Activité phyisque

Du yoga pour mieux courir

Enseigner le yoga pour propulser la course à pied. Voici ce que proposent de plus en plus de spécialistes de ces deux disciplines, en apparence si opposées.

Physiothérapeute, prof de yoga et consultante en course à pied à l’Institut Psycho Neuro de Longueuil, Marie-Pierre Gervais est persuadée que les exercices en « lenteur » du yoga aident les coureurs à décomposer leur contrôle moteur et à améliorer l’exécution de leurs mouvements. « Comme la course va très vite et qu’on répète les mêmes mouvements à très haute fréquence, c’est important de comprendre ce qui se passe dans notre corps, et plus particulièrement en ce qui concerne le bassin, les pieds et les genoux », explique-t-elle.

Cette conscience corporelle accrue permet aussi d’être à l’affût de plusieurs pépins physiques. « Après avoir appris à bien faire un mouvement, on peut réaliser, en courant, que sa fesse gauche n’est pas assez réveillée, que ses genoux vont vers l’intérieur ou que l’on perd l’activation des abdominaux au cinquième kilomètre, illustre-t-elle. On devient à l’écoute d’une foule de détails qui nous aident à sentir les problèmes arriver. »

À force de côtoyer des dizaines de coureurs blessés, elle a repéré certains muscles paresseux qui peuvent causer des soucis. Dans ses ateliers, elle s’assure donc de réveiller de façon neuromusculaire les petits muscles stabilisateurs du corps, tels les petits abdominaux profonds qui se trouvent derrière le six packs, afin que les grands muscles mobilisateurs fassent le travail.

Popularité croissante

Les cours de yoga pour coureurs sont en pleine effervescence, selon Marie-Claude Santerre, qui a fondé l’entreprise Yoga du coureur il y a deux ans. « Je sens une grande ouverture de la part des coureurs à l’affût de nouveaux moyens pour enrichir leur pratique », dit celle qui parcourt le Québec pour offrir des cours dans les clubs sportifs, les boutiques spécialisées et les événements de course et de triathlon. « Chaque fois que j’ouvre un cours, il affiche complet et je dois souvent offrir une deuxième date. Comme le yoga est accessible à tous et que sa pratique est différente de la course, il suscite de plus en plus de curiosité. »

L’enseignante assure que le yoga peut contrebalancer les effets négatifs de la course à pied, comme la surutilisation des membres inférieurs et la sous-utilisation des membres supérieurs. « Nous travaillons des postures d’ouverture du haut du corps et des postures d’étirement de toute la chaîne musculaire arrière, souvent raccourcis par les mouvements très répétitifs de la course à pied. Certains coureurs très talentueux sont parfois incapables d’attacher leurs propres souliers par manque de flexibilité dans les ischiojambiers ! »

Ne pas perdre le souffle

Bien entendu, qui dit yoga dit synchronisation du souffle et des mouvements. Un autre élément que les coureurs peuvent transposer avantageusement dans leur exercice. « On guide les participants à respirer en utilisant leur plancher pelvien, leur diaphragme et les muscles de la gorge, comme dans les cours de yoga traditionnels », explique la physiothérapeute. Avec diverses postures, elle les incite à ouvrir leur cage thoracique, à étirer leurs muscles intercostaux et à mettre à profit leur diaphragme, encore et encore. « Plus on a conscience de sa respiration, plus on utilise son diaphragme et ses abdominaux, mieux on respire. 

« Quand on court, les automatismes développés en yoga aident à économiser de l’oxygène et à améliorer ses performances. »

— Marie-Pierre Gervais

Les liens entre le yoga et la course ne s’arrêtent pas là. Marie-Pierre Gervais fait aussi des parallèles entre la zone d’hyperconcentration qu’atteignent les yogis et les coureurs dans leur pratique. « Quand on observe les sprinteurs avant le départ, ils sont tous dans leur zone : ils ont une conscience complète de leur corps et ils sont totalement présents et alignés. C’est primordial de savoir se concentrer pour performer au moment voulu. »

Même chose pour les coureurs du dimanche. « Si leur esprit est pris dans leur tête ou dans leurs émotions, ils ne seront pas à l’écoute de ce qui se passe dans leur corps. C’est là que les blessures et les moins bonnes performances peuvent survenir. Comme le yoga est reconnu pour cultiver le “ici et maintenant”, on y découvre le chemin jusqu’à la zone. »

Une pionnière

La Canadienne Christine Felstead est une pionnière dans le domaine. Depuis déjà plus de 15 ans, elle aide les joggeurs, les coureurs et les triathloniens à développer leur force, leur respiration, leur flexibilité et leur puissance grâce au yoga. Installée à Toronto, elle offre des conférences et des cours aux enseignants de yoga, comme celui suivi par la Québécoise Mireille Massé en 2008. Mme Felstead a également publié le livre Yoga for Runners et deux DVD d’exercices.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.