SANTÉ

Bar ouvert pour une infirmière voleuse de narcotiques

Alors même que la crise des opioïdes suscite l’inquiétude, une infirmière a réussi à voler 500 doses de narcotiques dans un hôpital de Longueuil alors qu’elle était accusée puis jugée coupable d’en avoir dérobé des milliers d’autres dans son emploi précédent.

Bien que Melany Boucher ait à l’époque plaidé coupable, cela n’a pas été suffisant pour mettre l’hôpital Pierre-Boucher sur ses gardes, dans un cas qui met en lumière des failles de sécurité autour de ces substances dangereuses.

Début 2017, la jeune infirmière attendait sa sanction disciplinaire pour avoir volé 7743 fioles de narcotiques au profit d’un réseau criminel à l’hôpital Pierre-Le Gardeur de Terrebonne, au cours des deux années précédentes. Elle faisait aussi face à des accusations criminelles pour les mêmes faits.

Même si elle avait plaidé coupable le 27 février 2017 devant son conseil de discipline, Mme Boucher pouvait continuer à pratiquer jusqu’à 30 jours après que sa sanction était officiellement tombée, soit jusqu’au 11 mai 2017. Elle était alors employée par l’agence Placement Premier Soin, qui l’avait affectée à l’hôpital Pierre-Boucher.

« J’étais flabbergastée »

Mais elle ne faisait pas que travailler. Elle volait aussi des quantités impressionnantes d’hydromorphone (Dilaudid) et de morphine, comme dans son emploi précédent.

Ce n’est qu’en lisant un article de La Presse du 1er mai 2017 concernant la récente condamnation que la patronne de Mme Boucher a appris que son infirmière avait été impliquée dans un vol massif de narcotiques dans son emploi précédent.

« J’étais flabbergastée », a expliqué la coordonnatrice des urgences, Annie Savard, à la syndique adjointe de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), selon des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.

« J’ai appelé à la pharmacie [de l’hôpital] pour faire sortir des relevés au nom de madame Boucher et nous avons constaté les nombreuses sorties de narcotiques. »

— Annie Savard, coordonnatrice des urgences à l’hôpital Pierre-Boucher, à la syndique adjointe de l’OIIQ, selon des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics

Après une analyse plus poussée, les autorités en sont arrivées à la conclusion qu’au total, « près de 500 » fioles avaient été volées dans une machine pourtant sécurisée, qui enregistre toute sortie de médicaments. « Plusieurs infirmières ont avoué avoir partagé leur code d’accès avec Mme Boucher », conclut un rapport d’enquête de l’administration de l’hôpital. Le même document qualifie d’« extrêmement inquiétantes » certaines des transactions de Mme Boucher.

Radiée 18 mois

L’infirmière dans la vingtaine avait été radiée pendant an pour sa razzia à l’hôpital Pierre-Le Gardeur : le conseil de discipline avait notamment tenu compte de ses explications voulant qu’une « personne de son entourage » l’ait forcée à commettre de tels vols.

Cette fois, dans une décision récemment rendue publique, le conseil de discipline de l’OIIQ l’a radiée pour 18 mois.

« Utiliser l’accès privilégié accordé aux infirmières et infirmiers pour l’exercice de leur profession afin de voler des narcotiques est de nature à miner la confiance du public envers la profession. »

— Extrait du jugement du conseil de discipline de l’OIIQ

« Le témoignage de l’intimée quant à l’absence de risque de récidive, bien que livré d’une façon sincère, ne suffit pas à convaincre le Conseil », considérant qu’elle avait fait les mêmes promesses avant de récidiver.

En réponse à une demande de commentaires, le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est, qui gère l’hôpital Pierre-Boucher, a fait parvenir une chronologie des événements à La Presse.

« L’infirmière travaillait à l’hôpital Pierre-Boucher via une agence privée (elle avait toujours son droit de pratique) », a souligné le conseiller Daniel Vincent. « Le 3 mai 2017 […], nous avons eu connaissance de ce verdict. » Melany Boucher a été retirée deux jours plus tard.

Dans son rapport d’enquête, l’organisation indique qu’elle a déjà pris des mesures de sécurité additionnelles : les codes fournis aux infirmières travaillant pour des agences de placement ne seront valides que pendant 24 heures et les chefs d’unité devront garder un œil sur les sorties de narcotiques de leurs équipes.

Ni Placement Premier Soin ni Mme Boucher et ses avocates n’ont rappelé La Presse.

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