Covoiturage quotidien

L'attrait du multimodal

Depuis plus de deux ans, Marc-Antoine Ducas se démène pour que son idée fasse du chemin. Et elle en a fait depuis 2012. Accessible depuis mai 2014 sur le web et les téléphones intelligents, sa plateforme Netlift est censée donner l’impulsion qu’il fallait au covoiturage que pourraient faire quotidiennement entre la maison et le travail des milliers de gens.

Convaincu que ce type de covoiturage a le vent dans les voiles, mais qu’il est freiné dans sa progression par l’absence d’une masse critique d’utilisateurs, Marc-Antoine Ducas croit qu’il faut marier le covoiturage urbain aux transports en commun pour que le premier soit de plus en plus utilisé, occasionnellement et quotidiennement.

Il en veut pour preuve l’exemple de deux habitants d’une municipalité de la Rive-Sud, voisins de quelques dizaines de mètres, mais travaillant à des lieux différents. L’idée est de leur faire utiliser sur le trajet des points de jonction avec les transports en commun pour y déposer le passager.

« On connecte le covoiturage avec les transports collectifs. Le multimodal n’existait pas jusqu’ici. Ça s’adresse aux personnes dont la totalité ou des portions du trajet sont communes », appuie le président de Netlift.

Le covoiturage fait ici partie d’un cocktail de moyens de transport auxquels il est lié. 

« Avec le covoiturage travail-maison utilisant un seul mode de transport, le taux de jumelage est proche de zéro, car il faut trouver un voisin qui travaille au même endroit ou dans le même secteur. Là, on propose un trajet intermodal, où les modes de transport sont en interaction. »

— Marc-Antoine Ducas, président de Netlift

Grâce à ce principe, 58 % des demandes de déplacements en covoiturage seraient comblées sur sa plateforme. Une proportion énorme par rapport à ce qu’obtiennent d’autres services de covoiturage quotidien.

« Tout le monde est convaincu que le multimodal est la seule solution viable à l’inefficacité du covoiturage. C’est aussi des clients gagnés par les transports en commun », argumente le président de Netlift, qui propose également son concept aux entreprises pour leurs employés.

Cette approche est-elle réellement la solution aux maux du covoiturage quotidien ? Spécialiste et observatrice attentive de ce mode de transport, Catherine Morency juge celle-ci intéressante.

« Netlift rejoint l’idée qu’il doit y avoir une collaboration entre les modes de transport. Il faut qu’il y ait plusieurs solutions de transport, la vulnérabilité est trop grande avec le train de banlieue seul, par exemple. C’est là que c’est intéressant », estime cette professeure, titulaire de la Chaire Mobilité à Polytechnique Montréal.

Mais il faut également simplifier la vie aux usagers en leur permettant d’avoir accès à tous les modes de transport avec une même carte. Ce que Netlift cherche à obtenir actuellement.

3000

Nombre de personnes inscrites au service de covoiturage de Netlift

Contrairement à la concurrence, la jeune entreprise facture ses covoitureurs quotidiens : 19 $ par mois. Le passager occasionnel, lui, précise combien il est prêt à payer pour son trajet. Netlift prendra 15 % de ce montant donné. Le conducteur est payé par l’entremise de l’application et peut communiquer avec son passager grâce à une messagerie Netlift.

C’est peut-être là la faiblesse de Netlift : vouloir générer des revenus par le truchement des particuliers.

« Étant donné que de nombreux usagers du covoiturage quotidien préfèrent opter pour un équipage régulier et même pour une alternance de conduite qui ne nécessite aucune transaction financière, nous croyons qu’il peut devenir difficile d’être profitable », commente Francis Girard-Boudreault, directeur des communications de Covoiturage.ca.

L’avenir de Netlift le confirmera. Ou pas.

Ce que dit la Loi sur les transports

La polémique née de l’arrivée d’UberX à Montréal rappelle que la loi ne permet pas à n’importe quel conducteur de faire des profits indûment. Au Québec, le covoiturage ne nécessite pas de permis, mais sa pratique est clairement définie. Selon la Loi sur les transports, « le covoiturage implique un transport effectué sur un même trajet, lorsque seuls les frais du transport sont partagés et qu’aucune rémunération n’est requise ». Et la loi de préciser : « Concrètement, un chauffeur offrant du covoiturage a aussi à se déplacer et à se rendre personnellement à la destination, même s’il n’a pas de passagers. Le transport de passagers devient accessoire au déplacement et non le but premier de celui-ci. Les passagers contribuent afin de compenser le chauffeur pour l’utilisation du véhicule, comme le partage des frais de l’essence. »

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