Cyclisme sur piste

Hugo Barrette n’est pas un surhomme

Le cycliste sur piste québécois revient sur les lieux où il a frôlé la mort il y a 15 mois. Avec beaucoup d’appréhension.

Un mois après s’être brisé les os en piste, le 27 octobre 2015, le cycliste Hugo Barrette est remonté en selle. Quelques semaines plus tard, il a réalisé l’impossible en grimpant sur le podium à une Coupe du monde, se qualifiant ainsi pour les Jeux olympiques de Rio. Comme si de rien n’était.

Contrairement aux apparences, Hugo Barrette n’est pas un surhomme. Il n’a pas maté tous ses démons. La semaine prochaine, il aura l’occasion de le faire alors qu’il retournera pour la première fois sur la piste de Cali, en Colombie, l’endroit où tout a failli s’arrêter pour lui.

À quelques jours du départ, les appréhensions sont bien réelles. « Beaucoup plus que les gens pensent », a souligné Barrette, joint la semaine dernière à Milton, en Ontario, où il poursuit son entraînement au centre national. 

« Ç’a été un moment marquant et ça me prend [ce retour] pour tourner la page. Il y a des inquiétudes et ça va être stressant. C’est un peu comme un défi que je me lance. »

— Hugo Barrette

Le natif des Îles-de-la-Madeleine s’est fait proposer de repousser son retour à la compétition une semaine plus tard à la Coupe du monde de Los Angeles. Mais dès le dévoilement du calendrier l’an dernier, il tenait à se présenter à l’étape de Cali, du 17 au 19 février.

D’abord, il a un compte à régler avec cette piste et ses courbes un peu perfides. À son dernier passage là-bas, il s’est fait surprendre par les virages serrés au premier jour d’entraînement, chutant dès son premier 100 m lancé. Propulsé à quelque 70 km/h, il a défoncé une balustrade en acier avant d’atterrir dans la première rangée des gradins en béton, à demi conscient. Fracture de deux vertèbres et du nez, lacérations, traumatisme crânien : le bilan aurait pu être beaucoup plus grave.

Barrette s’attend à avoir des « papillons dans le ventre » quand viendra le temps d’effectuer son premier 100 m lancé. « Je vais prendre le temps qu’il faudra. Si ça prend deux jours, ça prendra deux jours. Si ça doit attendre la veille de la course, ce sera ça. Je ne pense qu’il va y avoir de problèmes. Mais c’est certain qu’à ce premier effort, je n’irai pas à 100 %. »

Le triple médaillé des Jeux panaméricains s’est donné une autre mission pour ce retour en Colombie : visiter l’hôpital où il a passé 13 jours pour revoir le personnel qui l’a soigné.

« Je ne sais pas si les gens du Québec et du Canada savent à quel point ils m’ont aidé là-bas. La plupart des Sud-Américains sont d’une générosité incroyable. Quand ils voient des gens dans le besoin, ils se lancent sur toi pour t’aider. Je ne me suis jamais senti délaissé. C’est pourquoi je veux remercier tout le monde. »

Déception olympique

La Coupe du monde de Cali, troisième et avant-dernière étape de la saison, constituera la première compétition d’importance pour Barrette depuis sa 13e place au keirin aux Jeux olympiques de Rio. Le pistard n’a pas encore fait la paix avec cette prestation qu’il juge décevante.

« J’ai vécu un gros, gros down après, a raconté l’athlète de 25 ans. Ça n’a pas été des Jeux comme j’avais envisagé. J’étais dans la forme dans ma vie – les tests étaient là pour le prouver – mais c’est comme si mon cerveau m’avait dit : tu en as assez donné. Je n’avais pas ce désir absolu de gagner. Dans les épreuves de vitesse, c’est un peu comme à la boxe : si tu n’es pas prêt à gagner quand tu arrives sur la ligne, peu importe combien vite tu vas, tu ne gagneras pas. »

À la suggestion insistante de son entraîneur Erin Hartwell, Barrette a pris une pause de deux mois à l’automne. « Depuis que je suis parti des Îles à 16 ans, je ne m’étais jamais arrêté... »

Les Coupes du monde de Cali et de Los Angeles doivent lui permettre de retrouver sa pleine vitesse en prévision des Championnats du monde de Hong Kong (12-16 avril), sur la même piste où il a terminé deuxième, il y a un an. Barrette tournera ensuite son attention vers les Jeux du Commonwealth de Gold Coast, en Australie, en 2018. Les JO de Tokyo, où il rêve de médaille d’or, pointeront alors à l’horizon. Il doit d’abord penser au prochain coup de pédale, au prochain virage.

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