Les mémoires de Michelle Obama

Le racisme en arrière-plan

Le ton est aussi direct que dans ses discours. Plus encore, puisqu’elle n’a plus à marcher sur des œufs.

Dans Devenir, ses mémoires lancés hier, Michelle Obama parle sans détour des hauts et des bas de ses huit années à la Maison-Blanche, de sa rencontre avec celui qui allait l’y emmener, des tensions de leur couple, de ses propres insécurités, et des grandes et petites mesquineries qui sont le propre de la vie politique.

Une vie avec laquelle elle n’a pas la moindre intention de renouer, assure-t-elle à l’intention de ceux qui espèrent qu’elle se lancera à son tour dans la course présidentielle. Il n’en est pas question, un point c’est tout, tranche Michelle Obama.

Mais s’il y a un fil qui relie les 450 pages de ce livre, publié simultanément en anglais et en français, c’est bien celui de la discrimination raciale. Michelle Obama l’évoque par petites touches, sans trop s’appesantir sur le sujet.

Mais on devine que c’est bien à la couleur de sa peau que pensait la conseillère en orientation qui lui avait dit qu’elle « n’avait pas le profil pour entrer à Princeton », prestigieuse université où Michelle Obama finira néanmoins par étudier le droit. Une fois admise au sein de cet établissement majoritairement blanc et masculin, elle pose un constat.

« Ça pompe de l’énergie d’être le seul Noir dans une salle de cours ou l’un des rares non-Blancs à passer une audition pour une pièce ou à être admis dans une équipe de sport. »

— Michelle Obama

Elle finira par comprendre que si sa coloc a quitté sa chambre de la résidence universitaire, c’était parce que sa mère n’acceptait pas qu’elle cohabite avec une Noire.

Des préjugés tenaces

Cette fille d’un ouvrier municipal de Chicago atteint de sclérose en plaques a réussi à faire mentir les préjugés en gravissant l’échelle scolaire et sociale à force de travail acharné. Mais les stéréotypes et préjugés reliés à l’image de la femme noire la rattrapent dès qu’elle se retrouve sous les projecteurs des médias, lors de la campagne présidentielle de 2008.

Dès son entrée dans la vie publique, elle fait face aux critiques qui la décrivent comme une « femme noire en colère ».

« J’ai eu envie de demander à mes détracteurs à quel élément de cette formule ils accordaient le plus de poids : “en colère”, “noire” ou “femme” ? », écrit-elle dans la préface du livre.

À un moment de la campagne qui allait conduire le couple Obama à la Maison-Blanche, une déclaration de la future première dame est reprise en boucle à la télé. Elle y dit que pour la première fois de sa vie d’adulte, elle est « fière de son pays ».

L’extrait de discours est tiré de son contexte, assure-t-elle. Il n’en sème pas moins une « graine pernicieuse » : Michelle Obama apparaît dès lors comme un élément étranger, une figure « vaguement menaçante qui n’avait pas l’élégance qu’on pouvait attendre d’une première dame ».

Attaque sournoise

La palme de l’attaque sournoisement raciste va aux faiseurs d’opinion conservateurs qui ont ressorti sa thèse de maîtrise sur la perception de la race et de l’identité chez les diplômés afro-américains, pour la présenter comme s’il s’agissait d’un « manifeste secret des Black Power », et une preuve de son radicalisme politique.

« J’avais si souvent été moquée, menacée et rabaissée pour être noire, femme et franche », écrit-elle encore, en rappelant les commentaires sur son apparence physique, sa carrure, ses bras, ses fesses.

Attention : Devenir n’est pas une complainte sur le racisme en Amérique. Ce thème se profile en arrière-plan, à travers quelques anecdotes disséminées ici et là.

Michelle Obama boucle la boucle vers la fin du livre, en racontant comment les violences policières qui ont coûté la vie à plusieurs Noirs vers la fin de la présidence Obama montrent que, contrairement à ce qu’on a pu croire en 2008, l’élection d’un premier président noir n’a pas fait entrer les États-Unis dans l’ère post-raciale.

Des Blancs et des hommes

Une réalité qui éclate en pleine lumière le jour de la prestation de serment de Donald Trump.

