Opinion  Grèce

L’obligation d’alléger la dette grecque

Un remboursement partiel vaut plus que rien du tout plus tard

La saga entourant la crise en Grèce prend un tournant différent chaque mois, pour ne pas dire chaque semaine.

Alors que l’on apprenait que l’Allemagne a fait du profit durant la crise (réduction de ses taux d’intérêt par l’argent abondant) et qu’elle se réjouit que la possibilité de la réduction de la dette grecque ait été mise de côté, un troisième plan d’aide de 85 milliards d’euros se met en place.

Les deux premiers, des réformes structurelles, de multiples possibilités de défaut et cinq années plus tard n’ont rien changé. Nous assistons toujours à une prise en direct d’une tragédie grecque. 

Pourtant, il y a une solution simple économiquement, mais qui est impossible politiquement : une réduction nominale de la dette grecque. Le poids de la dette grecque en pourcentage de son PIB dépasse les 200 % (un peu plus de 100 % avant la crise). La plupart des économistes et des acteurs politiques sont d’accord pour dire que ce poids est insoutenable à long terme. Même le FMI, qui n’est pas reconnu pour son idéologie gauchiste, soutient que cet allègement est nécessaire. Je dirais même plus, cet allègement devient une obligation, et ce pour deux raisons distinctes.

Les tentatives de réformes structurelles ont échoué, les plans d’aide n’ont fait que remplir les coffres des banques et alourdir le problème de la dette grecque. Rien ne laisse présager que ce troisième plan d’aide et cette nouvelle vague d’austérité aura les effets escomptés.

Dans les faits, les partenaires de la Grèce ne font que reporter à demain les problèmes d’aujourd’hui.

Les solutions mises en place ressemblent aux prisons pour indigents du XIXe siècle. Lorsqu’un indigent ne pouvait s’acquitter de ses dettes, on le mettait en prison de travail. Il y travaillait pour un salaire de misère pour rembourser ses dettes et les frais de son incarcération. Les mesures d’austérité ont le même effet sur la Grèce. Privée de la nécessaire stimulation à son économie, elle est prisonnière de sa dette. En poursuivant ce soi-disant remède, la confrontation du problème reste entière et repoussée à plus tard.

Depuis les premiers prêts il y a plus de 5000 ans – alors que les « rois » prêtaient des semences aux fermiers en échange d’un paiement futur en récoltes –, l’effacement des dettes a toujours été fait périodiquement. L’Allemagne s’est vue accorder cette chance dans les années 50 pour s’assurer que l’on n’assiste pas à une répétition de l’histoire. 

Au-delà de ce genre de considérations, la possibilité de l’effacement de la dette est intrinsèquement liée au principe de l’intérêt. Plus un prêt est à risque, plus les intérêts chargés seront élevés. Mais à risque de quoi ? C’est à risque de défaut. À tout prêt, il y a toujours la possibilité que le créditeur ne revoie pas son argent. L’idée qu’il est impossible de faire défaut est bien sélective et s’applique généralement aux plus pauvres. Le recours à la faillite personnelle est de plus en plus difficile, tandis que les entreprises qui font faillite peuvent déménager sans trop de tracas, et ce, à coup de subventions.

Cet allègement est dans l’intérêt des créditeurs. Un remboursement partiel vaut plus que rien du tout plus tard. C’est également dans l’intérêt supérieur de la population grecque, qui paie le prix fort de cette crise et qui n’en est pas forcément la cause. Nier cet allègement, c’est nier le contrat implicite entre créditeur et débiteur, tout en ne laissant pas les outils nécessaires à ce dernier pour qu’il vienne à bout de ses problèmes.

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