La Presse en France

Surenchère médiatique

Le bal a été lancé par la populaire émission On n’est pas couché animée par Laurent Ruquier, l’équivalent, en termes d’impact, de notre Tout le monde en parle dominical. Se sont succédé l’écrivain Michel Houellebecq, qui répondait au portrait « non autorisé » qu’a brossé de lui le quotidien Le Monde, puis le philosophe Michel Onfray, épinglé par Libération, qui l’accusait de jouer le jeu du Front national après une entrevue accordée au Figaro où il se questionnait sur le traitement médiatique des réfugiés. Ce qui n’a pas aidé a été le passage de Nadine Morano, du parti Les Républicains, qui, citant Charles de Gaulle, a parlé de la France comme d’un pays « judéo-chrétien de race blanche », ce qui lui a valu d’être évincée des élections régionales. Cette liste d’invités a fait réagir encore plus Libération qui a lancé un « Stop à la Réac Academy », dans son édition du 5 octobre, où on pouvait lire, en une, « Contre Zemmour, Finkielkraut, Onfray… Oui, on est bien-pensants, et alors ? ». Si bien que Laurent Ruquier a dû s’expliquer ! Ce fut ensuite Alain Finkie lkraut, qui vient de publier La seule exactitude, recueil de ses chroniques et qui défendra vaguement Nadine Morano, victime selon lui d’un lynchage médiatique.

— Chantal Guy, La Presse

La Presse en France

L’appel des 800

Coup de théâtre le mercredi 21 octobre. Libération publie en une « L’appel des 800 ». Artistes, écrivains, philosophes, notamment Christine Angot, Josiane Balasko, Sophie Calle, les frères Dardenne, Romain Duris, Jean-Luc Godard, Thomas Piketty et Edgar Morin, demandent la fin de « l’indignité » dans la « jungle de Calais », un camp de réfugiés du nord de la France où les conditions de vie sont déplorables.

Laurent Joffrin signe un éditorial où il affirme, dénonçant les « intellectuels de l’intolérance », qu’il « existe une autre France qui prend au sérieux ses propres principes. Il est temps de l’entendre ».

En entrevue, le cinéaste Nicolas Philibert confirme une exaspération grandissante : « Il y a un sentiment collectif de ras-le-bol face au mutisme des politiques et à la montée d’une pensée réactionnaire disséminée par une demi-douzaine d’intellectuels médiatiques. »

« Les discours réactionnaires ou fascisants ne cessent depuis des années de diviser les gens, d’opposer des catégories toujours plus fragmentées, pour mieux propager leur idéologie haineuse, peut-on lire dans cet appel collectif. Aujourd’hui, leur propagande avance l’argument qu’il n’y aurait plus de place pour les exilés d’où qu’ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des Français. Cette mise en concurrence des indigences est ignoble. Elle nous habitue à l’idée qu’il y aurait des misères défendables et d’autres non. Elle sape les fondements des valeurs constitutives de la France. Elle nie notre humanité commune. » Ce coup de gueule en commun a obligé le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, à se déplacer à Calais, promettant 1500 places dans le camp.

L’appel de Calais est une pétition en ligne et, à ce jour, elle a recueilli plus de 34 000 signatures.

En entrevue à BFM-TV, Alain Finkielkraut a annoncé qu’il ne signerait pas « L’appel de Calais ». « Je comprends leur motivation, mais je crois que c’est la tendance de certains intellectuels et artistes de s’installer dans le confort de la morale de conviction. L’Europe ne peut pas être le seul continent accueillant de la planète. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.