En scrutant les visages des 300 personnes assises à la tribune d’honneur en ce jour de janvier 2016, elle est frappée de constater à quel point l’assistance est dominée « par des Blancs et par des hommes ».

Exit la diversité des deux prestations de serment de Barack Obama, bienvenue l’uniformité.

« En réalisant cela, j’ai opéré un ajustement : j’ai réglé la focale sur l’image que j’avais sous les yeux, et j’ai cessé de me forcer à sourire. »

— Michelle Obama

Michelle Obama parle peu de celui qui a opéré ce retour au règne de l’uniformité raciale. Elle ne cite Donald Trump que pour évoquer la rage qu’elle a ressentie après le fameux épisode de l’enregistrement où le candidat républicain se vantait de pouvoir agresser des femmes en toute impunité. « Les femmes subissent ce type de vexations tout au long de leur vie – sous forme de sifflets, de pelotages, d’agressions, d’oppression », dénonce-t-elle. Son sentiment de révolte lui avait inspiré un de ses discours les plus puissants de la campagne électorale de 2016.

Ascension, image et compromis

Dans Devenir, Michelle Obama raconte le parcours d’une fillette née dans une famille modeste du South Side de Chicago, une enfant qui avait l’habitude de tenir une clé serrée au creux de son poing, au cas où elle devrait se défendre contre une agression. C’est aussi l’histoire d’une jeune femme ambitieuse, à qui ses cousines demandaient pourquoi elle parlait « comme une Blanche ».

Elle y raconte ouvertement, et avec une grande tendresse, comment elle a fini par vaincre les résistances de Barack Obama à l’idée du mariage, leurs difficultés à concevoir leur premier enfant, ses propres difficultés à réconcilier son rôle de mère, de professionnelle et de première dame – et tout le poids de l’image et de compromis qui vient avec cette fonction.

Mais ce livre permet aussi de refaire le chemin d’un pays qui a cru juguler les démons du racisme avant de rétropédaler abruptement, sous la présidence de Donald Trump.

Floride

Trump appelle les démocrates à concéder la victoire

Fort Lauderdale — Le président Donald Trump a encore critiqué le dépouillement de l’élection sénatoriale en Floride, hier, appelant le sénateur démocrate à admettre qu’il a perdu, et il a de nouveau laissé entendre, sans fournir de preuves, que les responsables des élections de deux comtés tentaient de voler la victoire aux républicains.

M. Trump a demandé sur Twitter hier matin : « Quand Bill Nelson admettra-t-il sa défaite en Floride ? »

Il a dit avec ironie que les responsables électoraux des comtés de Broward et de Palm Beach ne parviendraient pas à « trouver » assez de votes.

Le démocrate sortant Bill Nelson semble être en train de perdre son élection dans une course serrée contre le gouverneur sortant de l’État, Rick Scott, qui a aussi propagé des allégations de fraude électorale.

Tant le département des élections que le département responsable de l’application de la loi en Floride – tous deux dirigés par des républicains – disent n’avoir aucune preuve de fraude électorale dans l’ensemble de l’État. Un juge du comté de Broward a mis au défi quiconque aurait des preuves de les présenter aux autorités.

Mais il y a eu des problèmes. Le comté de Palm Beach a averti qu’il n’aurait pas terminé le deuxième dépouillement d’ici l’échéance de demain. Et dans le comté de Broward, dont les pratiques ont été vertement critiquées, des shérifs additionnels ont été envoyés pour surveiller les bulletins de vote et les machines de vote, afin de rassurer sur le processus.

La Maison-Blanche optimiste

Une porte-parole de la Maison-Blanche, Mercedes Schlapp, a déclaré hier que le président « avait évidemment son opinion » sur le dépouillement.

Lundi, le président avait écrit qu’un « dépouillement de votes honnête n’était plus possible en Floride », sans donner plus de détails. M. Trump a poursuivi en affirmant que « de nouveaux bulletins de vote étaient arrivés de nulle part et que de nombreux bulletins de vote manquaient ou étaient contrefaits ». Difficile de savoir à quoi il faisait référence.

Il a réclamé que les résultats du soir des élections mardi dernier – qui étaient incomplets – soient utilisés pour déterminer le gagnant.

