Éditorial François Cardinal

Le grand mirage

C’était à s’y méprendre. Si on fermait les yeux en écoutant la conférence de presse de Jean-François Lisée, hier, on avait l’impression d’entendre l’ancien ministre responsable de Montréal.

Il parlait avec la même conviction qu’en 2013, avec la même persuasion… et en présentant à peu près les mêmes projets que voulait la région à l’époque !

Comme si la métropole était figée dans le temps et que rien ne s’était passé en cinq ans.

Comme si le Grand Montréal était encore coincé à l’étape des plans sans priorité et des listes sans fin de projets qui l’empêchaient d’agir.

Comme si l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) n’avait pas été créée pour planifier et dépolitiser les transports en commun.

Or heureusement, elle est derrière nous l’époque d’immobilisme des années 2010, lorsque les maires de la région voulaient tout faire en même temps, et donc, ne faisaient rien.

La preuve est cette première pelletée de terre du Réseau express métropolitain de la Caisse de dépôt, attendue dans quelques semaines à peine, après que des dizaines de millions eurent été investis en études, en embauches et en consultants.

On peut bien avoir des réserves sur tel ou tel aspect du REM, on peut bien mettre en doute tous les chiffres de la Caisse sans étude ni vérification, mais il n’en reste pas moins que le train a quitté la gare. On peut encore améliorer le projet, mais il serait totalement irresponsable de l’arrêter.

L’« urgence d’agir » dont a parlé hier le chef du PQ est en effet bien réelle. Surtout quand on sait que le dernier investissement en transports en commun lourds dans l’île de Montréal remonte à… 1988.

Raison de plus, donc, pour se méfier de la pensée magique du Grand Déblocage : un plan qui promet 175 nouvelles stations de toutes sortes sur 200 kilomètres… en sept ans à peine. Malgré la « vérification diligente » qu’on dit nécessaire. Les 21 études de faisabilité à produire. Le BAPE générique à tenir. Et les négociations à entamer avec l’ARTM, Ottawa, le CN, le CP et tous les maires de la région.

Petit rappel : pour implanter sur Pie-IX un simple autobus rapide sur une voie réservée déjà existante, il aura fallu… 13 ans !

Et là, on tente de nous faire croire qu’on pourrait facilement implanter six autres SRB d’ici 2025… en plus de ramener le tramway, de bonifier le train de banlieue et d’amener le train aussi loin qu’à Joliette et Saint-Hyacinthe !

Un monorail Québec-Montréal avec ça ?

Et passons sur les contradictions de ce plan, si nombreuses qu’on en perçoit le jupon électoraliste. Pensons seulement au fait que le plan de Jean-François Lisée répond, selon ce dernier, à l’étalement urbain qu’engendrerait le REM… avec des trains qui se rendent à Châteauguay et à Saint-Hyacinthe en passant par Saint-Jean.

Ce n’est pas un grand déblocage que propose le PQ, mais un grand mirage, une fuite en avant comme on en privilégiait ces dernières années, alors qu’on remplaçait simplement des plans par d’autres plans, toujours plus ambitieux.

Il y a certes des idées intéressantes qui mériteraient d’être analysées dans le document de Jean-François Lisée. Mais absolument rien qui mérite qu’on gaspille des centaines de millions de dollars en ordonnant au train de la Caisse de faire marche arrière.

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Le Grand Déblocage en bref

175 nouvelles stations sur 200 kilomètres.

Des tramways à Montréal et sur la Rive-Sud.

Des voies réservées pour bus rapides à Laval, dans la couronne nord, et sur la Rive-Sud, de Sainte-Julie à Châteauguay.

Des trains de banlieue vers Joliette, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, le Suroît.

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