GALERIE AVE

Couveuse d’artistes dans Saint-Henri

Soutenir des artistes émergents et leur permettre d’exposer des œuvres au début de leur carrière. Telle est la mission que s’est donnée la galerie AVE, ouverte dans le quartier Saint-Henri en 2016. Son directeur, André Masson, qui a été artiste et enseignant, a voulu créer cette sorte de couveuse de la relève pour aider les jeunes artistes à prendre leur envol.

Quand André Masson était directeur du centre d’artistes Praxis de Sainte-Thérèse, en 2007, il avait été peiné de ne pouvoir offrir un solo au jeune artiste Laurent Lamarche dans les locaux de son organisme des Laurentides. Qu’à cela ne tienne, il s’était débrouillé pour dénicher un petit local adjacent à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal. Un coup de main que Laurent Lamarche, aujourd’hui créateur réputé, n’a pas oublié.

« André Masson m’avait beaucoup apporté par son expérience, dit Laurent Lamarche. C’était seulement mon deuxième solo. Il m’avait donné envie de continuer. Je le remercie pour ça encore aujourd’hui. »

Telle est la mission que s’est donnée André Masson. Aider les jeunes artistes visuels. Tant et si bien qu’un jour, il a laissé tomber sa carrière de sculpteur et a décidé de permettre à des jeunes de se frayer un chemin dans le turbulent et incertain marché de l’art. Il estimait que les centres d’artistes autogérés ne jouaient peut-être plus autant leur rôle de soutien aux artistes émergents, car ils réservaient de plus en plus leurs locaux à des artistes bénéficiant déjà d’une certaine reconnaissance.

Dans l’édifice RCA

Avec son cousin Michel Dionne et un jeune historien de l’art, Alexandre Hurtubise, il a fondé en octobre 2016 la galerie AVE (pour Artistes visuels émergents), dans un espace de l’édifice RCA de la rue Lenoir, dans Saint-Henri, là où a émergé l’industrie du disque et des gramophones au début du XXe siècle.

« Je savais combien c’était difficile d’être un artiste, alors j’ai décidé de soutenir sincèrement les jeunes qui arrivent », lâche le galeriste qui dit avoir été inspiré par l’expérience des fondateurs de la galerie Art mûr, François St-Jacques et Rhéal Olivier Lanthier, très tournés vers la relève.

Notoriété grandissante

Aujourd’hui, après deux ans et demi de fonctionnement, AVE reçoit une cinquantaine de candidatures d’artistes émergents pour ses huit expositions annuelles. Et à ceux qui n’ont pas été retenus, André Masson prend le temps d’en expliquer les raisons.

« Quand ils sont prêts à les entendre ! dit-il. Je leur fais le portrait de ce que doit être un artiste aujourd’hui. »

« Je leur dis comment procéder, où aller, d’assister aux vernissages, de prendre le pouls du milieu. La tendance des jeunes aujourd’hui, c’est de fournir un travail pas assez soutenu. Et ils s’essoufflent vite… »

— Le galeriste André Masson

Pour leur donner de l’expérience, AVE fait appel, l’été, à de jeunes commissaires pour leur permettre de présenter une première exposition de leur crû, mais aussi de savoir gérer une galerie, « avec toutes les implications que cela requiert ! », dit André Masson. « Pour eux, c’est majeur, car le Conseil des arts et des lettres du Québec ne finance malheureusement jamais les premières expositions des commissaires indépendants », dit-il.

Des prix plutôt bas

AVE est une galerie commerciale. Il faut avoir les reins solides en 2019 pour maintenir une galerie à flot tout en ayant une vision humaniste du milieu de l’art. Si André Masson parvient à vendre des œuvres lors de chaque exposition (il prend 50 % de chaque vente), les prix sont plutôt bas. Car il veut attirer les jeunes collectionneurs et permettre aux artistes de se faire connaître. « Les œuvres des artistes ne servent à rien si elles restent dans leurs ateliers », dit le galeriste.

On trouve ainsi chez AVE des œuvres uniques à seulement 175 $ pour une huile sur toile de 15 cm sur 20 cm d’Alex Coma.

« J’ai des enfants. S’ils emmènent des amis au vernissage et qu’ils voient des œuvres à 5000 $, ils n’en achèteront pas. Par contre, les professionnels établis peuvent se le permettre. »

— Le galeriste André Masson

Lui-même encourage la relève, en achetant systématiquement au moins une œuvre des artistes qu’il expose. André Masson veut convaincre les entreprises de soutenir les artistes émergents en achetant de temps en temps une œuvre dont le prix ne risque pas, dit-il, de grever leur budget. Plutôt que d’acheter des reproductions dans les magasins de meubles ou de décoration…

Rêves et réalité

À 66 ans, le rêve d’André Masson serait d’ouvrir une galerie AVE à Toronto, à New York et à Barcelone. Mais cela prend des investisseurs. En attendant, il reste fixé sur l’objectif d’aider les jeunes artistes en mal de notoriété. Il a ainsi décidé de ne plus refaire d’exposition collective de fin d’année avec les invendus de « ses » artistes. Et de piocher plutôt dans les dossiers de ceux qui n’ont pas été sélectionnés pour un solo à AVE. Car il veut leur donner une autre chance au sein d’une expo collective.

« Comme ça, je vais pouvoir servir plus d’artistes, vérifier leur professionnalisme et les rencontrer de nouveau », lâche le galeriste, avec détermination.

Galerie AVE, au 901, rue Lenoir, B-105, Montréal

Quatre artistes d’AVE

Marilyne Bissonnette

Diplômée de Laval en 2014, elle a exposé ses sculptures à AVE en juin 2018, son troisième solo. « J’ai adoré ça. André Masson m’a beaucoup soutenue. » Grâce à AVE, l’artiste de 30 ans a pu se faire connaître, a vendu presque toutes ses œuvres et a été invitée par la suite à la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert.

Sébastien Gaudette

Diplômé de l’UQAM en 2015, l’artiste de 35 ans explore la matérialité du papier avec des feuilles d’aluminium. Il a exposé à AVE l’an dernier. Il avait déjà une douzaine de solos à son actif. « André avait bien aimé mon travail et m’a retenu, dit-il. C’était très intéressant, car si c’est une petite galerie, il y a pas mal de murs à remplir ! » Représenté par la galerie Youn, il exposera dès le 15 mars à la maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce.

Marie-Claude Lacroix

Diplômée de Concordia en 2016, la peintre exposera ses huiles dès le 28 février à AVE. Son premier solo à 27 ans. Elle explore la construction et la fragmentation des images, avec une approche contemporaine de la nature morte, développant une recherche sur la notion d’espace.

Ophélie Queffurus

D’origine bretonne, l’artiste de 32 ans a exposé à AVE, en 2017, des œuvres de bio-art, dans lesquelles le vivant a une place. Par exemple son installation Expérience gélose, composée de sculptures d’agar sur lesquelles se développent des souches de Physarum polycephalum, un champignon gélatineux. Elle fait actuellement un doctorat sur les aspects créatifs de cet organisme végétal à l’UQAM et à l’Université de Rennes 2, en France.

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