Chronique

Il était une fois… Radio-Canada

Signe des temps ? D’ici quelques jours, quatre ouvrages tournant autour des journalistes et des émissions de Radio-Canada se retrouveront en librairie. Cinq avec l'autobiographie de Jacques Languirand. Pour une seule saison, c’est énorme.

J’imagine que personne ne s’est donné le mot, qu’il s’agit d’un hasard, encore que…

Sur les quatre livres, deux seront en quelque sorte à la gloire de notre télé publique. Le premier, Dans les coulisses d’Enquête, écrit par Pierre Cayouette et Marc-André Sabourin, nous entraîne, comme son titre l’indique, dans les coulisses de l’émission qui a fait trembler le monde de la construction.

En remontant le fil des événements et en racontant la genèse des enquêtes qui ont abouti à la commission Charbonneau, qu’on le veuille ou non, le livre redore l’image ternie de Radio-Canada. D’autant plus qu’en avant-propos, Alain Gravel fait l’apologie de ses patrons et de la télé qui l’emploie en écrivant : « La structure de Radio-Canada, sa tradition d’excellence en information et ses exigences professionnelles nous ont permis de traverser la tempête et de devenir un modèle en matière de journalisme d’enquête. »

Pour la critique de Radio-Canada, il faudra repasser. Idem avec L’envers du décor, signé par Carole-Andrée Laniel, chef recherchiste de Tout le monde en parle et qui nous fait revivre la décennie de succès de l’émission phare du dimanche soir. Encore une fois, Radio-Canada en sort grandie.

Tout cela pour dire que ces deux ouvrages offrant une image enviable de la télé publique feront sans doute très plaisir au président Hubert Lacroix. Deux autres livres font toutefois contrepoids et offrent une image nettement moins idyllique de la télé publique, surtout celle d’aujourd’hui, plombée par des compressions à n’en plus finir.

Le plus critique des deux est à coup sûr Ici était Radio-Canada, écrit par l’ex-directeur de l’information Alain Saulnier, congédié par la direction actuelle de manière brutale et arbitraire. Il sera lancé le 3 novembre. Saulnier y relate l’histoire de la télé publique de sa construction à sa déconstruction. Autrement dit, de période de gloire jusqu’à sa déconfiture.

On imagine mal qu’Alain Saulnier soit invité sur le plateau de Tout le monde en parle comme ce fut le cas la semaine dernière pour Jean-François Lépine. Et pour cause !

Lépine n’y est pas allé de main morte en déclarant sans ambages qu’il n’avait aucune confiance dans la direction actuelle ni dans le conseil d’administration constitué en majorité de conservateurs.

Lépine poursuit le raisonnement dans son livre Sur la ligne de feu.

Il y déplore avec amertume qu’Une heure sur terre, citée en exemple par le président, ait été « jetée comme un déchet aux poubelles par une direction sans vision ».

Il raconte aussi comment, après le départ de Sylvain Lafrance en 2011, il a posé sa candidature à la vice-présidence des services français, encouragé par le président Hubert Lacroix lui-même qui disait être à la recherche de sang neuf.

Après avoir contacté la firme de chasseurs de têtes Egon Zehnder, Lépine s’est préparé tout l’été, avant de se faire dire, le jour de sa présentation, qu’il n’aurait pas besoin de passer devant un comité de sélection puisque c’est Hubert Lacroix lui-même qui choisissait les candidats. Un mois plus tard, le président appelait Lépine pour l’informer qu’en fin de compte, sa quête de sang neuf l’avait incité à recruter à l’extérieur de la boîte.

Or, quelques mois plus tard, Lacroix nommait Louis Lalande, un homme de l’intérieur qui avait déjà été écarté de la direction de l’information. « Celui qui voulait à tout prix apporter du sang neuf dans la bureaucratie radio-canadienne nommait ainsi, malgré ses promesses, un des personnages qui en incarnaient le plus la paralysie », écrit Jean-François Lépine.

L’ex-correspondant dénonce aussi l’argent dépensé en pure perte pour remplacer le nom de Radio-Canada par le mot ICI alors que le réseau anglais a été épargné par cette absurde mesure. Lépine conclut qu’il n’y aura pas de révolution à Radio-Canada, mais une décroissance gérée par un président et un C.A. qui ont renoncé à se battre.

Sachant que Lépine collabore encore à l’occasion avec Radio-Canada, je me suis demandé pourquoi il accablait à ce point la SRC. Exagération ? Provocation ? Opportunisme ? J’ai eu ma réponse en apprenant qu’une nouvelle vague de compressions entraînant l’abolition de 400 postes va bientôt s’abattre sur la télé publique. Dans ce contexte délétère, Lépine ne provoque et ne fabule pas. Il prend la parole comme quelqu’un qui n’a plus rien à perdre.

ON EN A BEAUCOUP PARLÉ

De terrorisme, de djihadisme et de radicalisation en n’insistant pas assez sur le fait que la maladie mentale a tendance à se draper dans le manteau idéologique du moment. Si Marc Lépine ou Denis Lortie passaient à l’acte aujourd’hui, ils risqueraient fort de le faire au nom d’Allah. Terroristes, peut-être. Fous, sans aucun doute.

ON N’EN A PAS ASSEZ PARLÉ

Du rôle des parents dans la fabrication d’un tireur fou. Le rapport du groupe de travail De Coster sur la tuerie de Poly dressait la liste des conditions qui avaient contribué au passage à l’acte de Lépine : divorce de ses parents, violence du père, manque de disponibilité affective de la mère. En lisant que Susan Bibeau, la mère du meurtrier d’Ottawa, refuse de pleurer un fils à qui elle n’avait pas parlé depuis cinq ans, j’ai eu un désagréable sentiment de déjà vu.

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