Chronique

Les vieux et le vote ethnique

Il aura fallu attendre près de deux heures, mais ce débat organisé par l’association péquiste des étudiants de l’Université Laval, hier soir, a finalement donné aux militants quelque chose à se mettre sous la dent. Quelque chose, toutefois, qui aura un goût un peu rance pour bien des péquistes. Et qui fera le délice de leurs adversaires.

« On n’aura pas 25 ans pour faire l’indépendance. Avec la démographie et l’immigration, c’est certain qu’on perd un comté par année », a lancé le favori de la course à la direction du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau dans une envolée en toute fin de soirée.

Ce à quoi Alexandre Cloutier a répondu : « Pour moi, l’immigration n’a rien à voir là-dedans. Je rêve que tous les Québécois fassent l’indépendance. »

Du coup, c’est le retour du vote ethnique évoqué par Jacques Parizeau il y a près de 20 ans, le soir du référendum d’octobre 1995, dans une déclaration que le PQ porte encore aujourd’hui comme un boulet. M. Parizeau avait parlé d’« argent et de votes ethniques » pour expliquer la victoire extrêmement serrée du Non. Hier soir, en parlant aussi de démographie, Pierre Karl Péladeau a évoqué le spectre des vieux et du vote ethnique pour expliquer l’urgence, pour le PQ, de réaliser la souveraineté du Québec.

Le plus cocasse, c’est que personne n’a poussé M. Péladeau à faire cette déclaration, qui, sans aucun doute, survivra longtemps à ce débat par ailleurs aseptisé. Il l’a faite seul, à son dernier tour de parole, apparemment mis en verve par une bonne performance.

Contrairement au débat de mercredi dernier à Trois-Rivières, les quatre adversaires de PKP semblaient s’être donné le mot de ne pas l’affronter directement, ce qui a donné un débat (des échanges, en fait) d’une grande politesse. Peut-être que MM. Drainvile, Cloutier et Céré et Mme Ouellet ont compris, à la réaction de la foule à Trois-Rivières, qu’il n’est pas payant de prendre de front le meneur de la course. Peut-être qu’ils gardent leurs munitions pour les « vrais » débats organisés par le PQ. Peut-être, en fait, qu’ils estiment que Pierre Karl Péladeau peut très bien se planter seul et qu’il est inutile d’en rajouter.

M. Péladeau mène assurément cette course, mais il n’a pas particulièrement brillé dans les premiers débats ni lors de ses sorties publiques. La semaine dernière, à Trois-Rivières, les militants et ses adversaires s’entendaient pour dire qu’il refusait de répondre aux questions. Samedi, après son passage devant le groupe Force Jeunesse, à HEC Montréal, on lui reprochait surtout le vague de ses réponses et son faible degré de préparation. De nombreux militants, à Trois-Rivières comme à HEC, disaient être restés sur leur faim.

Le menu était certes plus substantiel hier soir à l’Université Laval (PKP s’est très bien tiré d’affaire dans tous les segments), mais la dernière envolée est venue sans contredit rejeter dans l’ombre le reste de la soirée.

La question des relations entre le mouvement souverainiste et les immigrants a toujours été compliquée. La déclaration de M. Péladeau n’adoucira rien. « Qui prend en charge les immigrés ? », a-t-il demandé, ajoutant que les nouveaux arrivants prêtent serment à la reine (britannique).

On entre ici dans le cœur du débat latent entre M. Péladeau et certains de ses adversaires, en particulier Alexandre Cloutier, qui prône un souverainisme d’ouverture.

On retiendra peu de choses de la substance du débat d’hier soir. C’est malheureux parce qu’il aura démontré encore une fois que ces cinq candidats sont aguerris, préparés, et même assez charismatiques.

Les vieux et le vote ethnique, par contre, de ça, on n’a pas fini de parler.

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