Quatre villes, quatre réalités

Sarah Faye

Griffintown, Montréal

Sarah Faye habite le quartier de Griffintown, au sud du centre-ville de la métropole. Pas le « nouveau » Griffintown des tours de condos, près de la rue Peel, mais le vieux Griffintown, plus à l’ouest, « en arrière du Centre Bell », qui a été « oublié » par le métro. Deux lignes passent autour du quartier, « mais les stations sont juste un peu trop éloignées pour marcher la distance, que ce soit pour la ligne 1 ou la ligne 2 ». Les autobus qui traversent ce secteur n’ont pas « une fréquence très pratique » et un grand tronçon de la rue Saint-Jacques, juste au nord du quartier, n’a même pas d’arrêts de bus. Pour elle, c’est le vélo qui est devenu le moyen de transport principal dans un quartier qui est pourtant en pleine renaissance, mais où on a « oublié » d’intégrer des services de transports collectifs.

Quatre villes, quatre réalités

Benjamin Cool-Fergus

Gatineau

Dans la partie ouest de la ville de Gatineau, on « vit des situations difficiles en ce moment sur le plan du transport ». Le secteur croît rapidement, mais les infrastructures routières et les services d’autobus qui le desservent sont minimaux. « On souhaite qu’avec le projet de lien rapide, qui arrive dans notre coin de la ville, les choses vont s’améliorer. » Quand ? On ne sait pas. Mais ce n’est pas pour demain. Les études de la Société de transport de l’Outaouais (STO) sur un projet de « système de transport collectif performant » pour l’ouest de Gatineau ont pris trois ans. Une consultation publique est prévue au cours des prochaines semaines, et le rapport d’étude doit être déposé au gouvernement du Québec au début de 2017.

Quatre villes, quatre réalités

Isabelle Vaillancourt

Mont-Laurier

À Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides, on a intégré les services au transport scolaire pour offrir une solution de rechange aux résidants de la MRC Antoine-Labelle. Les professeurs utilisent le service qui les amène directement à l’école. Il est aussi populaire chez les personnes âgées et chez les gens qui réintègrent le milieu du travail. En milieu rural, la réalité des transports collectifs n’a rien à voir avec celle des villes, dit la directrice générale du transport collectif et adapté pour cette MRC des Hautes-Laurentides, Isabelle Vaillancourt. « Mais ce qu’on apprécierait de la part du ministère des Transports, c’est qu’il y ait une vision de ce qu’est le transport collectif rural [...]. Si on pouvait au moins avoir un financement prévisible, ça aiderait. » 

Quatre villes, quatre réalités

Ghislain Laframboise

Laval

Laval est un peu victime de sa géographie, dit Ghislain Laframboise, militant de longue date pour l’amélioration des services de transports collectifs dans l’île Jésus. « L’île est plus large que haute, si bien que dans les extrémités du territoire, les services sont vraiment réduits et ça prend beaucoup de temps pour se rendre au centre de l’île. Il n’y a pas de voies réservées sur l’autoroute, les boulevards Saint-Martin ou Concorde. La Société de transport de Laval (STL) fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a, mais les automobilistes qui regardent vers les transports en commun n’ont aucun incitatif à les utiliser parce qu’ils ne sont pas compétitifs en termes de temps de déplacement. » 

Transports en commun

Des voix s’élèvent contre l’absence de plan provincial

Au moment où Montréal et Québec étouffent sous les embouteillages et que l’achalandage de leurs réseaux de métro et d’autobus est en régression, le ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports, Laurent Lessard, n’a pas l’intention de proposer une nouvelle politique provinciale des transports en commun dans un avenir rapproché.

Selon la coordonnatrice aux communications du cabinet du ministre Lessard, Jacinthe Girard, « il n’y a pas présentement de politique des transports en commun sur la table » et le Ministère gère les dossiers réclamant son attention « au cas par cas ».

C’est notamment le cas en régions rurales, où le Ministère a imposé au printemps de nouvelles règles de financement, obligeant notamment des MRC à éliminer les surplus qui s’étaient accumulés, ces dernières années, dans l’organisation de services de transports en commun locaux.

Mme Girard a ajouté que le gouvernement du Québec a augmenté de 10 millions ses subventions annuelles aux sociétés de transport de la province, en 2016, et que des projets de grande envergure, comme le prolongement de la ligne 5 du métro dans l’est de Montréal, progressent à différents niveaux dans les officines gouvernementales.

C’est la première fois depuis l’expiration de la Politique québécoise de développement des transports collectifs, en 2011, qu’un ministre des Transports affirme qu’il n’y a aucun plan pour renouveler cette expérience, qui avait été couronnée de succès.

Entre 2006 et 2011, le gouvernement du Québec a financé jusqu’à hauteur de 135 millions par année des projets d’amélioration des services de bus, de métro et de trains de banlieue partout au Québec. Cette politique avait permis d’augmenter l’achalandage global des réseaux de transports en commun de 11 %, en ajoutant notamment plus de 1,5 million d’heures de service sur les réseaux d’autobus de la province.

Depuis l’expiration de la politique de développement, l’achalandage des réseaux stagne, et les ajouts de nouveaux services sont devenus rares dans les grandes sociétés de transports du Québec. En 2015, la clientèle du Réseau de transport de la Capitale (RTC), à Québec, a chuté de 3 %. La Société de transport de Montréal a aussi enregistré une baisse de 4 millions de déplacements sur ses réseaux de bus et de métro (0.9 %), l’an dernier, la première chute d’achalandage en 11 ans.

QUÉBEC CRITIQUÉ

Hier, Transit, l’alliance pour le financement des transports collectifs au Québec, une coalition d’organismes communautaires et écologistes, ainsi que des usagers des transports collectifs de partout au Québec, ont réclamé « un coup de barre » de la part du ministre Lessard.

Le porte-parole de l’Alliance et directeur général de Vivre en ville, Christian Savard, a déploré hier que l’attention suscitée par le projet de Réseau électrique métropolitain de 5,5 milliards proposé par la Caisse de dépôt et placement du Québec, serve de paravent pour cacher l’indifférence du gouvernement face aux utilisateurs de l’ensemble du Québec.

« Pendant que tous les projecteurs sont sur ce grand projet, on ne s’occupe pas de la très vaste majorité des usagers des transports collectifs au Québec pour qui il ne changera rien du tout. Et c’est comme ça depuis cinq ans. On ne s’occupe tout simplement pas de plus d’un million d’usagers qui utilisent ces services, à tous les jours ».

Le directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, a pour sa part accusé le ministère des Transports d’être devenu « le principal obstacle à la lutte aux changements climatiques au Québec », en refusant de s’engager vers une transition énergétique, qui est censée faire partie des objectifs stratégiques du gouvernement du Québec.

M. Mayrand estime qu’il sera impossible pour le Québec d’atteindre ses objectifs de réduction des GES de 37,5 %, d’ici 15 ans, si le gouvernement ne se dote pas de politiques sérieuses visant réduire la circulation automobile.

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