« Ça a été incroyablement frustrant à regarder. On a un écart de 12 000 votes et l’autre candidat refuse d’admettre sa défaite. »

— Mercedes Schlapp, une porte-parole de la Maison-Blanche

« Alors je crois qu’à ce point-ci, on se rendra à l’étape du dépouillement manuel et au dépouillement par la machine et nous verrons ce qui arrive, mais nous sommes optimistes à l’idée que Rick Scott soit le prochain sénateur de la Floride. »

La loi de l’État exige qu’une machine effectue un deuxième dépouillement lorsque l’écart est de moins de 0,5 point de pourcentage entre deux candidats. Dans la course au Sénat, Rick Scott menait sur le démocrate par 0,14 point de pourcentage. Pour la course au poste de gouverneur, des résultats préliminaires indiquaient que l’ancien représentant républicain Ron DeSantis était en avance de 0,41 point de pourcentage sur le démocrate Andrew Gillum.

Une fois que le deuxième dépouillement sera terminé, si la différence entre les deux est de 0,25 point de pourcentage ou moins, un dénombrement à la main sera ordonné. Les 67 comtés ont jusqu’à demain pour terminer leurs dépouillements.

« Baissez le ton »

Le juge de circuit du comté de Broward Jack Tuter a tenu une audience d’urgence, lundi, pour entendre une requête des avocats du gouverneur sortant républicain Rick Scott. Ils ont demandé d’envoyer plus de shérifs au bureau électoral pour surveiller le dépouillement.

Les républicains s’en prennent surtout à la responsable des élections du comté, Brenda Snipes, une démocrate qui avait été nommée en 2003 par le gouverneur républicain de l’époque, Jeb Bush. Elle a été réélue quatre fois.

Les avocats de M. Scott ont allégué en cour que Mme Snipes adoptait des pratiques « suspectes et illégales » dans son décompte des votes et ont soulevé la possibilité qu’elle puisse « détruire des preuves d’erreurs, d’accidents ou de conduite illégale ».

Le juge a rétorqué qu’il ne disposait d’aucune preuve de méfait.

« En raison de la nature hautement publique de cette affaire, je vous presse de baisser le ton », a déclaré le juge Tuter.

« Si quelqu’un dans cette poursuite ou quelqu’un dans ce comté a une preuve de fraude électorale, d’irrégularités, il devrait le dire aux policiers locaux », a-t-il ajouté.

« Si les avocats sont au courant, ils devraient faire une déclaration sous serment, mais tout ce que les avocats disent ici, devant le bureau des élections, est diffusé partout au pays. Nous devons faire attention à ce que nous disons. Les mots sont importants de nos jours. »

Administration Trump

Melania Trump demande à son mari de limoger un cadre

La première dame des États-Unis Melania Trump a demandé hier le limogeage d’une proche collaboratrice de John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, nouvelle illustration selon la presse des luttes internes à la Maison-Blanche. « La position du service de la première dame est qu’elle ne mérite plus l’honneur de travailler à la Maison-Blanche », a indiqué dans un communiqué la porte-parole de Mme Trump, Stephanie Grisham, à propos de Mira Ricardel, numéro deux du Conseil de sécurité nationale. La présidence a pour sa part démenti le limogeage de Mme Ricardel, cible de critiques de la part des collaborateurs de Melania Trump depuis son voyage en Afrique, début octobre, selon la presse. Pour le quotidien The Wall Street Journal, citant des sources ayant eu connaissance du problème, celui-ci concernait notamment « le placement dans l’avion et des demandes d’utilisation des ressources du Conseil de sécurité nationale ». L’équipe de Mme Trump soupçonne également Mme Ricardel d’être à l’origine d’« histoires négatives » sur la première dame et ses collaborateurs.

