PME Innovation – RO-MAIN 

L’intelligence artificielle à l’écoute des truies 

L’innovation

Un système de capteurs permettant de déterminer, grâce à l’intelligence artificielle, le meilleur moment pour inséminer les truies dans une porcherie. Le système appelé « PigWatch », conçu par l’entreprise RO-MAIN, de Saint-Lambert-de-Lauzon, près de Québec, permet des économies de temps et d’argent, avec une insémination de moins en moyenne par truie.

Qui ?

Au départ, il y a la famille Labrecque, notamment les frères Robert et Germain, éleveurs de porcs depuis 1979. À partir de 1999, ils fondent RO-MAIN et multiplient les innovations technologiques pour faciliter ce qui est le cœur des activités d’une porcherie, l’insémination des truies au moment de leurs chaleurs par les verrats (porcs reproducteurs). À partir de 2007, les frères s’associent à un ingénieur italien pour créer un système de capteurs de mouvements permettant de déterminer statistiquement le moment propice à l’insémination. RO-MAIN acquiert en 2016 l’ensemble des droits sur cette technologie. La même année, le fils de Robert, Jacquelin, entreprend des études en intelligence artificielle à l’Université Laval pour pousser le concept plus loin grâce à l’apprentissage automatique. La famille Labrecque a vendu ses fermes à Olymel, mais conserve des ententes de développement avec des porcheries de la région. RO-MAIN compte une quarantaine d’employés.

« Il y a tellement à faire en agriculture. Ce sont des entreprises qui souvent partent de loin, c’est une industrie très traditionnelle. »

— Jacquelin Labrecque, directeur R et D et chef de produit d’intelligence artificielle chez RO-MAIN

Le produit

La façon classique d’inséminer les truies dans une porcherie, c’est de repérer intuitivement leurs chaleurs et de les inséminer plusieurs fois pendant ces trois ou quatre jours, pour tomber sur le moment précis de l’ovulation. Le système PigWatch développé depuis 2008 permet de suivre avec des capteurs le comportement des truies et de repérer avec plus de précision le moment propice. « On se base sur les connaissances qu’on a de l’animal, explique Jacquelin Labrecque. Grâce à la littérature, on sait qu’il y a un certain type de comportements liés à la venue en chaleur. La truie augmente son niveau d’activité, elle a certains réflexes, elle va chercher le verrat. »

Depuis 2016, on utilise l’apprentissage machine pour concevoir une intelligence artificielle grâce aux millions de données récoltées en près d’une décennie. « On est capables avec l’IA d’analyser les séries temporelles, d’identifier les schémas. On peut alors y aller avec une seule insémination au bon moment au lieu d’essayer plusieurs fois. C’est comme passer de la mitraillette au sniper. »

Et ça fonctionne, comme l’a constaté une étude du Centre du développement du porc du Québec : dans 95 % des cas, PigWatch a déterminé correctement la période optimale d’ovulation. Pour les éleveurs de porcs, il s’agit d’une économie moyenne d’une dose d’insémination par truie, soit environ 8 $.

« Notre licence coûte 2 $ par truie, c’est donc un gain net de 6 $. »

— Jacquelin Labrecque

Le système PigWatch analyse quelque 75 000 truies dans des porcheries au Québec, aux États-Unis, en Europe, en Asie et au Brésil. L’installation coûte environ 100 000 $ pour une porcherie de 1500 truies.

L’avenir

En février 2019, PigWatch fera l’objet d’une autre innovation : les capteurs seront remplacés par des caméras. « Le système va coûter trois fois moins cher et on va avoir des données extrêmement riches », se réjouit le directeur R et D.

C’est essentiellement à l’interne qu’on a développé l’IA : outre M. Labrecque, on a pu compter sur « un expert de Montréal qui était tanné de la ville » et un employé formé aux statistiques. « On a besoin d’au moins une autre personne, mais c’est un grand défi de main-d’œuvre. On a un pôle important à Montréal, mais c’est très difficile pour des PME comme nous de compétitionner avec les Google et Facebook. » 

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