Développement personnel  Nicole Bordeleau

Devenir papillon

« Aujourd’hui est une journée neuve. » C’est le titre qu’aurait pu porter ce livre écrit par Nicole Bordeleau. « Une journée neuve » comme dans 24 nouvelles heures dont on dispose chaque jour pour se réinventer ou se rapprocher un peu plus de soi. Autrement dit, pour faire son bonheur…

Dans L’art de se réinventer, la chroniqueuse, conférencière et maître en yoga ouvre tout grand le coffre à outils qui lui a permis de vivre sa propre métamorphose. Passée de chenille à papillon, ou plus exactement, de toxicomane à spécialiste en zénitude – en transitant en phase chrysalide par le journalisme, puis par un diagnostic d’hépatite C qui l’a forcée à revoir ses priorités –, l’auteure avait bien certaines choses à dire sur le sujet !

Se réinventer, ça veut dire quoi au juste ?

Quand on m’en parlait il y a 10 ans, je pensais à changer de travail ou de partenaire, à modifier mon apparence, faire de l’escalade, déménager dans un autre pays… Puis j’ai réalisé que la vraie façon de se réinventer est de commencer de l’intérieur. Quand on fait un travail de fond à l’intérieur de soi, inévitablement, tout se met à changer à l’extérieur de soi.

Quelle forme peut prendre cette métamorphose ?

Je pense qu’elle doit être quotidienne. C’est de se dire : aujourd’hui, comment pourrais-je voir les choses autrement ? Qu’est-ce que je peux changer ? Ça n’a pas besoin d’être extraordinaire ! Ça peut être de prendre un autre chemin ou une autre porte pour entrer au bureau.

Le fait de vouloir se réinventer n’est-il pas le syndrome d’une fuite ou d’un constant besoin de nouveauté ?

Je ne crois pas. Dans ce livre, je parle de réinventer la vision de sa vie, pas de changer de vie. Dans les médias, on trouve tellement de témoignages de gens qui disent avoir tout flanqué là pour repartir à zéro. Ou encore, qui se défoncent pour vivre à plein ! Tout ça est extérieur à soi. Se réinventer, c’est laisser aller tout ce qu’on s’est mis comme étiquette, comme conditionnement. Notre cerveau produit environ 70 000 pensées par jour. C’est faramineux ! Mais 95 % de ces pensées sont les mêmes qu’hier ou avant-hier, et on ne les remet jamais en question.

On entend souvent qu’il faut écouter sa « petite voix », mais comment la reconnaître parmi toutes ces pensées ?

Ce n’est pas celle qui nous pousse au jugement et à la compétition. Ce n’est pas une voix de tête ; c’est un élan du cœur qui vient avec une sensation d’action et de paix, et non avec une anxiété. Cette petite voix devrait nous pousser à être bien avec nos choix, à être en accord avec ce qu’on pense, ce qu’on dit et ce qu’on fait. C’est un défi immense parce qu’il y a très peu de choses qui nous encouragent à être vraiment authentique.

Quels sont les freins à cette quête de soi ?

Le message qui est véhiculé à l’extérieur, c’est de réinventer ce qui nous entoure. Ça nous laisse avec un manque, une insatisfaction. Ce moment où on pense avoir atteint son bonheur ne dure pas, parce que tout ce qui est à l’extérieur est voué à changer. Tout.

Il y a aussi la peur. Mais la peur d’être malade ne nous protège pas de la maladie ; la peur de l’échec ne nous protège pas de l’échec. Le seul pouvoir qu’a la peur sur notre vie, c’est de nous empêcher de vivre.

On nous propose mille et une recettes pour atteindre une plus grande zénitude. N’est-ce pas extérieur à nous ?

Ça peut l’être. Vouloir être plus en forme, plus souple, apprendre à respirer, c’est parfait du moment que ça aboutit à l’intérieur. Si ça demeure en façade, ce sera sans fin. On a le droit de vouloir un meilleur travail, plus d’argent, plus de succès, mais il ne faut pas oublier de demander des choses essentielles, comme la paix de l’esprit. Quand on se garde du temps pour revenir à soi, même si c’est un court moment, il y a un déclic qui se fait. C’est à ce moment-là qu’on se réinvente.

Vous avez vécu des épreuves qui vous ont menée à vous transformer. La douleur est-elle un passage nécessaire pour se réinventer ?

Absolument pas. Ça passe par une prise de conscience. Si on vous dit : il vous reste 40 Noëls à vivre, ça peut paraître beaucoup, mais ça passe vite, 40 Noëls ! Chaque instant peut être savouré.

Certains diront peut-être que tout ça est bien beau quand on a une vie facile…

Vivre n’est pas facile. Tout le monde va vivre la trahison dans sa vie. Et des louanges et des critiques. Sans exception. Tout le monde va traverser des jours de maladie. Et tout le monde va vivre et mourir. Personne n’y échappe. Le lâcher-prise, c’est aussi de laisser aller ce qui nous fait souffrir. Je pense que le bonheur est une décision qui se renouvelle chaque jour. Plutôt que de dire « pourquoi », par exemple, on peut se demander « comment ».

Comment se réinvente-t-on quand on est Nicole Bordeleau ?

J’ai des idées ! Pas de grands changements… Mon projet à l’heure actuelle est de savourer ma guérison chaque jour. Ça peut être juste cinq minutes, mais elles sont non négociables !

Nicole Bordeleau a publié Vivre c’est guérir ! en 2012 et Zénitude et double espresso en 2014. L’art de se réinventer (Les éditions de l’Homme) sera en librairie demain.

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