D’un œil différent à l’Écomusée du fier monde

L’art pour se réadapter

La 14e présentation de l’exposition D’un œil différent, qui associe artistes professionnels et artistes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme, se déroule jusqu’au 24 mars à l’Écomusée du fier monde, à Montréal. Une activité sociale et artistique qui se révèle un bon outil de réadaptation et d’intégration, selon Geneviève Guilbault, cofondatrice de l’exposition. La Presse a rencontré quatre des 200 artistes de cette exposition organisée dans le cadre de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle.

JONATHAN LABELLE

Jonathan Labelle, 38 ans, fréquente l’organisme Compagnons de Montréal. Il peint depuis une douzaine d’années. « Cela me permet de m’exprimer, dit-il. J’ai un syndrome d’Asperger et un TDAH, et ça vient avec de l’anxiété. L’art ne l’enlève pas complètement, mais le fait de focuser, ça m’aide à sortir de ma tête. » L’artiste a choisi de montrer De tout même un ami, une acrylique de 14 po sur 17,5 po. « J’aime peindre ce qui me tente sur le moment, dit Citrate [le nom d’artiste qu’il s’est donné]. Quand j’ai pas le temps de m’arrêter avec mon calepin, je prends une photo et fais l’œuvre plus tard. Là, c’est une pharmacie Jean Coutu. Pour les couleurs, je fais en sorte qu’on reconnaisse le sujet. En même temps, j’ai un peu mon style au niveau des couleurs. »

DANIELLE MATTE

Âgée de 63 ans, Danielle Matte a peint récemment Assise dans un parc, un autoportrait en acrylique qui la représente sur un banc au Jardin botanique, près de sa résidence. Sa sœur, Manon, précise que cette peinture a été créée en atelier dans les locaux de la Gang à Rambrou, l’organisme où Danielle se rend tous les mercredis après-midi. Il s’agit d’un organisme communautaire qui offre des programmes artistiques afin de favoriser le développement, l’exercice des compétences et l’inclusion des participants. « Après qu’elle est allée se promener avec ma sœur Michèle, dit-elle. C’est ça qui l’a inspirée. » Danielle Matte ajoute que les activités de peinture lui font du bien. « De l’émotion, de la tristesse un peu, mon cœur est heureux [quand je peins] », ajoute-t-elle.

FRANCIS MARIN

Francis Marin est photographe. « Je travaille avec deux déficients intellectuels, Marie-Josée Brissette et Guillaume Lapierre, au sein du collectif Et les 3 autres, car on est toujours l’autre de quelqu’un, dit-il. On travaille ensemble depuis trois ans et on expose ensemble. » Francis Marin fait des photos, et ses deux partenaires en interprètent le contenu. « Pour montrer qu’on peut voir différemment une même chose », dit-il. Pour l’expo, Et les 3 autres a choisi trois œuvres inspirées de la Bibliothèque du Boisé, à Saint-Laurent. De la photo de reflets de verdure prise par Francis Marin, les deux autres artistes ont tiré des dessins éclatés et très inspirants. « On expose et on vend à trois, dit Francis Marin. La moitié de l’argent va à la Gang à Rambrou. L’autre moitié, on se la divise en trois ! »

EDON DESCOLLINES

Edon Descollines a peint La femme qui s’endort en s’envolant. « Je l’ai faite il y a trois semaines, dit l’artiste de 42 ans, qui fréquente l’école spécialisée John-F.-Kennedy. C’est une femme qui s’envole devant des superhéros qui se transforment. » L’artiste a toujours aimé dessiner. « Quand j’étais petit, si je demandais un morceau de papier de sucre, c’était pour dessiner. J’aime chanter aussi, en marchant, et quand je prends le métro. Et si vous me dites votre prénom, je peux faire un poème avec. » Et Edon Descollines de réciter d’un seul trait : « E comme enveloppant celui qui fait briller les étoiles, Rayonnant celui qui possède la sagesse, Intelligent celui qui voit la liberté et Cool, comme le bonheur sans fin. » 

L’exposition D’un œil différent est présentée à l’Écomusée du fier monde (2050, rue Amherst, à Montréal) jusqu’au 24 mars. Entrée libre.

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