— Agence France-Presse

Accréditation retirée

La chaîne CNN attaque la Maison-Blanche en justice

La chaîne CNN a attaqué hier en justice l’administration Trump pour avoir supprimé l’accréditation d’un de ses journalistes après un échange houleux avec le président, la Maison-Blanche criant de son côté à la « démagogie ». « CNN a assigné l’administration Trump en justice devant un tribunal fédéral de Washington », a annoncé une des journalistes de la chaîne. « Elle demande le rétablissement de l’accréditation de son correspondant en chef à la Maison-Blanche Jim Acosta », a-t-elle indiqué. « Il est très clair que la décision [de retirer l’accréditation] a été prise sur la base du contenu de sa couverture » et porte atteinte au premier amendement sur la liberté d’expression, a déclaré en direct Ted Boutrous, l’avocat de CNN. Donald Trump « a plusieurs fois attaqué et défié CNN et M. Acosta », a-t-il ajouté. « On ne peut pas accepter que la Maison-Blanche jette les gens dehors juste parce qu’elle n’aime pas ce qu’ils couvrent. » « C’est encore de la démagogie de la part de CNN, et nous allons nous défendre vigoureusement », a répliqué la porte-parole de la Maison-Blanche Sarah Sanders dans un communiqué, en soulignant que CNN détenait au total près de 50 accréditations.

— Agence France-Presse

Ministère de la Justice

La nomination de Whitaker contestée devant un juge

Le ministre américain de la Justice par intérim Matthew Whitaker, déjà critiqué pour ses propos sur la délicate enquête russe, voit désormais son autorité contestée devant un juge fédéral, saisi hier par l’État du Maryland. La légalité de sa nomination est contestée sur la base de l’article 2 de la Constitution américaine, qui impose aux membres du gouvernement d’avoir reçu le feu vert du Sénat. La Maison-Blanche a considéré que ce n’était pas nécessaire puisque Matthew Whitaker, un avocat républicain de 49 ans, a été nommé à titre temporaire après la démission forcée la semaine dernière de Jeff Sessions, dont il était jusque-là le directeur de cabinet. Pour le Maryland, l’intérim devrait être assuré par le numéro 2 du ministère Rod Rosenstein qui, lui, a reçu l’aval du Sénat avant de prendre ses fonctions. « La nomination de Whitaker est illégale », Rod Rosenstein est « le bon successeur » de Jeff Sessions, selon une copie du recours. Cette action s’inscrit dans une procédure ancienne intentée par cet État proche de Washington contre le gouvernement fédéral et portant sur l’assurance santé. Le Maryland veut désormais que le juge interdise à Matthew Whitaker de répondre au nom du ministère de la Justice.

— Agence France-Presse

Cour suprême

La carte électorale de la Virginie à l’étude

La Cour suprême des États-Unis a décidé hier de se saisir d’un dossier de découpage de circonscriptions électorales sur des critères ethniques, qui pourrait servir de test politique pour les nouveaux juges nommés par Donald Trump. La plus haute juridiction américaine se penchera pour la seconde fois sur la carte électorale de l’État de Virginie, accusée de concentrer les électeurs noirs dans 11 circonscriptions pour faire baisser leur poids dans celles avoisinantes. En mars 2017, la Cour suprême avait ordonné à un tribunal, qui avait validé ce tracé, de reconsidérer sa décision. Lors d’un nouveau procès, des juges fédéraux ont depuis estimé que les Noirs étaient bien surreprésentés dans ces circonscriptions et ont demandé que la carte soit redessinée. Les parlementaires républicains de Virginie ont alors introduit un nouveau recours auprès de la haute cour, qui a accepté hier de s’en saisir et entendra leurs arguments d’ici quelques mois. Les positions des magistrats conservateurs Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh seront particulièrement suivies.

— Agence France-Presse

Centenaire de l’Armistice

Trump critique Macron après sa visite à Paris

À peine rentré de Paris, où il a célébré la paix avec les autres dirigeants du monde, Donald Trump s’est vivement attaqué hier à la France et à Emmanuel Macron, dont il a raillé la « très faible cote de popularité ». Dans une série de tweets matinaux particulièrement énervés, le président des États-Unis est revenu sur la proposition de son homologue français de créer une armée européenne, déjà jugée « très insultante » lors de son atterrissage en France au début du week-end de commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. « Emmanuel Macron a suggéré la création de leur propre armée pour protéger l’Europe contre les États-Unis, la Chine et la Russie. Mais c’était l’Allemagne dans la Première et la Seconde Guerre mondiale », a-t-il écrit sur Twitter. Les Français « commençaient à apprendre l’allemand à Paris avant que les États-Unis n’arrivent », a-t-il ironisé, dans une référence très peu diplomatique à l’occupation par l’Allemagne nazie à partir de 1940 jusqu’à la Libération par les Alliés, encore vécue comme un traumatisme dans l’Hexagone. — Agence France-Presse

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