). À moins d’un revirement de situation majeur, les quatre équipes devraient accéder aux éliminatoires. Même s’il reste presque deux mois à la saison, on a d’ailleurs déjà une très bonne idée des trois formations qui rateront le tournoi de novembre : les Lions de la Colombie-Britannique, les Argonauts de Toronto et le Rouge et Noir d’Ottawa. Ce n’est certainement pas l’idéal pour créer de l’intérêt chez les partisans.

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