Opinion  Cyclistes et automobilistes

Un mètre et demi entre la vie et la mort

Les collisions mortelles entre voitures et vélos ne sont pas toujours des « accidents »

Je suis de plus en plus interpellé par ces « accidents » où un cycliste est happé par un véhicule circulant dans la même direction ou, comme dans le cas d’Isabelle Richer, en sens inverse. Il s’agit d’un dépassement non sécuritaire qui se traduit par une collision souvent mortelle pour le cycliste.

En effet, plus de 80 % des décès chez les cyclistes sont causés par une collision avec une voiture. De ce nombre, 70 % sont attribuables à l’inattention de l’automobiliste ou au fait qu’il n’a pas cédé le passage. Seulement 8 % sont le résultat du comportement négligent du cycliste.

Je suis un cycliste, mais également un automobiliste. Il y a quelques jours, je circulais à vélo sur une route peu achalandée près de Bromont, sur laquelle la vitesse permise est de 70 km/h. La chaussée pavée est environ 20 cm plus large que la voie carrossable identifiée par les lignes blanches. Il y a donc un tout petit accotement pavé de 20 cm. Une autopatrouille de la police municipale s’en venait vers moi dans la direction opposée. Au moment même où elle me croisa, une autre automobile me dépassa, évidemment en étant très près de moi.

Dans de telles conditions, il est impossible pour l’automobiliste de doubler le cycliste en conservant un espace sécuritaire sans empiéter sur la voie en sens contraire, ce qui est permis par le Code de la sécurité routière (article 344). L’automobiliste qui m’a dépassé sans respecter une distance sécuritaire sous les yeux du policier n’a évidemment reçu aucune sanction ni même un avertissement.

Cette distance sécuritaire pour le dépassement d’un cycliste n’est pas une frivolité ou un caprice de cyclistes peureux. 

Nous avons vu l’an dernier, avec l’accident de Pierre Karl Péladeau, qu’un simple nid-de-poule ou une imperfection dans la chaussée de la route peut occasionner une chute avec des blessures très sévères, voire la mort du cycliste. Avec l’état souvent lamentable de nos routes, les cyclistes doivent fréquemment dévier légèrement de leur trajectoire pour éviter ces obstacles très dangereux. Toutefois, ces déviations sont généralement de faible amplitude, de moins d’un demi-mètre, de sorte qu’une distance de 1,5 m serait suffisante, mais nécessaire, pour assurer la sécurité du cycliste.

FINI, LE TEMPS DES BELLES PAROLES

Il est temps d’adopter une approche plus directive et plus coercitive. En effet, la publicité et les panneaux routiers « Partageons la route » sont bien beaux avec leur caractère de jovialité bucolique, mais nullement indicatif du comportement à adopter pour l’automobiliste ou pour le cycliste.

Des modifications au Code sont également requises pour permettre aux policiers de faire appliquer l’article 341, qui mentionne qu’il doit y avoir un espace suffisant pour permettre le dépassement sans danger. Présentement, les policiers sont totalement démunis, sans aucun outil pour intervenir adéquatement contre un automobiliste qui frôle un cycliste. On voit même des cas où l’automobiliste fauche carrément le vélo sans qu’il n’y ait la moindre conséquence.

Comme dans bien d’autres règlements, cet « espace suffisant » doit être quantifié pour permettre aux policiers de donner des contraventions pouvant aller jusqu’à des accusations de conduite dangereuse pour ceux qui frôlent les cyclistes.

Trop souvent, le décès ou les blessures des cyclistes occasionnés par une collision automobile sont qualifiés d’« accidents ». Pourtant, il est évident, dans de nombreux cas de collision par l’arrière, qu’il n’y avait pas d’espace suffisant pour le dépassement sans danger, comme le prescrit le Code.

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