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L’ a b c du hygge

Comment se fait-il que les Danois se classent année après année parmi les plus heureux du monde ? Qu’y a-t-il de particulier dans ce petit pays à la météo objectivement « horrible », où les habitants sont par ailleurs parmi ceux qui paient le plus de taxes au monde ? Surtout, que peut-on apprendre de leur mode de vie ? Un nouveau livre fait le point.

Le livre du hygge, publié chez First Editions, n’est pas un énième livre de psychopop sur le bonheur. C’est plutôt une démonstration scientifique de ce qui rend les Danois si satisfaits de leur vie. Un livre qui s’appuie sur une foule d’études internationales, sur des exemples concrets et qui propose, images à l’appui, une foule de recettes typiquement danoises pour, qui sait, inspirer un brin le lecteur. Parce que, mine de rien, ce mode de vie est loin d’être compliqué. Pourquoi se priver ?

L’auteur de ce très joli livre, Meik Wiking, président de l’Institut de recherche sur le bonheur à Copenhague (ça ne s’invente pas), était de passage à Montréal cette semaine. Discussion sur le bonheur en cinq temps.

1 Trois facteurs clés

Trois facteurs déterminent le bonheur : la génétique (c’est prouvé : nous sommes nés avec une plus ou moins grande disposition au bonheur), les politiques nationales (selon les pays, les politiques sociales, la conciliation famille-travail, la sécurité sociale ont un impact sur notre bonheur individuel et collectif) et les choix de vie (le facteur sur lequel on a le plus d’emprise, en choisissant avec qui on passe nos temps libres, ce qu’on en fait, etc.). On ne peut rien changer à notre génétique. Côté politiques sociales, la plupart des pays nordiques ont des politiques semblables qui favorisent la qualité de la vie. D’où la question : pourquoi les Danois sont-ils plus heureux que les Suédois ou les Finlandais ? « C’est ici que nous nous sommes mis à creuser le hygge », explique Meik Wiking.

2 Hyggequoi ?

Le hygge (prononcer « hu-ga ») est un mode de vie. Ou plutôt : un art de vivre. Le mot, qui n’a d’équivalent dans aucune autre langue (koselig en Norvège, hominess au Canada, gemütlichkeit en Allemagne n’englobent pas toutes les dimensions du hygge danois), pourrait se résumer ainsi : « Le hygge, c’est la poursuite du bonheur au quotidien, à petite échelle, explique Meik Wiking. On parle ici de moments qui riment avec confort, expérience positive, atmosphère, relaxation, bonheur ensemble. » Pensez ici à : un après-midi sous la couette à regarder un bon film en famille, par une journée de pluie, un souper entre amis à la bonne franquette, à la lueur d’une (ou deux, ou trois) bougie. 

3 Bonheur et hygge

Le rapport entre le bonheur et le hygge ? Une foule de facteurs peuvent nous rendre plus ou moins heureux, explique le chercheur. Le travail, la famille, le mariage influent sur notre bonheur. Mais ce que la recherche démontre, c’est que ce qui influence (et de loin) le plus notre bonheur, ce sont nos émotions positives au quotidien. « Plus encore que l’absence d’émotions négatives. » La nuance est de taille : ce n’est pas le fait de ne pas vivre de tristesse qui rend heureux, mais plutôt le fait de vivre de bons moments souvent, à petites doses. 

4 Argent et hygge

Et l’argent dans tout ça ? « Bien sûr, manquer d’argent est une source de malheur, concède le chercheur. Mais une augmentation de 100 $ par mois n’augmentera pas votre bonheur si, par ailleurs vous continuez d’être coincé quotidiennement deux heures dans les bouchons… » À noter, le hygge n’est d’ailleurs pas un luxe. « Le hygge, ce n’est pas des huîtres et du champagne », souligne Meik Wiking. C’est au contraire une « atmosphère ». Un souper entre amis à la bougie (encore !) après une journée de ski. « Les Danois sont obsédés par la lumière : les bougies, les feux de foyer, qui procurent une lumière plus diffuse et qui rendent les gens plus relax. » Ce sont d’ailleurs parmi les plus grands consommateurs de bougies d’Europe (6 kg de cire par an, par habitant) et les plus grands adeptes de feux de foyer (un habitant sur trois a une cheminée !).

5 Moment présent et hygge

Le hygge, finalement, c’est être avec des êtres chers, à profiter du moment présent. « C’est faire avec ce qu’on a ! », résume l’auteur, tout simplement. Le concept est souvent comparé à la philosophie du Mindfulness (très à la mode), mais Meik Wiking précise qu’ici, il s’agit d’un mode de vie inscrit dans la culture. Pas une mode passagère, quoi. Et à plusieurs égards, c’est aussi un mode de vie paresseux, lent, à contre-courant. 

Le hygge, c’est : 

Un bon mijoté en famille, une pâtisserie, des bonbons (les Danois sont au deuxième rang des mangeurs de bonbons au monde !), du pop-corn partagé en famille. C’est un pull de laine, une paire de chaussettes chaudes, un jeu de société dans un environnement chaleureux et rustique. C’est être entouré de ceux qu’on aime, à boire un café tranquille. C’est prendre son temps et être reconnaissant.

Le hygge, ce n’est pas : 

Du fast-food, un bol de carottes crues, un jeu d’ordinateur. Ce n’est pas un tailleur ni des talons aiguilles. « Plus il y a de bling-bling, moins il y a de hygge », écrit l’auteur.

Le livre du hygge

Meik Wiking

First Editions, 2016

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