Légalisation du cannabis

Québec demande un délai d’un an, Ottawa refuse poliment

Ottawa — Le gouvernement Trudeau rejette poliment la demande de Québec de reporter d’un an la légalisation du cannabis, affirmant qu’il est urgent de mettre fin au commerce illégal de cette drogue qui rapporte annuellement sept milliards de dollars au crime organisé.

Même si le gouvernement du Québec est revenu à la charge hier pour la deuxième fois au cours des derniers mois afin de réclamer un échéancier moins serré que le 1er juillet 2018, la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a indiqué qu’Ottawa maintenait le cap.

« La protection de la santé et de la sécurité de la population canadienne est une priorité absolue de notre gouvernement. Le marché clandestin est présentement contrôlé à 100 % par les criminels. Cela signifie que le commerce illégal du cannabis fournit des revenus annuels estimés à sept milliards au bénéfice du crime organisé », a indiqué hier Kathleen Davis, porte-parole de la ministre de la Justice.

« Le cannabis qui est vendu aujourd’hui n’est pas réglementé, n’est pas analysé et est susceptible d’être dangereux. Le projet de loi C-45 établira un marché légal bien encadré pour les Canadiens adultes […]. »

« Nous prenons le temps nécessaire pour mener à bien le projet, mais le prix du délai s’élève à des milliards de dollars de profit de plus pour le crime organisé et continue d’exposer nos enfants à un risque réel. »

— Kathleen Davis, porte-parole de la ministre de la Justice

Mais le gouvernement du Québec n’est pas le seul acteur à réclamer plus de temps avant de lancer ce nouveau régime. De nombreux corps policiers ont déjà fait savoir à Ottawa qu’ils ne seraient pas prêts à temps pour composer avec cette nouvelle réalité juridique, les policiers ayant notamment besoin d’une période de formation et d’outils pour contrer le fléau appréhendé d’une hausse du nombre d’automobilistes qui conduisent avec les facultés affaiblies par la drogue.

Des alliés du Québec au Sénat ?

La Chambre des communes examine en ce moment le rapport d’un comité qui a proposé quelques amendements au projet de projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis. Les députés devront se prononcer sur ces amendements avant d’entreprendre la troisième et dernière lecture du projet de loi et de l’expédier au Sénat.

Le Québec pourrait d’ailleurs trouver au Sénat des alliés qui partagent ses craintes quant à l’échéancier serré fixé par le gouvernement Trudeau. Selon nos informations, certains sénateurs estiment que cet échéancier « est un choix politique » et qu’il n’y aurait pas de conséquences juridiques si le Sénat décidait de proposer des amendements qui auraient pour effet de retarder l’échéancier du 1er juillet 2018.

Certains ont fait valoir hier qu’il n’y aurait pas de vide juridique si cet échéancier n’était pas respecté, alors que c’était tout le contraire quand le Sénat a étudié le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, en 2016. Dans ce dernier dossier, le Parlement devait agir rapidement afin de respecter une décision de la Cour suprême du Canada qui avait fixé une date limite aux parlementaires pour respecter les droits des personnes gravement malades qui souhaitaient mettre fin à leurs jours en ayant recours à l’aide médicale.

Partage des coûts et des recettes

Aujourd’hui, le gouvernement du Québec doit déposer son propre projet de loi visant à encadrer la vente et la distribution du cannabis au Québec. Hier, la ministre responsable du dossier, Lucie Charlebois, et le ministre des Finances, Carlos Leitão, ont fait valoir qu’Ottawa aiderait la cause des provinces en repoussant l’échéancier du 1er juillet 2018. Ils ont affirmé qu’un tel report permettrait au Québec de mieux faire ses devoirs et, surtout, de régler avec le ministre fédéral des Finances Bill Morneau le partage des coûts et des recettes provenant de la vente de cette drogue.

« Si nous avions un an de plus, ça nous permettrait premièrement de régler toute la question du financement, qui n’est pas réglée à ce jour. »

— Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Santé publique

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a renchéri en disant lui aussi que la question financière était toujours en suspens. Il a rappelé qu’en juin dernier, tous les ministres des Finances du pays avaient demandé un délai à Ottawa. La réponse avait été formelle : « Pas question. »

Comme ce sont les provinces qui assumeront les coûts d’implantation de cette mesure, il n’est pas question d’accepter un partage 50-50 de la taxe d’accise entre Ottawa et les provinces, comme l’a suggéré le gouvernement fédéral, a indiqué M. Leitão. « On n’est même pas encore au début du commencement » des discussions avec Ottawa sur ces questions, a-t-il dit. Cette question sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion fédérale-provinciale des ministres des Finances qui aura lieu le 12 décembre à Ottawa.

— Avec La Presse canadienne

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